Criminalité, délinquance et… immigration : ces leçons permises par la transparence des chiffres venus du Danemark<!-- --> | Atlantico.fr
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La police danoise patrouille autour de l'aéroport de Kastrup à Copenhague.
La police danoise patrouille autour de l'aéroport de Kastrup à Copenhague.
©JONATHAN NACKSTRAND / AFP

Tableau complet

C’est l’institut de statistique danois (ISD) qui traite les données sur les crimes et délits à partir du registre central de la police qui lui est transmis le 1er février de chaque année.

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat est démographe, spécialisée dans le domaine de l'immigration. Elle a notamment écrit Assimilation : la fin du modèle français aux éditions du Toucan (2013). Son dernier ouvrage Immigration, idéologie et souci de la vérité vient d'être publié (éditions de l'Artilleur). Son site : www.micheletribalat.fr

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Ne sont pas retenus dans ce fichier les délits ayant donné lieu à une amende de moins de 2500 DKK (soit 335 euros à peu près) lorsqu’il s’agit d’infractions au code de la route et de moins de 1000 DKK (134 euros à peu près) pour les autres infractions. L’ISD est en mesure de publier - et mettre en ligne - des données sur les personnes déclarées coupables. Lorsqu’une personne est déclarée coupable de plus d’un acte de la même « famille », hors code pénal (par exemple plusieurs infractions au code de la route) elle est enregistrée pour le plus grave. Mais, si elle a été jugée coupable, dans la même année, d’un acte de violence et d’un acte contre la propriété, elle sera comptée deux fois. La statistique couvre les personnes résidant au Danemark du 1er janvier au 31 décembre de l’année considérée. Toute personne qui quitte le pays ou y entre dans l’année n’y figure pas.

Pour être immigré, il faut non seulement être né à l’étranger, mais aussi que ses deux parents soient eux-mêmes étrangers ou nés à l’étranger (ou un seul si l’autre parent n’est pas connu). Si aucune information n’est disponible sur aucun des parents, la personne née à l’étranger est aussi classée comme immigrée.

Ceux que la statistique danoise appelle « descendants » sont nés au Danemark et ont leurs parents immigrés ou descendants d’immigrés de nationalité étrangère. Une partie des petits-enfants d’immigrés figurent donc parmi ces « descendants ».

Lorsque les deux parents sont connus, c’est l’origine de la mère qui est retenue.

Si un seul parent est connu, c’est l’information sur ce parent qui est considérée. Si aucun des parents n’est connu et que la personne est née au Danemark de nationalité étrangère, elle est considérée également comme un « descendant ».

Dans les faits, le pays de naissance des parents des immigrés est très souvent non renseigné. C’est, par contre, très peu fréquent chez les descendants. Par ailleurs, très rares sont les immigrés qui auraient un ou leurs deux parents nés au Danemark (moins d’1% en 2023). Ça l’est un peu moins chez les descendants mais reste rare (à peine plus de 2 % en 2023).

La définition danoise se distingue donc surtout de la définition française par sa classification montante qui réduit le volume des descendants en privilégiant l’origine danoise sur l’origine étrangère. En France, il suffit d’un parent immigré pour faire partie des descendants[1].

Sont dits d’origine danoise, les personnes nées au Danemark ou à l’étranger dont au moins un parent est un Danois né au Danemark.

Dans les années 1980, les traces d’une immigration étrangère sont infimes. En 1990, encore près de 97 % des habitants sont d’origine danoise. Il faudra attendre 1992 pour que la proportion d’immigrés non occidentaux atteigne 2 % et 1998 pour que la proportion des descendants non occidentaux dépasse 1 %. La population d’origine étrangère va s’accroître progressivement pour atteindre 15,4 % en 2023, contre 9,8 % en 2010 et près de 7,1 % seulement en 2000. Soit une augmentation de 5,6 points de pourcentage en treize ans. Cette population d’origine étrangère est encore démesurément composée d’immigrés (un peu plus des trois quarts). En France, les descendants directs d’immigrés sont majoritaires en raison de la plus grande ancienneté du phénomène migratoire et de la définition plus extensive des enfants d’immigrés (au moins un parent immigré et non les deux).

Statistiques sur la criminalité au Danemark

L’ISD met ainsi une série de tableaux en ligne dans une sous-rubrique de la rubrique « Conditions sociales » et, notamment, des tableaux sur les caractéristiques des personnes reconnues coupables, dont leur origine. Mais il s’agit d’une origine dans la définition bien particulière du Danemark.

C’est évidemment dans l’exploitation des personnes reconnues coupables d’infractions au code pénal, aux lois sur la circulation routière ou aux autres lois que l’origine peut être exploitée.

Le Danemark a trois types de variables sur l’origine :

1)    L’origine nationale : danoise ou étrangère ;

2)    L’ascendance : regroupée (d’origine danoise, Immigrés, descendants) ou non (d’origine danoise, immigrés occidentaux, immigrés non occidentaux, descendants d’occidentaux, descendants de non occidentaux) ;

3)    Pays d’origine détaillée.

Les données portent sur les 15-79 ans.

