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Et il aura fallu 9 ans de croissance non stop pour que le boom des emplois s’étende enfin aux ouvriers américains. Dure leçon pour la France...
©MANDEL NGAN / AFP

10 ans après 2008

La situation économique des classes populaires, particulièrement des cols bleus, profite tout particulièrement du boom économique américain actuel.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Selon un article du Washington Post, le boom économique américain de l'ère Trump serait en train de produire des effets réels sur les "cols bleus", les ouvriers du pays. Comment mesurer les avancées sur cette question ?

Nicolas Goetzmann : Depuis l'élection de Donald Trump, 1 million de nouveaux emplois de "production de biens" ont vu le jour, aussi bien dans les activités minières ou industrielles. Le taux de création d'emplois ouvriers est au plus haut depuis près de 30 ans. Au-delà du chiffre, ce qui doit être constaté, c'est que la tendance à la désindustrialisation a été brisée, et que le nombre d'emplois dans ces secteurs repart à la hausse. Cela montre qu'il n'y pas de fatalité concernant la désindustrialisation. Depuis le creux de la crise de 2008, 3 millions d'emplois ont été créés dans ces secteurs. Ce qui est intéressant dans l'analyse faite par le Washington post, c'est de voir que les zones rurales sont concernées, et notamment les territoires qui ont voté majoritairement pour Donald Trump. Selon les données du Brookings Institute, l'emploi rural a progressé de 5.1% (en termes annualisés) au premier trimestre 2018 (à titre de comparaison, l'emploi total en France progresse de 0.8% sur la dernière année). La croissance américaine ne s'est pas soudainement portée vers ces emplois et ces territoires, ce sont toujours les métropoles qui dominent et qui domineront, mais ce que l'on peut observer, c'est que la stratégie menée d'une économie "à plein régime" est en train d'atteindre les zones qui avaient été le plus affectées lors du processus de mondialisation, notamment depuis l'arrivée de la Chine dans l'OMC, à la fin de l'année 2001.

Dans un autre registre, il faut aussi remarquer que le taux de chômage est de 3.9%, 3.4% pour les blancs, 6.3% pour les afro-américains (ce qui est un record bas) 4.7% pour les hispaniques, et 3.0% pour les asiatiques. Donc, au-delà de la question des électeurs de Trump, il faut reconnaître une situation d'emploi très favorable dans le pays, et qui touche l'ensemble de la population. Les demandes d'allocations chômage dans le pays viennent de toucher un point bas de 49 ans… nous sommes dans un monde parallèle lorsque l'on veut comparer notre situation à celle des Etats-Unis.

Quelle est la responsabilité de Donald Trump dans cette situation ? Peut-il vraiment en revendiquer la paternité ?

Il serait quand même abusif de dire qu'il n'y est pour rien. Le principal acteur de ce tracteur économique qu'est aujourd'hui l'économie américaine est la FED, dont le président, Jerome Powell a été nommé par Donald Trump. Le travail de ses prédécesseurs, Ben Bernanke et Janet Yellen a été essentiel dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, mais le travail de Powell peut également être salué en ce sens. Après la phase de décollage, il a pour rôle de faire trouver à la croissance américaine un rythme de croisière optimal, sans en briser l'élan. C'est une étape décisive qu'il réussit plutôt correctement pour le moment. Il faudra observer la suite avec vigilance. On peut aussi mettre en avant le rôle joué par la dérégulation que met en place Donald Trump, que l'on y soit opposé ou non, cela créé de l'emploi dans le secteur pétrolier.

Est-il possible d'importer un tel contexte sur le continent européen et plus particulièrement en France ?

En théorie oui. En pratique cela suggère de modifier le mandat de la Banque centrale européenne et de lui donner l'ordre de poursuivre un objectif de plein emploi, ce qui conduirait à un gros changement de braquet de la politique macroéconomique européenne. Cela est donc parfaitement faisable sur le papier, mais cela suppose de convaincre nos partenaires européens, et cela suppose surtout de convaincre nos propres dirigeants que leur politique est parfaitement inefficace comparativement à ce que peuvent faire les États-Unis. Or, la remise en question n'a pas exactement l'air d'être une option pour l'exécutif actuel. Dans de telles conditions, et s'il ne faut pas se résigner, il faudra simplement observer le narratif que va préparer l'exécutif pour essayer de justifier son échec économique qui est déjà en train de prendre forme, tandis que les Etats-Unis continuent de croître à 3.1% avec une situation de plein emploi. Ce sera la faute de quelqu'un, sans doute des "fainéants" ou des "réfractaires" au changement. Ces mêmes "déplorables" qui retrouvent du boulot aux Etats-Unis. 

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