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Covid-19 : l’outil de notification de l’exposition au virus d’Apple-Google ne semble pas parti pour un envol spectaculaire
©AFP/Archives

Volontariat

L'outil anti-covid d’Apple et Google semble enfin prêt à sortir. Mais rien ne dit que les populations accepteront de l'utiliser massivement.

Benoist  Rousseau

Benoist Rousseau

Benoist Rousseau est informaticien et historien économiste diplômé de l'Université Paris Sorbonne.

Il partage sur Andlil.com sa vision iconoclaste sur l'économie et les marchés financiers. Ancien professeur d'histoire, il dirige une société de conseils en informatique tout en étant un blogueur actif et un trader en compte propre.

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Atlantico : Annoncé le 10 avril 2020, l’outil anti-covid d’Apple et Google semble enfin prêt à sortir. Cette application de traçage va permettre à toutes les agences de santé publique de s’appuyer sur la technologie des deux géants de consolider leur propre interface et de la rendre plus performante. En quoi consiste cette application qui n’a de traçage que de nom ? Comment un tel outil va-t-il aider pour combattre la pandémie ? 

Benoist Rousseau : Effectivement, cette application n’a de traçage que de nom. Apple et Google ont assuré que la vie privée de chacun serait préservée. D’une part, l’application ne recueille ni n’utilise l’emplacement de l’appareil. Il est impossible de retracer le cheminement d’un individu avec ce système, chose qui est aisée à faire tout simplement avec les antennes relais.

De plus, tout le système fonctionne sur le choix personnel de l’individu : il peut décider ou non d’utiliser le système et s’il apprend qu’il a le Covid-19, c’est à lui de le signaler volontairement dans l’application de santé publique. S’il le fait, les personnes disposant de la même application recevront une notification comme quoi elles se sont trouvés à proximité d’une personne ayant le Covid-19 et qu’il leur est recommandé de faire un test. L’identité de la personne s’étend auto-signalé porteur du Covid-19 reste totalement anonyme.

Tout est donc basé sur le volontariat, l’anonymat et aucune donné n’est transmise aux États. De plus, ce type d’application responsabilise le citoyen.

Apple et Google admettent que ce dispositif représente un coup d’épée dans l’eau. De nombreux États comme la France et le Royaume-Uni émettent des réticences à son utilisation. Quelles difficultés existent pour que l’application connaissent un réel succès ? Les populations ont-elles envie d’utiliser un outil tel que celui-ci créé par Apple et Google ? 

Quelques États, avant même de connaître les modalités de l’application, s’y sont opposés presque par réflexe idéologique. Ce qui est important de percevoir c’est qu’aucun État n’a été capable de lancer rapidement une telle application alors que, techniquement, elle n’est pas d’un degré extrêmement élevé de complexité. Cela nous montre que la capacité de décision, de recherche et d’innovation est beaucoup plus rapide dans ces entreprises américaines que dans de nombreux États.

Ceux-ci s’y sont opposés dès l’annonce de cette idée car cela montre finalement leur faiblesse. Une entreprise privée de la taille d’Apple ou de Google a beaucoup plus de moyens humains, techniques, financiers et de capacité d’adaptation que les principaux Etats du monde. Même si nous le savions, cette crise sanitaire le prouve à tout le monde au grand jour. Et donc, le réflexe étatique et idéologique a été pour beaucoup de repousser tout projet venant de multinationales.

La principale difficulté pour que l’application connaisse un succès vient des Etats eux-mêmes qui tentent, dans un réflexe souverain, de développer leur propre application, souvent sans succès et qui bien entendu ne pourront pas communiquer avec l’application nationale d’un État voisin… bref d’une utilité proche du néant galactique.

Il est difficile de dire si la population aura envie d’utiliser un tel outil. Il faut bien entendu disposer d’un Smartphone récent, avoir un esprit un petit peu geek, avoir le sens du bien commun… c’est certainement un peu trop nouveau à leur actuel. D’autant plus que certains politiques, censés montrer l’exemple, s’y sont par automatisme opposés sans même toujours savoir de quoi il s’agissait. Mais dans quelques années, avec beaucoup de pédagogie, une partie majoritaire de la population pourrait l’utiliser, surtout si un prochain virus se montre plus mortel. Ce système sera alors adopté par la population, notamment les plus jeunes, qui se sentiront en danger. L’histoire économique et la psychologie humaine nous apprennent que toute innovation (l’électricité, le moteur à explosion, Internet…) est systématiquement rejeté par la majorité de la population pour finalement être adopté très largement. Comme c’est une première, il n’est pas surprenant que nous assistions à un rejet.

D’autres pays ont décidé qu’il valait mieux accepter les conditions d’Apple et Google car c’était une façon d’avoir la meilleur application possible. Est-ce que ce lancement en demi-échec promet un meilleur avenir pour cet application ? 

Ce lancement en demi-échec apporte cependant des points positifs. Pour la première fois de l’histoire deux géants de l’univers des Smartphones collaborent pour créer une application gratuite dans un but de santé publique. Il est à noter l’absence totale du géant chinois Huawei, ce qui n’est pas anecdotique.

Nous pouvons espérer que lors d’une prochaine crise, la gestion mondiale soit beaucoup plus efficace. Nous pourrions imaginer que l’Organisation Mondiale de la Santé demande directement à Apple, Google et Huawei de développer une application type en cas de nouvelle pandémie. L’OMS recommandera alors aux Etats de l’utiliser avec le logo de l’Organisation Mondiale de la Santé dessus. Ceci serait beaucoup plus acceptable pour les États-nations et ils ne perdraient pas la face.

Cette crise a pris tous les gouvernements par surprise et ils ont réagi de manière grégaire, chacun pour soi. Si nous voulons rester positifs, cette pandémie a été un test de sécurité à l’échelle mondiale. Test que nous avons raté, mais nous avons eu la chance d’avoir un virus la mortalité faible. En sera-t-il de même la prochaine fois ?

Il serait bien, une fois cette crise sanitaire passée, que les grands décideurs de notre époque, les hommes politiques et les géants du numérique s’assoient à une table. Laissant de côté leur ego, il pourrait prévoir ensemble, en cas de nouvelle pandémie dans un an, 10 ans ou 100 ans, une solution de ce type fonctionnel dès les premières heures. Nous avons juste assisté au fait qu’il n’y a strictement aucune organisation mondiale. Chacun a bricolé dans son coin une solution à la va-vite et en urgence. Le résultat est une dépense d’argent et d’énergie pour aucun résultat opérationnel. Nous avons reçu un avertissement, à nous d’en tirer les conclusions…

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