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Des "usines-forteresses" et des "villes-forteresses" après le Covid-19 ? Avec beaucoup moins d’emplois en Chine, et un peu plus ailleurs, mais où, et lesquels ?
©Greg Baker / AFP

Usine du monde

Jean-Paul Betbeze évoque les conséquences économiques du coronavirus sur les entreprises et les industries en Chine.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Le COVID-19, ou Coronavirus, pourrait bientôt avoir infecté 100 000 personnes et en avoir tué 3000. C’est un drame humain chinois, devenu mondial. Mais il aura fait disparaître aussi des centaines de milliers d’emplois en Chine, et ailleurs, beaucoup plus que les patients qu’il aura infectés, sans qu’on en parle. En effet, beaucoup d’entreprises exportatrices chinoises ont fermé et vont peu à peu reprendre, les grands magasins vont rouvrir leurs portes. Mais rien ne dit, au contraire, que tous les employés d’avant l’épidémie retrouveront leurs postes. Il y aura certes des rattrapages de production dans les usines exportatrices, mais l’automatisation et les gains de productivité vont jouer à plein, les structures de production vont être optimisées. Dans les commerces, les ventes non faites ne se rattraperont pas en entier. Et les petits commerces et petites entreprises chinois qui ont fermé, privés et fragiles, devront licencier. Face à ce choc, qui affecte autant la production que la demande, le (vrai) taux de chômage ne pourra que monter en Chine, même si la puissance publique continue sa politique de soutien, par des crédits à court terme et des commandes publiques. 

On peut saluer, aussi, la décision des autorités chinoises d’interdire les ventes de certains animaux vivants dans les marchés, mais on ne peut oublier la fièvre porcine qui a sévit (et sévit) dans les campagnes chinoises. Elle a mené à des abattages massifs de porcs. Des chaînes d’alimentation plus sûres devront se mettre en place. Elles passeront par des refontes agricoles profondes, des normes vérifiées, des usines de production modernes, bref par une industrialisation de l’agriculture avec ses effets positifs sur la qualité et la sécurité, au détrimentde filières agricoles peu efficaces et peu sûres,donc avec beaucoup moins de main-d’œuvre. Il faudra des mois pour savoir ce qui se passera vraiment sur le volume et les structures de l’emploi en Chine, mais l’inévitableretentissement du PIB ne pourra pas ne pas y avoir de conséquences immédiates sur l’emploi puis d’autres, plus longues et diffuses, sur sa nature, le temps que se refassent les structures et surtout que la confiance revienne.

En même temps, hors de Chine, on voit les effets de l’épidémie sur le tourisme chinois en France et ailleurs, européen en Italie, sur les voyages ou les consommations hors domicile. Chacun « s’auto-quarantinise », en quelque sorte. La baisse du prix du pétrole, liée en grande part au ralentissement chinois aura aussi des effets sur l’Iran et le Venezuela, tout comme sur les entrées fiscales de l’Algérie ou du Nigéria, entre autres. A un degré moindre, les baisses des bourses et des taux vont rendre les ménages plus prudents et surtout pousser les entreprises à revoir temporairement à la baisse leurs programmes de dépenses jugées « superflues », voyages, réunions, publicités, mais aussi d’emploi et d’investissement.

Donc l’essentiel se passera dans le temps et hors de Chine, avec la constatation de l’extrême dépendance des pays les plus avancés, notamment dans le high-tech américain, vis-à-vis des usines de composants minuscules mais essentiels et,surtout, pas rapidement remplaçables. Il ne s’agit pas ici de métaux rares à extraire, mais d’usines de production de très haute qualité et technicité, après des milliards d’investissements (souvent allemands) et des années de mise au point. Ajoutons les interrogations qui naissent partout sur les (trop) longues chaînes de production, sources de complications, de pollution et maintenant de fragilités, avec le COVID-19 ou le Brexit.

En face, les usines compactes TESLA, en Chine ou en Allemagne, montrent l’efficacité de ces nouvelles structures très robotisées et intégrées, avec plus d’ingénieurs que d’ouvriers. L’idée de simplifier les chaînes de production et de rapatrier des activités gagne, en sachant que ce mouvement va conduire à moins d’emploi dans le pays de départ bien sûr et à peu de créations dans le pays d’arrivée. Dix emplois Chinois « rapatriés » en donneront 1 ou 2 aux États-Unis ou au Canada, où le plein emploi est atteint, mais ce ne seront pas les mêmes. La concentration de la sous-traitance est donc la variable d’ajustement massive dans un monde, où le risque sanitaire devient de plus en plus important, à côté de la montée d’autres risques : pollution, cybersécurité. Les nouvelles industries compactes vont se rapprocher des métropoles qui se voudront, elles aussi, plus sûres. Des forteresses partout. Le COVID-19 va raviver le souvenir du SRAS, en montrant que la Chine est nettement plus puissante, sans être devenue encore assez sûre. Là-bas et ici, il faudra renforcer les demandes de sécurité, d’intégration, d’économie circulaire. 

En théorie, la mondialisation permet plus de croissance partout,mais avec plus de surveillance : moins cher ne suffit pas, si c’est plus dangereux. Le prix à payer sera un ralentissement du PIB, un PIB plus sûr qu’on ne sait pas mesurer, avec moins d’emploi mais de meilleure qualité, qu’il faudra donc savoir former.Eviter les excès de peur d’accord, comprendre la leçon surtout : la mondialisation doit devenir une exigence d’efficacité, donc aussi de sécurité. Elle deviendra plus compliquée encore et surtout moins acceptée, au-delà de ses effets directs et négatifs sur l’emploi, si elle ne prend pas en compte les risques sanitaires qu’elle peut impliquer. Le PIB ne fait pas le bonheur, on le sait, mais ce serait bien s’il ne rend pas malade.

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