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Coronavirus : Combien de temps faut-il vraiment aux malades pour s’en remettre ?
©LOIC VENANCE / AFP

Séquelles

En fonction de l'évolution du patient, les conséquences et le temps nécessaire pour se rétablir du coronavirus varient. Les patients touchés par le coronavirus et qui développent des formes graves peuvent conserver de lourdes séquelles et nécessitent une convalescence entre trois à huit semaines.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Combien de temps prend la récupération après avoir été atteint de symptômes bénins de la Covid-19 ?

Stéphane Gayet : Voilà une question pleine d'intérêt. La CoVid-19 – il est toujours bon de rappeler que c'est le nom de la maladie et non pas celui du virus, qui est appelé SARS-CoV-2, par analogie avec le SARS-CoV du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS ou en anglais SARS) chinois de 2002-2003 – a été considérée par certains chefs d'état imprégnés de démagogie, comme une sorte de grippe banale et bénigne. Aujourd'hui, la vérité est que la CoVid-19 tue beaucoup et pas uniquement des vieillards, se complique fréquemment de thromboses (« caillots »), tant artérielles que veineuses, et tant microscopiques diffuses que macroscopiques dans des vaisseaux de petit à moyen calibre, évolue dans près de 5 % des cas vers une insuffisance respiratoire aiguë et laisse des séquelles plus ou moins sévères et durables après guérison.

Dans les données statistiques nationales et mondiales dont on nous abreuve chaque jour ou presque, il n'est question que des nombres de personnes infectées – et non pas contaminées, erreur sémantique fréquente – et des nombres de personnes décédées de la maladie. On ne parle jamais des convalescents ni des séquelles persistantes après la convalescence.

La guérison d'une maladie infectieuse exprime le fait d'avoir vaincu l'agression microbienne. Un malade est guéri lorsque son infection a cessé et qu'il est de ce fait hors de danger. Il n'a plus de symptômes (ce que l'on ressent, mais que les autres ne peuvent pas constater) ni de signes (ce que tout le monde peut constater) de la maladie évolutive. La guérison est une notion essentiellement médicale : le médecin annonce au malade qu'il est guéri, il prononce la guérison et l'écrit dans son dossier. Quand la maladie infectieuse est fébrile, la chute de la fièvre annonce en général la guérison ; sur le plan biologique, c'est particulièrement la normalisation de la concentration sanguine de la protéine C réactive ou en anglais CRP. Mais cela ne signifie nullement que le patient ait recouvré la santé.

Selon l'Organisation mondiale de la santé ou OMS, la santé est « Un état de complet bien être sur tous les plans ». Or, pour une maladie infectieuse, entre la guérison médicale et le retour à l'état de santé antérieur à la maladie, il s'écoule une période plus ou moins longue, appelée convalescence ou analepsie : on parle de rétablissement des forces, de récupération.

On sait qu'après une grippe saisonnière avec des symptômes et des signes marqués, après une gastroentérite aiguë sévère à norovirus, après une mononucléose infectieuse, après une sinusite bactérienne suppurante et fébrile, après une hépatite virale ictérique (avec « jaunisse ») …, on n'est pas en pleine forme et loin de là, dès que l'infection a cessé d'évoluer : une convalescence, parfois courte, mais une convalescence tout de même, est nécessaire sur le plan physiologique. Quand la convalescence n'en finit pas, c'est-à-dire quand certains symptômes ou signes persistent longtemps, on parle de séquelles ; elles peuvent n'être que temporaires, ou au contraire être durables ou persistantes, voire plus ou moins définitives.

Or, les médecins ont trop souvent tendance à ne considérer que la guérison médicale, car pour eux elle représente un succès thérapeutique. Mais que devient le patient après la guérison médicale ? (« Vous êtes guéri, vous n'avez plus rien », peut-on entendre souvent ; et certains d'ajouter « Il faut vous reposer », phrase médicale typique et sempiternelle…).

Et précisément après une CoVid-19, la pleine santé n'est pas tout de suite au rendez-vous, bien loin de là.

Avec la CoVid-19, la durée et le résultat de la convalescence varient largement en fonction de l'âge, de l'état de santé antérieur et bien sûr de la gravité de la maladie.

