Dette record : mais que fait donc Anne Hidalgo de l’argent de la ville de Paris ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Anne Hidalgo lors d'un débat réunissant des dirigeants socialistes européens sur le "Grand virage" à Paris, le 12 novembre 2021.
Anne Hidalgo lors d'un débat réunissant des dirigeants socialistes européens sur le "Grand virage" à Paris, le 12 novembre 2021.
©THOMAS SAMSON / AFP

Gestion catastrophique

Alors que la ville doit présenter son budget ce mardi 14 décembre, la perspective d’une mise de la capitale sous la tutelle budgétaire de l’Etat se précise

David Alphand

David Alphand est conseiller municipal du 16ème arrondissement, conseiller de Paris et Vice-Président délégué du Groupe “Changer Paris” (LR,
Centristes, Indépendants) au Conseil de Paris

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Atlantico : Un courrier du gouvernement à propos des loyers capitalisés pointe l'envolée de la dette de la ville sur ces dernières années, qui s'élève aujourd'hui à plus de 7 milliards d'euros, contre 4,6 milliards en 2015 et 2,8 milliards en 2010. Comment expliquer cette dette massive ? 

David Alphand : Ce n’est pas une nouvelle que nous apprend ce courrier. Nous, la droite parisienne, dénonçons cette course folle à l’endettement depuis plusieurs années. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre présidente de groupe, Rachida Dati, a appelé le gouvernement à user de son autorité de régulation et à mettre en place une tutelle financière de la ville. Cet endettement n’est pas le fruit de l’épisode du Covid, contrairement à ce que voudrait laisser penser Anne Hidalgo. Il trouve ses racines depuis de très nombreuses années à Paris. Actuellement, nous avons une dette qui s’élève à 7,1 milliards d’euros. Les documents budgétaires qui viennent de nous être transmis pour les prévisions budgétaires 2022 portent cette dette à 7,7 milliards d’euros à la fin de l’année prochaine. C’est donc un mouvement continu. En 2013, la ville était endettée à hauteur de 3,6 milliards d’euros. Cela signifie qu’entre 2013 et aujourd’hui, la dette a explosé avec une progression de +94,6%. 

Il y a plusieurs raisons à cet endettement exorbitant. Tout d’abord concernant les dépenses de fonctionnement. Entre 2013 et aujourd’hui, elles ont connu une hausse de 11,7%. Cela représente un total de 8,1 milliards d’euros pour la ville de Paris. Ces dépenses de fonctionnement incluent tout le fonctionnement courant de la ville, c’est-à-dire les frais généraux : l’entretien des bâtiments, des bureaux, l’équipement des personnels, les dépenses d’électricité, etc. Pour l’année prochaine, Anne Hidalgo prévoit un budget de 8,3 milliards d’euros, soit une hausse totale de 14,1%. Ces dépenses de fonctionnement n’ont clairement pas été maîtrisées.

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Pire encore, les dépenses de personnel. Entre 2013 et aujourd’hui, elles ont progressé de 20,4% si l’on s’en tient aux chiffres annoncés par Anne Hidalgo pour 2022. On a donc lâché la bride sur les dépenses de personnel et notamment les effectifs de fonctionnaires à la Ville de Paris. 

Troisième raison, la charge de la dette. Le remboursement de la dette en 2022 coûtera 318 millions d’euros. C’est + 59% par rapport à 2013. S’ajoute à ce remboursement du capital le paiement des intérêts de la dette. Les charges financières vont s’élever à 142,5 millions d’euros. 

Cerise sur le gâteau, la politique de logement sociale de la mairie qui repose essentiellement sur la préemption. La ville achète des appartements du parc privé pour les transformer en logements sociaux, ce qui est très coûteux. 

Par ailleurs, Anne Hidalgo impute cette hausse de la dette à un désengagement de l’Etat. Il y a effectivement eu une baisse des dotations sous François Hollande sur laquelle n’est pas revenu Emmanuel Macron. Mais ce qu’oublie de préciser la maire de Paris c’est qu’en échange, elle a obtenu les loyers capitalisés, ce qui compense la baisse.

Dans quelle mesure la crise Covid a-t-elle contribué, ou non, à aggraver la dette parisienne ? 

La ville a pris des dispositions pour soutenir l’activité de certains acteurs. Effectivement, il y a eu un plan de soutien aux entreprises parisiennes qui peut expliquer une partie mineure du problème. Ça n’explique pas 7 milliards de dette. Il y a une certaine opacité sur les chiffres, ceux qui sont annoncés et les crédits effectivement consommés, mais on peut dire que la crise Covid a coûté quelques centaines de millions d’euros.

Y-a-t-il un problème également avec les engagements hors bilan de la mairie ?

