Comment l'IA pourrait aider les compagnies aériennes à atténuer l'impact climatique des traînées d'avion<!-- --> | Atlantico.fr
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Les traînées de condensation des avions ont un impact sur le climat.
Les traînées de condensation des avions ont un impact sur le climat.
©SERGEI SMOLENTSEV AFP

Avancée

Le modèle d'apprentissage automatique de l'IA de Google a développé des modèles de prédiction des endroits où peuvent apparaître les traînées de condensation des avions, afin de produire le long de trajectoires de vol spécifiques pour les éviter.

Gilles Rosenberger

Gilles Rosenberger

Ingénieur, pilote privé 

35 ans d’expérience dans l’industrie aéronautique 

Cofondateur de la startup Faraday dédiée à la proposition électrique et hybride pour aéronefs 

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Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Quelles sont les connaissances actuelles concernant l'impact des traînées de condensation des avions sur le changement climatique ?

Gilles Rosenberger : Ce qui est évident, c'est que les traînées de condensation représentent un domaine mal connu mais probablement préjudiciable dans le contexte des enjeux climatiques. Des études sérieuses ont été menées pour évaluer le rôle de ces traînées dans ce qu'on appelle le forçage radiatif, qui mesure l'influence d'un élément sur le climat. Parmi ces études, des recherches anglo-saxonnes ont mis en évidence que le forçage radiatif induit par les traînées de condensation pourrait dépasser de deux à trois fois celui du dioxyde de carbone (CO2) émis par les avions. Cependant, il convient de noter que les traînées de condensation ont un impact complexe et encore discuté. Il semblerait que cela puisse avoir un impact différencié selon le moment de la journée. Pendant le jour, elles peuvent temporairement atténuer le réchauffement en bloquant une partie du rayonnement solaire, mais la nuit, elles retiennent la chaleur émise par la Terre, ce qui peut contribuer à maintenir la température de la Terre.

L'effet global des traînées de condensation est encore mal compris, bien que l'on puisse avancer l'idée qu'il pourrait être aussi crucial que l'impact du CO2 sur le climat. Contrôler les émissions de traînées de condensation est une tâche facile au niveau individuel des avions. Mais le problème collectif est bien plus épineux. Des efforts sont en cours depuis des années pour trouver des solutions à ce problème.

L'une des découvertes clés est que 20% des vols seraient responsables de 80% des émissions de traînées de condensation. Pour que ces traînées se forment, il faut que les conditions soient favorables en termes de pression, de température et d'humidité. Les avions émettent de l'eau lors de la combustion des hydrocarbures, ce qui peut ensuite se condenser en traînées si les conditions sont réunies. En laboratoire, les conditions idéales pour la formation de traînées sont bien connues.

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La localisation des zones où se forment les traînées de condensation est relativement facile à fixer dans certains milieux où nous avons de nombreux outils de relevés, mais plus complexe à établir dans d’autres lorsque ces outils manquent. C’est là que les modèles mathématiques accélérés par l’IA peuvent aider.

Les essais menés par des compagnies aériennes, comme American Airlines avec Google, ont principalement validé des concepts déjà connus : l'ajustement des trajectoires des avions peut permettre d'éviter la formation de ces traînées dans certaines conditions.

Cependant, il est crucial de prendre en compte les défis liés à ces ajustements qui doivent impliquer l’ensemble du personnel de contrôle aérien. Les modifications de trajectoire peuvent avoir des répercussions sur les heures d'arrivée des avions à l'aéroport, ce qui peut entraîner des retards et une utilisation accrue de carburant pour maintenir l'attente en vol. Les avions ont les réserves nécessaires pour, mais il faut en être conscient pour l’anticiper au mieux. Il est évident que réduire les émissions de traînées de condensation nécessite une approche intelligente et coordonnée pour minimiser l'impact environnemental.

En effet, lorsque l'on compare les émissions de traînées de condensation à celles de CO2, il est évident que les premières peuvent être deux à trois fois plus importantes et préoccupantes. Cela signifie que nous serions prêts à accepter une augmentation légère, de l'ordre de 1%, de la consommation de carburant en échange de gains significatifs. Comparativement à cela, l'impact des traînées de condensation est bien plus significatif, avec des pourcentages bien supérieurs, allant jusqu'à 200 à 300%.