On peut parler de forme bénigne de la maladie quand aucune hospitalisation n'a été nécessaire, ni aucune prise en charge médico-paramédicale quotidienne à domicile. Les principaux symptômes et signes sont : un mal de gorge, une toux sèche, une fatigue, de la fièvre et des douleurs musculaires ou parfois articulaires ; une céphalée (mal de tête) et des troubles digestifs (douleurs abdominales hautes, perte d'appétit, diarrhée modérée) sont également fréquents.

Lorsque la maladie a cessé d'évoluer (plus de fièvre ni de toux et reprise de l'appétit), il faut compter en moyenne encore (au moins) quinze jours de convalescence (selon l'OMS et à partir de données chinoises) et en pratique souvent trois, et même quatre semaines..

En cas de symptômes actifs, mais sans nécessiter de soins intensifs ?

Dans les formes plus sévères de CoVid-19, une aggravation survient sept à dix jours après le début de la maladie, sous la forme d'une gêne respiratoiremarquée (dyspnée) ; cette aggravation peut être soudaine. Parmi les malades atteints de cette forme plus sévère, beaucoup pourront être maintenus à domicile, mais moyennant une surveillance médicale et paramédicale quotidienne ; tandis que d'autres devront être hospitalisés (parfois plus pour une raison de contexte du malade que de sévérité de la maladie). L'hospitalisation se fera alors dans un service de médecine, soit une unité de soins standard, soit une unité de soins continus, en fonction de l'état du malade. Une oxygénothérapie au masque sera souvent administrée.

Dans cette forme plus sévère, la convalescence est déjà nettement plus longue : de trois à huit semaines en moyenne ; c'est la fatigue (asthénie) qui est le symptôme le plus tenace et invalidant.

Et en cas de forme sérieuse, voire grave, de la maladie ?

Les formes les plus graves de CoVid-19 comportent plus qu'une simple gêne respiratoire : c'est une insuffisance respiratoire aiguë plus ou moins sévère. Le maintien à domicile n'est pas possible, car ces malades nécessitent toujours au minimum une oxygénothérapie continue au masque et des soins médicaux et paramédicaux aigus, qui comportent naturellement une surveillance pluriquotidienne. Un traitement médical est administré, généralement en perfusion, et une assistance respiratoire mécanique (respirateur) s'impose dans la plupart des cas : soit non invasive (ventilation non invasive au masque ou VNI : pas d'intubation trachéale), soit invasive (ventilation invasive avec sonde d'intubation trachéale, naso-trachéale ou oro-trachéale ; plus tard, parfois une trachéotomie).

Ces malades graves sont hospitalisés, soit en unité de soins continus, soit en réanimation. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), cela concerne de l'ordre d'un malade CoVid-19 sur 20.

Lorsque ces malades graves sont guéris, ils doivent déjà faire un séjour en service de médecine standard où ils recouvrent peu à peu une autonomie de vie. Mais c'est très long, car les soins intensifs et a fortiori la réanimation affaiblissent considérablement le corps, en plus de la maladie elle-même : les muscles fondent et la fonction respiratoire est bien diminuée.

Étant donné que cette hospitalisation salvatrice a permis à ces malades de rester en vie, mais au prix d'une prise en charge médicale et paramédicale lourde, invasive et agressive, on ne doit pas s'étonner qu'il faille dans ce cas des mois pour récupérer ; c'est pourquoi on compte au minimum six mois de convalescence, et souvent un an, voire un an et demi.

Et sans compter les séquelles durables ou persistantes : dyspnée d'effort (essoufflement pour un effort peu important), toux persistante, asthénie (fatigue), force musculaire nettement diminuée, difficultés à la marche, troubles de la mémoire et désordres psychologiques, ainsi que très souvent une augmentation du besoin en sommeil.

Dans les cas les plus graves, il y a le risque de conserver un handicap respiratoire permanent, sous la forme d'une insuffisance respiratoire chronique, avec souvent la nécessité d'une oxygénothérapie à domicile, voire d'un respirateur à domicile (soit pour une ventilation non invasive au masque ou VNI, soit pour une ventilation invasive avec trachéotomie).

Il serait donc grand temps que l'on cesse de se contenter de parler des malades et des morts de la CoVid-19 : il y a aussi les convalescents et celles et ceux qui conserveront de façon plus ou moins définitive, des séquelles handicapantes.

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