Nous n’avons pas de vision très précise sur la totalité de la dette parisienne. Effectivement, on peut craindre que de la dette soit cachée « sous le tapis ». C’est pour cette raison que nous avons demandé, et nous allons le faire de nouveau au Conseil de Paris la semaine prochaine, un audit général des finances de la ville. Rachida Dati va demander cela afin de pouvoir tirer les finances au clair et avoir une vision transparente sur la dette. Il n’y a pas eu d’audit des finances de la ville depuis 2001. Le dernier audit a été demandé par Bertrand Delanoë quand il a pris ses fonctions. Il a d’ailleurs plutôt conclu, à l’époque, à la bonne gestion de la ville par la droite parisienne. Depuis 2001, ça n’a pas eu lieu. 

Pourquoi votre groupe demande-t-il la tutelle financière de la ville de Paris ? 

On ne peut pas continuer cette course folle à l’endettement, à un moment donné, il faut dire stop. La mise sous tutelle signifierait que le représentant de l’Etat puisse avoir accès à tous les comptes de la ville et cela permettrait, précisément, d'obtenir la transparence sur la gestion par la mairie.

Avez-vous le sentiment d’être entendu par la majorité municipale ou le gouvernement ? 

Non. Le gouvernement d’Emmanuel Macron n’a pas pris ses responsabilités comme il aurait dû le faire dès le début du quinquennat. Chaque année, il a, au contraire, renouvelé l’autorisation des loyers capitalisés. Initialement cette autorisation a été accordée par François Hollande à la ville de manière dérogatoire en 2016. C’est une exception en France et même une aberration. Pourtant cette autorisation a été renouvelée par le gouvernement chaque année depuis 2017. La dernière réponse, donnée par Olivier Dussopt et Jacqueline Gourault, ne tire pas de conséquences de l’endettement de la ville car elle se contente de dire que c’est la dernière fois que l’autorisation est donnée. C’est de la monnaie de singe car, l’année prochaine, le gouvernement ne sera peut-être plus le même. Donc les ministres ne s’engagent pas véritablement. Ce qui était attendu du gouvernement, c'était une décision courageuse :  la mise sous tutelle. Plutôt que de faire cela, il botte en touche. C’est le résultat d’un jeu pervers entre Emmanuel Macron et Anne Hidalgo concernant la responsabilité des maux dont souffrent les Parisiens aujourd’hui. Les victimes de cela sont les Parisiens. Ils sont victimes aujourd’hui et le seront encore plus demain. A ce rythme, la ville ne pourra bientôt plus assumer sa dette. Donc ce que prépare Anne Hidalgo, c’est la hausse des impôts. Pas dès début 2022, car elle a une image à préserver pour la présidentielle. Mais la réalité c’est qu’elle a missionné le président du groupe communiste, Nicolas Bonnet-Ouladj, sur une réflexion concernant l’avenir des finances locales de la ville. Derrière cette mission, il y a l’intention très claire de poser les jalons d’une hausse de la fiscalité parisienne. J’ai d’ailleurs été reçu par ce dernier il y a quelques semaines sur ce sujet. Monsieur Bonnet-Ouladj comme toute la majorité socialo-écolo-communiste du Conseil de Paris ne se pose en aucun cas la question de réaliser des économies et freiner les dépenses de fonctionnement et de personnels. La seule question qu’ils se posent est : comment créer de la matière taxable supplémentaire. Pour créer de nouveaux impôts, ils sont capables d’une grande créativité. A titre personnel, je pense qu’ils sont susceptibles de cibler les entreprises de type plateformes numériques qu’ils ont dans le collimateur. 

Ce serait selon vous une mauvaise stratégie ?

S’il s’agit de cibler les entreprises alors que nous sommes dans une situation fragile sur le plan économique, nous serons hostiles à toute mesure contracyclique. Notre groupe au Conseil de Paris sera opposé à toute mesure qui n’irait pas dans le sens de la reprise de la vie économique parisienne.  On peut raisonnablement penser qu’augmenter les impôts à Paris n’est pas une bonne idée. Il faut qu’Anne Hidalgo fasse des propositions d’économie, mais cela ne vient jamais. Elle se réfugie derrière les notes des agences de notation. Mais dans le détail de ces avis, notamment celui de l’agence Fitch, on peut voir que la bonne notation financière de la ville repose sur son potentiel fiscal, c’est-à-dire la possibilité d’augmenter les impôts car les Parisiens peuvent les payer. Ce qui est paradoxal, c’est que Monsieur Bonnet-Ouladj, qui est pourtant communiste, s’apprête à donner raison à ces agences financières que son propre camp décrit comme représentantes du Grand capital. Cette mauvaise gestion nous fait nager en plein paradoxe. 

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