Dermatologie : peut-on faire confiance à l’intelligence artificielle de Google pour diagnostiquer ses problèmes de peau ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Une dermatologue examine une patiente, le 16 mai 2002 à Brest, lors de la cinquième campagne de dépistage du cancer de la peau.
Une dermatologue examine une patiente, le 16 mai 2002 à Brest, lors de la cinquième campagne de dépistage du cancer de la peau.
©FRED TANNEAU / AFP

Derm Assist

Derm Assist, un nouvel outil de Google, vous aide à diagnostiquer et à comprendre vos problèmes de peau. Cette application est-elle fiable ?

Damien Gromier

Damien Gromier

Damien Gromier est fondateur de l'initiative Al for Good, lancée à l'Assemblée nationale en avril 2018. Il est CEO et cofondateur du groupe Startup Inside à l'origine des conférences internationales AI for Health, AI for Finance et AI for the Planet. Il est également cofondateur et ancien président de l'initiative France is AI by France Digitale. Il est enfin vice-président fondateur de l'association Impact Al, "think and do tank" de référence en matière d'éthique de l'IA.

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Atlantico : Comment fonctionne cette application "Derm Assist" ?

Damien Gromier : Précisons d’abord que cette application n’est pas encore disponible. Google, lors de sa conférence annuelle dédiée aux développeurs, le 18 mai, a annoncé qu’elle devrait être déployée avant la fin de l’année. Le principe en est simple : l’utilisateur doit prendre 3 photos, avec un smartphone, de la zone de la peau, des ongles ou du cuir chevelu pour laquelle il a besoin de renseignements médicaux. Il doit aussi répondre à quelques questions permettant aux algorithmes de l’application de mieux comprendre la situation médicale : âge, antécédents, date d’apparition de tel ou tel symptôme… Les ingénieurs de Google ont soumis à un réseau de neurones artificiels profonds (« deep learning ») des dizaines de milliers de clichés médicaux, analysés et labellisés par des dermatologues. Grâce à cet « apprentissage », l’application est capable, à partir des images et des renseignements fournis, de proposer une sélection resserrée de pathologies les plus susceptibles de correspondre au cas présenté par l’utilisateur. Pour chaque pathologie correspondante sont proposées, dit Google, des informations vérifiées par des dermatologues et des réponses à des questions fréquemment posées, ainsi que des images similaires sur le web.

En quoi peut-elle être un outil intéressant pour diagnostiquer les problèmes de peau ?

Google a observé que, chaque année, son moteur de recherche enregistrait quelque 10 milliards de requêtes liées à la peau, aux ongles ou au cuir chevelu. Or, dans de très nombreux pays, il n’est pas évident d’obtenir un rendez-vous chez un dermatologue. Et surtout, il est très difficile de faire le tri, sur Internet, parmi les informations proposées en réponse à une requête du type « grain de beauté suspect » - requête typique de quiconque s’inquiète d’un risque de mélanome. Passer par l’analyse automatique d’images, basée sur une expertise médicale établie, semble être une manière judicieuse de répondre à ce besoin. Google a déclaré que son « assistant en dermatologie » était capable notamment d'identifier 26 affections courantes de la peau, correspondant à 80 % des consultations initiales en dermatologie.

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A quel moment son utilité s'arrête-t-elle et le recours à un expert devient nécessaire ? Comment mesurer sa fiabilité ?

Il faut reconnaître à Google une position claire : cette application n’est pas un outil de diagnostic. Ce n’est pas un dermatologue de poche. Elle a plutôt été conçue pour être utilisée par des professionnels de santé non spécialistes – médecins généralistes ou infirmières – afin de les aider à orienter leurs patients, justement, vers un spécialiste. C’est donc plutôt un outil d’aide au diagnostic. C’est d’ailleurs ainsi que son efficacité a été scientifiquement mesurée. Dès 2017, l’aptitude de réseaux de neurones profonds à identifier des pathologies dermatologiques au moins aussi bien que des dermatologues a été établie. L’an dernier, Google a publié dans la revue scientifique Nature Medicine un article attestant de la fiabilité des algorithmes développés pour cette application spécifiquement, en comparant les diagnostics établis par sa solution à ceux de dermatologues reconnus. Et cette année, c’est l’utilisation de l’application par des médecins généralistes et des infirmières qui a été évaluée scientifiquement, et publiée dans la revue spécialisée JAMA. J’en retiens que les non spécialistes utilisant l’application ont 20 % de chance supplémentaire de faire le bon diagnostic – celui auquel parviennent les dermatologues servant de référence.

Est-ce qu'un jour l'intelligence artificielle remplacera totalement l'avis d'un professionnel ? 

Je ne le crois pas. Ne serait-ce qu’en se limitant à la phase du diagnostic, il faut bien voir que celle-ci passe le plus souvent par un échange entre le patient et son médecin, puis par des conversations expertes entre spécialistes, confrontant leurs point de vue, mobilisant leur expérience, pour les cas qui l’exigent. L’IA n’est pas conçue pour ça. Elle est d’une très grande utilité pour faciliter l’orientation, effectuer un premier tri parmi certaines hypothèses de diagnostic, éventuellement mettre en évidence certaines données qui resteraient hors du champ d’investigation d’un professionnel de santé, par manque de temps… Mais elle ne peut se substituer aux professionnels de santé. Et par ailleurs, le soin ne se limite pas au diagnostic : la santé s’inscrit dans un parcours, qui part du soupçon d’une pathologie, manifestée par un ou plusieurs symptômes, passe par plusieurs étapes de diagnostic, pouvant mettre en jeu des examens, se poursuit par le choix d’options thérapeutiques… Chacun de ces points de passage implique une intervention humaine essentielle – même si, désormais, chacun de ces points de passage peut, aussi, s’appuyer sur des technologies d’IA susceptibles de faciliter ou améliorer le travail des professionnels de santé.

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