Quelques données sur l’ascendance apportent des éléments d’appréciation utiles.

Une manière de faire est de rapporter le poids d’une origine dans les crimes et délits à celui qu’il occupe dans la population.

Rapport entre le poids de la criminalité/délinquance et celui des personnes âgées de 15-79 ans selon l’origine 2008-2021

Lecture : en 2008, les descendants d’origine non occidentale sont 3,4 fois plus nombreux parmi les coupables de crimes ou délits qu’ils ne le sont dans la population du Danemark.

Source : Statistics Denmark

La criminalité/délinquance des personnes d’origine danoise est légèrement inférieure à son poids dans les 15-79 ans. Toutes les autres catégories d’origines, sauf les immigrés occidentaux, apparaissent plus impliqués qu’ils ne devraient l’être compte tenu de leur part dans les 15-79 ans au Danemark. Les immigrés non occidentaux le seraient entre 1,4 et 1,6 fois plus selon les années. Manifestement, la surreprésentation dans la criminalité semble être l’apanage des descendants d’origine non occidentale (3,2 à 3,6 fois plus selon les années).

Cette évolution générale reflète assez bien, sans surprise, celle des hommes qui représentent, au Danemark, 75 % à 79 % des personnes reconnues coupables. Quant à la criminalité/délinquance féminine, la surreprésentation des femmes descendantes d’immigrés non occidentaux coupables, qui était cantonnée un peu au-dessus de 2 jusqu’en 2016, a beaucoup augmenté après jusqu’à atteindre 3,2 fois leur poids parmi les femmes âgées de 15-79 ans en 2021.

Mais ces données brutes peuvent être trompeuses. En effet, les différentes populations considérées n’ont pas la même structure par âge. Les immigrés non occidentaux et surtout les descendants d’immigrés non occidentaux sont beaucoup plus jeunes que les personnes d’origine danoise. Chez ces dernières, en 2021, 47,5 % des 15-79 ans ont au moins 50 ans, contre 32,1 % pour les immigrés non occidentaux et 0,4 % seulement pour les descendants d’origine non occidentale (graphique ci-dessous). Ces différences d’âges ne restent pas sans effet sur l’activité criminelle/délinquante.

Répartition par groupe d’âges de la population du Danemark âgée de 15-79 selon l’origine (danoise, non occidentale).

Source : Statistics Denmark

Une façon d’y voir plus clair consiste à appliquer les taux de criminalité par groupe d’âge des personnes d’origine danoise aux mêmes groupes d’âges des deux autres groupes. Standardisation que recommande d’ailleurs Statistics Denmark[2]. Il est alors possible de comparer le nombre de condamnés effectif à celui que le Danemark aurait enregistré pour les immigrés non occidentaux et les descendants de même origine par groupe d’âges mais aussi globalement pour les 15-79 ans, s’ils avaient eu la même activité criminelle que les Danois d’origine. C’est ce que représentent les graphiques ci-dessous. Sans suractivité criminelle, le rapport entre les deux serait égal à 1.

À tous les âges (sauf en 2016, pour les 30-49 ans), les immigrés non occidentaux sont plus souvent coupables d’activité criminelle/délinquante que les Danois d’origine. Les 30-49 ans le sont ainsi entre 40 % et 60 % plus souvent. En moyenne, les immigrés non occidentaux âgés de 15-79 ans le sont 20% à 30 % plus souvent selon les années. La suractivité criminelle/délinquante des immigrés non occidentaux âgés de 50-79 ans - plus élevée que dans les autres groupes d’âges - s’explique probablement par leur plus grande « jeunesse ». En 2021, 58 % avaient moins de 60 ans, contre 38 % chez les Danois d’origine.

Mais on change d’échelle avec les descendants d’origine non occidentale. Pour eux, le groupe des 50-79 ans est trop mince pour qu’on en tire quelque chose. En moyenne, pour les 15-79 ans, l’année 2010 mise à part, leur suractivité criminelle par rapport aux Danois d’origine a été autour de 2,4 fois plus importante jusqu’en 2013. Elle a ensuite augmenté pour être d’un facteur 3 en 2021. Autrement dit, leur activité criminelle/délinquante (mesurée par le nombre de coupables de crimes ou délits) a été trois fois plus intense que ce qu’elle aurait été s’ils avaient eu des taux de criminalité par groupe d’âges identiques à ceux des Danois d’origine. Cette suractivité a été la plus importante parmi les descendants non occidentaux âgés de 30-49 ans. Elle avait pourtant baissé de 3,4 à 2,7 de 2008 à 2016. Mais elle est repartie à la hausse ensuite pour atteindre 3,4 en 2021. Autrement dit les descendants d’origine non occidentale âgés de 30-49 ans sont en 2021 3,4 fois plus souvent déclarés coupables de crimes ou de délits qu’ils ne l’auraient été s’ils avaient eu le même taux de criminalité/délinquance que les Danois d’origine.

La prise en compte des effets de structure par âge n’efface pas la forte suractivité criminelle/délinquante des descendants d’origine non occidentale âgés de 15-79 ans.

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