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Décret migratoire : la Cour Suprême donne son jour de victoire à Donald Trump
©JIM WATSON / AFP

Petite consécration

La Cour Suprême a validé, seulement en partie deux des décrets migratoires pris par le président des Etats-Unis Donald Trump.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Le 26 juin est en passe de devenir une date-clé pour la Cour suprême : voici deux ans, jour pour jour, l’Amérique était suspendue à sa décision dans l’affaire Oberfell vs. Hodges, qui a autorisé le mariage pour tous. A deux jours près, en 2012, elle a validé la constitutionnalité de la loi Patient Protection and Affordable Care Act –l’Obamacare–, qui fait couler tant d’encre depuis. Le 26 juin 2008, elle confirmait que la Constitution garantit à chaque Etat-unien le droit de posséder une arme à feu. On s’attendait donc à ce que ce 26 juin 2017 soit une date qui marquerait. La Cour suprême des États-Unis a répondu à une attente forte du président des Etats-Unis en validant partiellement ses deux décrets migratoires, que les Cours inférieures avaient tenté de stopper, jugeant qu’ils s’attaquaient à un droit sacré aux Etats-Unis : celui de la liberté de religion.

Ceux qui sont de mauvaise foi expliqueront que rien n’est fait, qu’il faut attendre, que le jugement sur le fond n’interviendra que plus tard, puisque l’examen des motifs a été renvoyé à octobre. On ne peut même pas dire qu’ils ont raison car, en libérant le droit d’appliquer une partie du décret immédiatement, la haute instance a donné au président des Etats-Unis les 90 jours qu’il réclamait et que c’est une vraie victoire pour lui. Certes, il y a une restriction importante, puisque tous les étrangers qui vivent aux Etats-Unis sont finalement autorisés à voyager, ainsi que tous ceux qui vivent à l’étranger mais qui ont un parent dans le pays, à qui ils voudraient rendre visite ou qu’ils voudraient rejoindre. Le fond du problème reste aussi une question de religion et elle n’est pas tranchée, puisque le litige d’après le juge de la Cour d’appel d’Hawaii ou celui de Californie avait été de savoir si Donald Trump n’aurait pas pris ce décret en visant spécifiquement les musulmans. Le contexte de l’arrivée au pouvoir du candidat républicain était très particulier, avec beaucoup de récits autour de la montée de l’Alt-Right aux Etats-Unis et beaucoup d’interrogations sur les liens du nouveau président avec les mouvances d’extrême droite. Le choix de certains de ses conseillers, comme Steve Bannon ou Steve Miller, interrogeait beaucoup. Les mots utilisés pendant la campagne avaient fait craindre le pire, alors que Michael Flynn, qui était à ce moment-là en charge de la sécurité intérieure, avait écrit qu’on pouvait légitimement avoir peur des musulmans et que Donald Trump lui-même avait émis l’idée de leur interdire l’entrée définitivement. Son décret, signé dans cette atmosphère très tendue, avait donc logiquement mis le feu aux poudres. D’autant que la décision visait sept pays spécifiquement : l'Iran, l’Irak, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen.

La Cour suprême ne s’est pas embarrassée du contexte. Elle n’a pas non plus décidé quoi que ce soit sur l’intention antireligieuse que le décret pourrait éventuellement contenir. Tout cela est renvoyé à plus tard. Mais, en l’autorisant à appliquer la décision qu’il a signé fin janvier, elle a réitéré que le président est en charge de la sécurité nationale et que c’est lui qui définit les lignes de la défense et de la diplomatie, comme le stipule la Constitution. Il n’y avait donc aucune raison de l’empêcher d’appliquer son interdiction de voyage temporaire, appliquée à quelques pays seulement, qui sont rappelés dans la décision. Donald Trump gagne donc une énorme victoire qui, si elle est surtout psychologique et grandement symbolique, est une déflagration sur le plan politique : les démocrates sont dans une passe particulièrement difficile : incapable de définir une stratégie efficace contre ce président, ils viennent de perdre dans quatre élections partielles. Il y a aussi un ras-le-bol assez profond dans le pays devant l’avalanche d’attaques qu’a dû subir le locataire de la Maison-Blanche. Cette décision de la Cour suprême est plus qu’un bol d’air frais pour Donald Trump : c’est une aubaine, qui va faire oublier les difficultés qu’il rencontre au sénat pour faire adopter sa réforme de santé. Neil Gorsuch a été nommé pour renforcer l’appareil conservateur auprès de la haute Cour et sécuriser  les arrières du président. Visiblement il rempli très bien son rôle.

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