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Aborder la question de la sexualité avec ses enfants est souvent difficile.
Aborder la question de la sexualité avec ses enfants est souvent difficile.
©Reuters

Série : comment parler à ses enfants de...

Entre trop en dire et ne rien dire du tout : voici comment aborder ce sujet tabou avec vos enfants.

Gisèle George

Gisèle George

Gisèle George est pédopsychiatre. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages comme La confiance en soi de votre enfant (2007, Odile Jacob) ou encore Ces enfants malades du stress (2002, Anne carrière) 

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Atlantico : Aborder la question de la sexualité avec ses enfants est souvent vécu comme un sujet tabou par les parents. A partir de quel âge est-il conseillé d’en parler? Est-il nécessaire de commencer à en parler tôt ? Comment doit-on s'y prendre ?

Gisèle George : La découverte du corps sexué se fait dès la sortie des couches. Parler à l’enfant de son corps fait partie de sa construction. Il est aussi fondamental de lui parler des fonctions de ses organes sexuées que de lui apprendre l’hygiène par exemple. Pour eux, il ne s’agit pas de questions “innocentes”, mais plutôt de questions non perverties par la connaissance des pratiques sexuelles adultes.

Pour qu’ils aient un développement sexuel psychologiquement harmonieux, il faut leur apprendre ce qui fait de nous des êtres sexués. L’hygiène du corps passe aussi par sa connaissance, son respect et la prévention face au danger.

Lire aussi l'épisode 2 : Comment parler en famille des problèmes de santé quand un enfant ou un parent est gravement malade

Il est nécessaire de suivre le développement de l’enfant lorsque l’on souhaite aborder avec lui les questions de sexualité. A 2, 10 ou 13 ans les informations et détails que nous leur donnerons ne seront pas les mêmes. Afin de transmettre correctement le savoir aux enfants, il faut susciter les questions mais s’assurer que l’on en comprend bien le sens enfantin. Par exemple, un jeune enfant disant à ses parents qu’il a un/ une amoureux(se), n'y donnera pas le même sens au mot qu’un adulte. 

Pourquoi parler de sexualité avec ses enfants effraye souvent les parents?

Encore aujourd’hui, les parents sont souvent issus de cette longue lignée d’individus auxquels on a expliqué les questions de sexualité en les reliant à des notions de danger, de moral et d’interdit. Le terme même de sexualité a tendance à renvoyer à des pratiques “trash” plutôt qu’à une image de jouissance et de corps qui se porte bien.

Pour un enfant,  parler de son sexe est aussi anodin (non pas innocent) que de parler de ses bras ou de ses jambes. C’est la réponse des parents qui peut apporter, chez lui, une certaine confusion. Si cette réponse est craintive, évasive ou moralisatrice, alors il aura tendance à envisager cette partie de son corps comme étant malsaine.

Autrement dit, c’est parce qu’on lui a présenté la sexualité comme étant malsaine, qu’il l’envisagera sous cet angle et transmettra cette vision plutôt que celle du respect du corps. 

Les parents se doivent-ils d’être les premiers à en toucher mot à leur(s) enfant(s)? Quels sont les risques si le couple parental refuse cette discussion ou tarde à l’aborder ?

Il est fondamental que les parents soient les premiers à parler aux enfants de leur corps. Que ce soit pour leur expliquer son fonctionnement ou comment l’entretenir afin que leur rapport au corps se développe de la façon la plus harmonieuse possible.

Les parents se doivent de parler “du bien manger, du bien mettre un pull quand il fait froid…” mais aussi de la bonne sexualité et ceci en fonction de l’âge.

L’enfant a un corps dont il ressent les émois sexuels, ce corps va se transformer, or l’enfant aime comprendre le pourquoi du comment. Il va donc rechercher des informations. Mais doit-on laisser à internet, aux copains ou aux films pornos le loisir d’expliquer ce qu’est la sexualité? Les informations prisent en cachette, mal comprises mènent rarement à une  sexualité harmonieuse.

Mieux vaut des parents gênés mais qui n'hésitent pas à parlent de sexualité et qui en expriment les bienfaits et les limites plutôt que d’y être confronté sans connaissance aucune. C'est dans cette situation que l'enfant peut avoir du mal à faire la part des choses, notamment si il se retrouve face à des images d’une sexualité plus adulte et pas du tout adaptées à son âge.

