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Coronavirus : 14 questions auxquelles le gouvernement nous devra une réponse après la crise
©ludovic MARIN / AFP / POOL

Bilan

Après la crise du Covid-19 viendra l’heure des comptes. Afin de ne pas les oublier, voici une liste des questions qu’il faudra poser au gouvernement quand l’heure sera venue.

Nicolas Moreau

Nicolas Moreau

Diplômé d'école de commerce, Nicolas Moreau a exercé en tant qu'auditeur pendant une décennie, auprès de nombreux acteurs publics, associatifs et privés.

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La crise du Covid19 réclame l’union sacrée. La ficelle est connue. François Hollande l’appelait de ses vœux après chaque fiasco sécuritaire face aux islamistes. L’union sacrée donne un répit au gouvernement, en lui permettant d’éviter les attaques de son opposition, tout en gagnant un précieux répit pour affronter - ou plutôt pour fuir - ses responsabilités.

Jouons donc le jeu de l’union sacrée s’il le faut. Le pays souffre bien assez pour ne pas lui imposer en plus un affrontement politique sans aucun intérêt, tant le résultat de 2022 est couru d’avance.

Gardons toutefois en tête les questions auxquelles nous exigerons des réponses une fois la crise passée. Ou mieux : écrivons- les, pour en garder trace.

Une situation exceptionnelle

Mais avant de lister ces questions, deux remarques liminaires s’imposent.

D’abord, il est très probable que la Chine, qui était notre unique source au départ pour déterminer la contagiosité et la mortalité du Covid19, ait lourdement menti sur le bilan du virus sur son sol. Les 3300 morts annoncés ne semblent pas coller avec l’activité continue des crématoriums dont témoignent les habitants de Wuhan, ni avec les afflux continus d’urnes funéraires en provenance de ces crématoriums - de l’ordre de 500 par jour. Malheureusement, la censure chinoise autour de ces chiffres, et la difficulté à évaluer la mortalité normale de Wuhan en cette saison, rendaient impossibles le calcul de l’incidence réelle du Covid19, avant que le désastre italien ne nous éclaire sur le fait que non, le coronavirus n’avait rien d’une simple grippe.

Il est donc compréhensible que de nombreux observateurs n’aient compris la situation qu’une fois éclairés par la catastrophe en Italie.

Par ailleurs, si de nombreuses critiques peuvent être adressées au gouvernement sur leur gestion de cette crise, la situation désespérée de l’hôpital, l’impossibilité de faire régner l’ordre dans les territoires perdus de la République, ou encore le comportement irresponsable de nombreux français, sont des problèmes qui ont empiré, gouvernement après gouvernement, depuis plus de 50 ans. Il serait donc injuste d’accuser uniquement le gouvernement Macron pour ce fiasco collégial de notre classe politique, de tous bords et de toutes générations confondues.

Des questions demeurent, qui exigent une réponse claire

  • Pourquoi le plan d'action mis en place après la grippe aviaire de 2004 n’a-t-il pas été appliqué ?

Dans son édition du 25 mars 2020, le Canard Enchaîné nous a appris qu’un plan d’action avait été mis en place en 2004, suite à l’épidémie de grippe aviaire, et qu’il avait été refondu en 2009 par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ce plan listait les signes à surveiller : « extension de grande ampleur de la maladie, avec un grand nombre de cas de syndrome grippal (supérieur à la centaine) , avec suspicion d’extension rapide (forte contagiosité), avec une mortalité anormalement élevée et/ou une gravité clinique nécessitant une hospitalisation sensiblement plus fréquente que pour la grippe saisonnière. » - ce qui correspond exactement au cas du Covid19. Il listait également une série de mesures à prendre, parmi lesquelles un contrôle aux frontières.

Ce plan a été réactualisé en 2011, après l’épidémie de grippe H1N1, et recommandait notamment la constitution de stocks massifs de masques. Et depuis ? Plus rien. Le plan est tombé aux oubliettes sous le quinquennat Hollande et les stocks de masques constitués à l’époque ont disparu.

  • Pourquoi nos stocks de masques FFP2 ont-ils été bazardés ? Qui est responsable de cette décision ? Pourquoi les frontières n'ont-elles pas été contrôlées, conformément aux recommandations du plan d’action ? Etait-ce par pure idéologie, afin de ne pas s’aligner sur une position commune avec le Rassemblement National ?

