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Discours sur l’état de l’Union : l’Europe a-t-elle (enfin) vu la lumière sur ses tourments économiques ?
©YVES HERMAN / POOL / AFP

Sortir de l'ornière

Lors de son discours sur l'état de l'Union devant le Parlement européen de Strasbourg, Ursula von der Leyen a promis que l'UE "ne répétera pas l'erreur" de la rigueur budgétaire commise lors de la dernière crise financière.

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Lors de son discours sur l'état de l'Union devant le Parlement européen de Strasbourg, Ursula von der Leyen a promis que l'UE "ne répétera pas l'erreur" de la rigueur budgétaire commise lors de la dernière crise financière. A quelle erreur fait-elle exactement référence ? Quelles en ont été les conséquences sur l’Europe ?

Rémi Bourgeot : Au-delà de la question européenne, un débat mondial, peu inspiré sur le plan historique, avait penché en faveur de l’austérité budgétaire en pleine crise financière mondiale. Des universitaires de renom comme Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart de l’Université de Harvard, avait été jusqu’à maltraiter des données pour expliquer que dette élevée rimait avec faible croissance – ce qui ne signifiait pas pour autant qu’il faille pratiquer l’austérité en pleine crise. Mais c’est surtout en Europe que ce débat s’était matérialisé sur le plan politique, du fait des tensions entre cultures économiques nationales et du contexte de mise sous tutelle des décisions budgétaires des pays sous programmes d’aide par la fameuse « troïka ». C’est également dans ce contexte qu’a été développée par la BCE, comme pour pallier le manque de soutien budgétaire, une réponse monétaire devenue peu à peu illimitée, au péril des pires bulles financières et immobilières.

Aujourd’hui, l’UE a-t-elle définitivement tiré les leçons de 2008 ?

Si l’austérité et la mise sous tutelle aveugle des pays sous aide ont effectivement été une aberration, cela ne suffit pas qu’il suffise de faire l’inverse. Des questions bien plus importantes se posent comme celle de l’inclusion des compétences, en particulier technologiques. Toute politique qui conduit à l’exclusion d’une génération est catastrophique. Ça a été un des effets des politiques d’austérité aveugles. On peut pour autant imaginer une politique de soutien et de dépense massive qui cible certaines catégories tout en laissant se poursuivre ou s’accélérer un phénomène d’effondrement industriel et d’exclusion généralisée des compétences concrètes. C’est dans cette situation que se trouve aujourd’hui la France et l’ensemble des pays d’Europe du Sud. 

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L’Allemagne n’est pas un modèle, car elle peine à se repositionner industriellement dans la révolution technologique en cours, mais jamais le pays ne s’est lancé dans une logique généralisée d’exclusion des compétences technologiques. Nos gérontocraties européennes, ultra-administratives, ne parviennent plus à concevoir une emprise sur l’économie réelle. Et il ne serait pas d’un grand secours que de chercher à trancher le bon vieux débat sur la relance keynésienne. On peut relancer à coût de milliards déversés sur l’hôtellerie-restauration et autres dérivés du mirage touristique en passant à côté des enjeux de la concurrence technologique en cours dans le monde. 

Suite à cette prise de position d’Ursula von der Leyen, à quoi peut-on s’attendre en termes d’orientation économique ? Faire le constat de l’échec de la rigueur suffit-il à régler tous les problèmes économiques de l’UE ?

L’explosion de la dette est un problème qu’on ne peut nier. Et sa gestion risque encore de justifier l’écrasement des taux par une politique de relance monétaire à l’origine de bulles qui minent aussi bien la stabilité économique et sociale que notre compétitivité. Malgré le constat d’échec quant à l’idéologie de l’austérité par temps de crise, ce sujet va peser lourdement. Les relations européennes ne manqueront pas de se tendre davantage face à cette situation, sans parler naturellement du refus accru de toute forme réelle de solidarité budgétaire, qui en découlera. L’enjeu pour tous les pays européens est aujourd’hui de mettre en œuvre les conditions d’une véritable croissance, fondé sur le progrès technologique et les gains de productivité. C’est la seule voie de sortie de cette situation d’effondrement industriel et social tout comme de la situation d’hyper-endettement. Les projets technologiques doivent revenir sur le devant de la scène, sans se laisser parasiter par de vains débats d’économistes et de bureaucrates. On constate par exemple en ce moment une prise de conscience du retard européen face à la pénurie de semi-conducteurs. Cette prise de conscience est salutaire et donne lieu à des projets intéressants. Il faudra veiller à ne pas s’égarer dans d’interminables débats macroéconomiques ni à laisser la politique technologique être prise en otage par divers effets de mode. 

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