Le risque, lorsque les parents font l'impasse sur les questions de sexualité, c’est que l'enfant développe une sexualité déviante, non pas par rapport à la norme, mais qui n’est pas bienfaitrice pour lui. Il aura tendance à imiter la sexualité qu’il a vue quelque part ou qui lui a été décrite par quelqu’un d’autre au lieu d’essayer de trouver l’harmonie physique et psychique de son propre corps et de sa propre sexualité.

Parler de sexualité tôt, peut-il inciter les adolescents à avoir des rapports précoces?

S'abstenir de parler de sexualité en vue d'éviter que les enfants fassent des erreurs en la matière est une méthodologie qui est encore malheureusement très utilisée.

C’est exactement le même principe lorsque l’on aborde la question du suicide : parler de suicide va-t-il accroître les risques que l’enfant soit suicidaire? C’est faire mauvaise presse aux adolescents qui savent parfaitement ce que c’est et qui ont pu déjà y penser. A l’inverse, une famille dans laquelle on discute de ces sujets sera une atmosphère plus prompte à donner le courage à l’enfant d’en parler à ses parents.

Pour la sexualité c’est identique : en parler naturellement permettra à l’adolescent d’être en confiance. Il pourra demander à ses parents si sa sexualité est précoce, anormale. Alors, les adultes pourront le rassurer, l’informer et le prévenir quant aux risques.

Il y a un âge auquel l’enfant est capable d’avoir une sexualité saine et un âge auquel c’est impossible. Il ne s’agit pas de morale mais de prévention. 

De quoi peut-on parler et qu’est-ce que l’on doit éviter d’aborder lorsqu’il est question de sexualité?

Lorsque l'on aborde les questions de sexualité, on peut commencer par parler du bonheur d'être un être sexué. Le plus simple pour les parents c'est de faire une analogie entre le "bien manger" et la sexualité. Ils peuvent commencer par aborder l'importance de bien manger, l'apport nécessaire, le plaisir de manger et l'affectif. Bien sûr, ils doivent aussi traiter  du "mal manger", de ce qui n'est pas sain pour le corps. Il faut utiliser des termes d'affect, on sera alors plus proche des questions réelles de l'enfant et donc on y répondra mieux.

Si l'on considère la sexualité comme quelque chose de trash et de malsain et que l'on répond aux questions de l'enfant avec angoisse, il vaut mieux éviter le sujet. En outre, l'enfant risquerait de développer, lui-même, une vision biaisée  de la sexualité.

C'est simple, si l'abord des parents à la sexualité est harmonieux alors ils peuvent, sans problème en parler. Par contre, si leur abord à la sexualité est difficile, il vaut mieux faire appel à un professionnel. On peut par exemple demander l'aide d'un gynécologue ou d'un urologue, pour qu'il réponde aux questions de l'enfant le plus naturellement possible. C'est aussi une façon de mettre l'enfant en confiance. Ceci peut se est façon de lui dire : "je veux que tu obtiennes les réponses aux questions que tu te poses, je t'ai donc choisi une personne très compétente qui pourra t'en parler".

De manière globale, la façon dont les parents abordent ce sujet avec leurs enfants a-t-elle évoluée au cours de ces dernières années?

La façon d'aborder la sexualité a beaucoup évoluée. Elle évoluera toujours en fonction de l'époque, du pays où l'on se situe et de l'histoire de la famille (de ses croyances religieuses ou autres et de sa morale). Peu importe, l'important reste d'en parler le plus honnêtement possible, au plus près de ce que l'on est.

Par contre, le tabou généralisé n'a pas évolué. Quelque soit l'époque ou l'évolution de la société et de la culture dans la laquelle se trouve l'enfant. On ne parle toujours pas de la sexualité comme on peut parler d'un autre sujet de la même envergure (bien manger, avoir une bonne hygiène..).

Il est encore nécessaire de rappeler et de proposer cette transmission naturelle qu'est l'apprentissage de la sexualité à ses enfants par les parents. Il faut encore conseiller les parents pour qu'ils parlent naturellement du sujet en fonction de ce qu'ils sont et de ce qu'ils souhaitent apprendre à ce sujet à leurs enfants. Il n'y a pas de bonnes et de mauvaises manières de le faire, il faut simplement le faire sans crainte. Le plus dur est trouver les mots adéquats, c'est pour cela qu'il faut poser les bonnes questions à l'enfant. Lui demander ce qu'il pense avoir compris, appris et adapter sa réponse aux siennes.

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