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Ces couples franco-allemands : Hollande et Merkel sont-ils les premiers dirigeants de l’Histoire à ne pas réussir à s’entendre ?
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Liebe Angela

Ce jeudi, François Hollande et Angela Merkel se sont rencontrés pour discuter du sauvetage de la Grèce. Pas de conférence de presse, mais une déclaration commune ponctue la rencontre : "Nous voulons... je veux que la Grèce soit dans la zone euro", s'est avancé le président, tandis que la chancelière gardait sa posture de fermeté.

Thomas Klau

Thomas Klau

Thomas Klau est Directeur du bureau de Paris et Senior Policy Fellow au European Council on Foreign Relations, qu’il a rejoint dès sa création en Juillet 2007.

Son champ d’expertise couvre l’intégration européenne, la zone euro, la politique française et allemande ainsi que les relations franco-allemandes.

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Atlantico : "Nous voulons, je veux que la Grèce soit dans la zone euro", a affirmé le président français après sa rencontre avec Angela Merkel jeudi, une déclaration qu’elle n’a pas jugé utile de reprendre. Quand celle-ci insiste fermement sur le tenue des engagements de la Grèce, François Hollande est plus évasif. Les deux chefs d'Etat partagent-ils vraiment le même point de vue ? Angela Merkel entend-elle réellement œuvrer au maintien de la Grèce dans la zone euro ?

Thomas Klau : Je crois que sur le fond, Angela Merkel continue de préférer et de privilégier le scénario selon lequel la Grèce se maintiendrait dans la zone euro. Sur ce point absolument essentielle, je ne pense pas qu’il y ait de divergence. La ‟préférence profonde‟ de l’Allemagne est celle de la France.

Dans ce cas, pourquoi avoir fait le choix de ne pas réaffirmer cette préférence devant la presse, comme l’a fait François Hollande ?

Il y a bien sûr des différences de nuances, mais aussi d’environnement politique. Angela Merkel subit de fortes pressions, aussi bien d’une partie de l’opinion publique, mais aussi des ténors de son propre parti, qui la poussent à se montrer ferme vis-à-vis de la Grèce et à insister sur le conditionnement de l’aide à Athènes, qui devra tenir les engagements souscrits en contrepartie des aides importantes qui lui sont accordées.

C’est sur ce versant-là de l’accord qu’Angela Merkel a choisi de mettre l’accent. Le débat de politique intérieure quant à la Grèce est, en France, très différent, ce qui explique en partie que le président de la République ait choisi de mettre l’accent sur une autre partie de cet accord. Mais je ne crois pas que cela traduise réellement une différence de fond.

Je n’ai pas dit qu’ils envisageaient exactement la même politique, mais ils partagent la préférence fondamentale pour un maintien de la Grèce dans la zone euro.

L’échéance importante est la remise du rapport de la ″troïka″ (ndlr : le rapport de l'UE, du FMI et de la BCE sur les réformes en cours, attendu pour septembre), et c’est à ce moment que les choses vont se décanter.

En termes de symbolique, ces détails (refus de se prononcer sur la Grèce, refus de clore le dîner par une conférence de presse, Angela Merkel qui n'aurait pas fait figurer sa rencontre avec François Hollande sur son agenda officiel...) nous renseignent-ils sur l'état du "couple" franco-allemand ?

S’il n’y a pas eu de conférence de presse, il y a bien eu une prise de parole conjointe. L’absence de conférence de presse peut aussi s’expliquer par le fait que ce n’était ni dans l’intérêt de l’Allemagne, ni dans celui de la France de rentrer dans les détails des discussions à propos de la Grèce. Nous sommes dans une phase d’attente, et il n’est dans l’intérêt de personne de laisser filtrer des détails quant aux discussions en cours.

Donc non, je ne pense pas qu’il faille voire l’absence d’une conférence de presse comme quelque chose de significatif.

Vis-à-vis des « marchés,, les positions française et allemande peuvent-elles vraiment diverger au sommet ? 

Par le passé, même pendant ce qu’on appelle désormais l’ère « Merkozy »,  depuis le début de la crise de la zone euro, les positions françaises et allemandes n’ont pas toujours été les mêmes. C’est un fait qu’on a aujourd’hui tendance à oublier. Souvent, Nicolas Sarkozy lui-même a affirmé ses différences avec la position allemande. Ce qui était important, et qui le reste aujourd’hui, est que les différences de position initiales soient surmontées par la recherche d’un compromis entre la France et l’Allemagne. Il serait extrêmement dangereux pour la stabilité de la zone euro, dans une période de crise très forte, en termes de signaux donnés aux investisseurs, que les deux principales puissances économiques et politiques de la zone euro soient en désaccord fort et durable sur des questions aussi essentielles que celle du traitement de la Grèce.

Quel est le poids des divergences idéologiques dans la relation Merkel/Hollande ?

C’est un facteur, mais il n’est pas déterminant. Ceci dit, on assiste en quelque sorte à l’émergence d’une politique transnationale dans la zone euro. Quand on voit par exemple que le SPD allemand est plus proche des positions gouvernementales françaises que ne l’est la CDU, parti d’Angela Merkel. Il y a donc un facteur politique qui joue, mais s’y ajoutent aussi des différentes sensibilités nationales et des différences de contexte politique domestique.

S’apprécient-ils dans le privé ? Quelle est l’importance des relations privées entre chefs d’Etat dans le couple franco-allemand ?

Ces deux chefs d’Etat et de gouvernement sont en train d’apprendre à se connaître. Avant la prise de fonction de M. Hollande, ils ne s’étaient jamais véritablement rencontrés. Or le passé nous apprend que la construction d’une relation personnelle, de confiance mutuelle, prend un an voire deux ans.

Une bonne entente personnelle et une bonne compréhension de l’autre ne sont pas essentielles, ne sont pas une condition sine qua non pour le fonctionnement des relations franco-allemandes. Mais elles facilitent grandement le fonctionnement de cette machine. C’est donc une chose essentielle, extrêmement utile à laquelle les deux parties sont tenues de travailler, ce qu’elles font, d’ailleurs.

En terme de politique intérieure, François Hollande a-t-il intérêt à apparaître proche de la chancelière, tandis qu’Angela Merkel devrait plutôt s’en détacher ?

On a vu que François Hollande, tout en affirmant le caractère central de la relation franco-allemande, a pris grand soin, en parallèle, d’affirmer que l’ère Merkozy était bien finie, que la position française s’était à nouveau distinguée de la position allemande, et que le partenariat n’était pas forcément synonyme d’une unité de vue. Le calcul politique que fait François Hollande est de considérer qu’il est à son avantage d’affirmer l’individualité de son profil européen.

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