Par ailleurs, dans une interview au Monde datée du 17 mars 2020, Agnès Buzyn, ancienne Ministre de la Santé, assure avoir prévenu Emmanuel Macron et Edouard Philippe de l’ampleur de la crise qui s’annonçait.

  • Pourquoi Agnès Buzyn n’a-t-elle pas été entendue ? Pourquoi lui avoir fait quitter son ministère au début de la tempête, pour se présenter à Paris ?

Un retard à l’allumage

Si le gouvernement est excusable de n’avoir compris la situation qu’avec la crise italienne, de nombreuses questions demeurent, quant à l’efficacité de sa gestion de la crise.

  • Qui a autorisé la tenue du match Lyon-Juventus du 26 février ? Et pourquoi ?

Marcel Garrigou-Grandchamp dans une tribune publiée sur le site de la Fédération des Médecins de France, interroge sur le lien entre la recrudescence des cas de Covid19 dans le Rhône, et la tenue de ce match où s’étaient regroupés 3000 supporters de la Juventus de Turin.

La question de l’absence de dispersion des supporters du PSG qui s’étaient massés devant le Parc des Princes le 11 mars, lors du match à huis clos face à Dortmund, se pose également.

  • Pourquoi le premier tour des municipales du 15 mars a-t-il été maintenu ?

Qui peut croire que Gérard Larcher puisse faire plier Emmanuel Macron ? Personne. La décision de maintenir les municipales revenait au gouvernement en dernier ressort, et ne pouvait s’achever que par un fiasco, avec une participation forte et une contagion élevée, ou avec une participation faible et des conseils municipaux mal élus, voir illégitimes.

  • L’encadrement du prix du gel hydroalcoolique a-t-il empiré la pénurie ?

Toute l’histoire économique est unanime sur ce point : l’encadrement des prix crée des pénuries et du marché noir. Il n’y a pas d’encadrement des prix heureux. Jamais.

En l’occurrence, de nombreux pharmaciens ont dû annuler leurs commandes de gel en raison de l’encadrement des prix imposé par le gouvernement, car le prix de vente régulé devenait inférieur au prix d’achat du gel, faisant perdre aux pharmaciens de l’argent sur chaque bouteille vendue.

Une situation ubuesque qui a pénalisé la bonne application des gestes barrière.

  • Pourquoi les commandes de masques et de ventilateurs n'ont-elles pas été lancées plus tôt ?  Pourquoi a-t-on mis si longtemps avant de faire fabriquer des masques et des ventilateurs sur le sol français ? Le gouvernement aurait-il pu être plus rapide ?

Adapter une usine à la création d’un produit nouveau n’a rien d’aisé. Mais l’exemple de General Motors, qui bien avant que Donald Trump ne la réquisitionne avait débuté les opérations pour produire des ventilateurs, interroge sur la réactivité du tissu productif français, autant que sur celle du gouvernement.

  • A-t-on confisqué des cargaisons de masques à destination de l’Italie ou de l’Espagne ?

La fin justifie peut-être les moyens, mais nos camarades espagnols ou italiens sauront se rappeler de la valeur de la parole française après ce déplorable épisode. Quant aux leçons de morale que nous avons ensuite adressés aux tchèques, qui avaient volé une partie de la cargaison de masques destinés à l’Italie, ou aux américains qui ont racheté cash une cargaison qui nous était destinée, nous les garderons pour nous à l’avenir.

  • Où est l'équivalent français des hôpitaux géants construits ailleurs en quelques jours ?

A l’étranger, les hôpitaux de campagne foisonnent.

Un hôpital de 1000 lits a été construit en 10 jours à Wuhan en Chine. En Espagne, l’IFEMA, l’équivalent madrilène de la porte de Versailles, a été transformé en hôpital de 5500 lits en une semaine. L’hôpital de Nightingale au Royaume-Uni a, en quelques jours, ouvert 500 lits et en proposera bientôt 5000.

En France,  quelques petits hôpitaux de campagne ont ouvert, tandis que certaines cliniques privées se plaignent encore de ne pas être sollicitées. Pendant ce temps, sur le terrain, la sélection des patients qui ne seront pas intubés en raison de leur âge à vraisemblablement commencé.

