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Plage de Floride.
Plage de Floride.
©Gianrigo MARLETTA / AFP

Vibrio vulnificus

Avec la chaleur, elles sont arrivées aux États-Unis et ont fait plusieurs victimes cet été. Vont-elles débarquer en Europe ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Plusieurs cas d’infections par Vibrio vulnificus ont été constatés aux Etats-Unis. Que savons-nous de ces cas ?

Antoine Flahault : Vibrio vulnificus est une bactérie appartenant au même genre que celle qui cause le choléra. Elle se transmet de la même façon, c’est à dire par l’eau et l’alimentation contaminées. En revanche, les manifestations cliniques provoquées par Vibrio vulnificus sont très différentes de la diarrhée profuse du choléra. Ici ce germe cause de redoutables cellulites nécrosantes qui peuvent se compliquer par la scepticémie et la mort, notamment chez des personnes rendues vulnérables par leur immunité défaillante ou dès comorbidités lourdes (maladies chroniques du foie ou des reins). Une cellulite nécrosante est un terme médical qui signe une infection grave des tissus sous-cutanés. Cela n’a rien à voir avec la cellulite qui nous est plus familière et qui est juste un petit excès de graisse sous la peau, que l’on acquiert avec l’âge ! Trois des quatre cas d’infections par le Vibrio vulnificus rapportés sur la Côte Est des États-Unis sont décédés de leur infection. La létalité de cette infection est ici très élevée, mais c’est habituellement le tiers des personnes infectées qui en meurent.

Quelle est la dangerosité de cette bactérie « mangeuse de peau » ?

Antoine Flahault : La cellulite est le terme médical décrivant l’action destructrice de la bactérie dans nos tissus et que le langage populaire appelle un peu à tort la « bactérie dévoreuse de peau », car elle détruit le tissu sous-cutané mais ne le « mange » pas. C’est une infection très grave et d’évolution très rapide chez la personne contaminée qui peut conduire à la septicémie et au décès des personnes vulnérables avant même que les antibiotiques aient pu agir.

A quel point est-elle présente en France et en Europe à l’heure actuelle ?

Antoine Flahault : Vibrio vulnificus est une bactérie qui se développe dans les estuaires et les étendues d’eau saumâtre, d’autant mieux que leur salinité est faible et la température de l’eau élevée. On la retrouve donc sur certaines côtes nord-américaines, plutôt en Floride jusqu’à présent, mais elle remonte aujourd’hui vers New York et le Connecticut. Elle peut se propager aussi, potentiellement, en Europe et donc en France. Cela-dit les toxi-infections alimentaires (TIAC) dues à des vibrions ont représenté moins de 0,4% de l’ensemble des origines des TIAC rapportées récemment en Europe. Donc jusqu’à présent ce sont des infections très rares en Europe.

Dans quelle mesure, avec le réchauffement climatique, pourrait-on craindre son développement sur nos côtes ?

Antoine Flahault : Oui, le réchauffement de l’eau de mer, couplé à sa moindre salinité, par exemple en bordure d’estuaires après de fortes pluies, sont des conditions environnementales qui pourraient être favorables au développement de Vibrio vulnificus.

Peut-on s’attendre à un problème de santé publique futur ? Peut-on l’anticiper ?

Antoine Flahault : On ne sait pas prédire ce genre d’événements, mais on peut toujours essayer de mieux les anticiper, par une veille sanitaire et environnementale et par des recommandations sanitaires efficaces en cas de risque détecté. En cas d’alerte, ce qui n’est pas le cas en France, rappelons-le aujourd’hui, il s’agit alors de recommander de ne pas consommer de fruits de mer crus, ni de nager en eau vive contaminée, surtout pour les personnes à haut risque de formes graves de ce type d’infections.

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