  • Pourquoi les laboratoires publics qui pourraient réaliser entre 150 000 et 300 000 tests par mois ne sont-ils pas mis à disposition ?

Une enquête dévastatrice de Géraldine Woessner dans le Point montre que les 75 laboratoires publics répartis sur le territoire, capables de tester massivement la population sur le Covid19,  ne sont pas mis à contribution, en raison d’obscures raisons administratives et juridiques.

Une situation abracadabrantesque, quand on sait que depuis le départ, les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé imposent un dépistage massif de la population.

  • Pourquoi Sibeth Ndiaye est –elle restée porte-parole du gouvernement ?

Rappeler l’ensemble des fiascos de Sibeth Ndiaye serait cruel, depuis les cafouillages sur l’organisation d’évènements à la Bercy Accor Hôtels Arena, jusqu’à la pitoyable adaptation du discours officiel à la pénurie de masque, arguant que même une ministre ne savait pas comment les porter.

Dans une situation de crise, la communication doit être efficace, et les échecs à répétition de la porte-parole du gouvernement ont durablement décrédibilisé la parole publique, créant des obstacles supplémentaires dans la lutte contre le virus.

Dans le même ordre d’idées, la communication lamentable et contradictoire de Bruno Le Maire, qui a plongé les indépendants et chefs d’entreprise dans une dévastatrice incertitude, soulève des questions essentielles sur son avenir au sein du gouvernement.

  • Avec suffisamment de tests et de masques, en amont, aurait-on pu éviter cette meurtrière congélation de notre économie, qui fera des victimes pendant des années ?

Cette question, qui résulte des questions précédentes, nous interroge sur les conséquences de l’arrêt brutal de l’économie du au confinement : des faillites d’entreprises et un chômage massif à court terme, une tempête sur l’Union Européenne et sur l’Euro à moyen terme, et un sous financement massif de nos services publics, hôpital en tête, pendant des années, en conséquence de la morosité économique.

Des questions essentielles pour l’avenir

  • Pourquoi en France l’accessoire est-il toujours passé avant le principal ?

La France dépense plus de 1100 milliards d’euros par an. Elle représente 15% des dépenses sociales du monde, pour 1% de la population. Ses prélèvements obligatoires, de plus de 1000 milliards d’euros, atteignent 48,4% du PIB ce qui en fait le pays le plus imposé de l’OCDE.

Sa dépense publique est l’une des trois plus élevées de cette même OCDE, avec 56,5% du PIB. Son budget est déficitaire tous les ans depuis 1974, invariablement.

Tout ça pour des services publics en ruine.

Tout ça pour que Gérald Darmanin, qui se vantait la semaine précédente des finances publiques saines de la France, en appelle aux dons des français aujourd’hui.

Il serait temps, un jour, de cesser ce sketch de « l’austérité en France » et du « néolibéralisme » carnassier, alors que les chiffres sont clairs et nets : la France dépense beaucoup trop, et beaucoup trop mal.

Ce qui nous amène, encore et toujours, à la question des premiers gilets jaunes (ceux des ronds-points de province, pas l’extrême gauche parisienne qui a parasité, récupéré, et étouffé le mouvement après l’acte 3) :

  • Où va l’argent ?

Un jour, peut-être, la France comprendra qu’elle dépense des sommes considérables pour des services publics de piètre qualité, qui ne tiennent debout que par la vaillance et l’amour du service public d’une poignée de fonctionnaires dévoués.

Un jour, peut-être, la France comprendra que l’Etat n’a pas vocation à assurer toutes les missions qui se présentent à lui, et qu’au lieu de tout faire mal, il devrait choisir quelques missions qu’il fera bien.

Un jour, peut-être, les français comprendront qu’il existe des missions d’Etat essentielles - la Police, la Justice, l’Armée, l’Education, la Santé, les infrastructures - et des missions d’Etat accessoires – les subventions aux médias, les subventions au cinéma français, la destruction des paysages par des éoliennes inutiles, l’organisation de Jeux Olympiques, les subventions aux associations décoloniales, etc.

Un jour, peut-être. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui on combat « l’austérité » et le « néolibéralisme » dans un pays où chaque année, on dépense de plus en plus, et de plus en plus mal.

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