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Il est vrai qu'actuellement, il y a peu de communication sur les effets néfastes des traînées de condensation sur le climat. Néanmoins, cette question devrait être résolue plus rapidement que l'émergence de nouveaux carburants ou de nouvelles technologies de propulsion, avec un horizon de 5 à 10 ans. C'est nettement plus court que les délais de mise en place des solutions telles que les nouveaux carburants, les moteurs à hydrogène, et autres, qui nécessiteraient de 20 à 30 ans pour devenir pleinement opérationnels et efficaces sur le terrain.

Des entreprises comme Thalès, un acteur français spécialisé dans les logiciels et les systèmes de contrôle aérien, travaillent en collaboration avec les contrôleurs aériens et les compagnies aériennes pour intégrer cette dimension dans les instructions de vol. Le défi majeur réside dans l'alignement de toutes les parties impliquées. Cette harmonisation est centrée sur le poste de travail du contrôleur aérien, qui rassemble la volonté collective.

Et donc l’IA, et ce que Google vient d'annoncer chercher à faire, va donc servir à optimiser les trajets pour limiter les émissions ?

Gilles Rosenberger : Ce que Google fait, c’est surtout de l’effet d’annonce car ces solutions sont connues. L'intelligence artificielle (IA) correspond à la capacité d'un système d'apprendre. Parmi les concepts en cours d'étude, il est envisagé d'équiper un certain nombre d'avions de capteurs capables de détecter les conditions météorologiques favorables à la formation de traînées de condensation. L'objectif serait d'obtenir des informations rétrospectives pour ajuster les comportements. Cette démarche permettrait également de mieux comprendre les circonstances dans lesquelles les traînées se forment.

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En multipliant les relevés en vol, on cherche à identifier les motifs de formation des traînées de condensation. Ce processus peut être irrégulier, avec des apparitions intermittentes à des intervalles spécifiques et dans des zones variables. Cette complexité souligne l'importance de rassembler des données précises pour déterminer, par exemple, que l'avion de la compagnie American Airlines a été exposé à des conditions favorables à une certaine heure, tandis qu'un avion d'Air France a connu des conditions similaires 500 mètres plus haut, et qu'un avion d'une autre compagnie n'a pas généré de traînées à une altitude différente. L'intelligence artificielle est capable de traiter ces données complexes, où l'analyse humaine serait laborieuse, et de trouver des modèles et des règles.

L'IA peut ainsi améliorer la prédictibilité en identifiant les paramètres favorables à la formation de traînées de condensation. Cette amélioration de la prédictibilité est cruciale pour les contrôleurs aériens, qui doivent prendre des décisions informées. Thalès a mis en avant cet aspect lors d'une démonstration au Salon du Bourget il y a trois mois, illustrant la coordination requise à chaque étape. Cette coordination commence dès la veille du vol, où la compagnie aérienne doit décider si elle accepte un changement de trajectoire pour des raisons météorologiques.

Dans cette approche, l'aspect environnemental pourrait également être pris en compte. Dans un contexte de taxe pollueur payeur, avoir les informations de l’IA pourrait influencer les choix opérationnels et stratégiques des compagnies, en incitant à des pratiques plus respectueuses de l'environnement.

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Laurent Alexandre : L'approche mise en avant ici est véritablement intéressante et ingénieuse. Elle exploite l'intelligence artificielle en conjonction avec les données satellitaires pour minimiser les émissions de traînées de vapeur, lesquelles contribuent à hauteur d'environ 1/3 au réchauffement climatique lié à l'aviation, selon les estimations. Cette approche originale démontre que c'est la technologie qui détient la clé pour résoudre le défi climatique, plutôt que de compter sur des appels à la décroissance.

L’étude de Google reste à petite échelle pour le moment. Elle n'englobe pas des milliers de vols, mais se concentre sur un échantillon limité. Malgré cela, elle a produit un prototype qui a démontré une réduction d'environ 54 % des traînées derrière les avions. Étant donné que ces traînées contribuent à près d'1/3 du réchauffement climatique dû à l'aviation, cela signifie théoriquement que le réchauffement climatique lié à l'aviation civile pourrait être réduit d'environ 15 %, si l’on pouvait étendre le phénomène. Ceci est hautement significatif, et l'optimisation de l'intelligence artificielle utilisée peut sans doute être poussée encore plus loin.

En effet, cette solution est relativement simple. Elle nécessite des ajustements mineurs dans les trajectoires des avions. Il est envisageable que ce concept puisse être étendu à une échelle mondiale, bien que des études de grande envergure soient nécessaires pour confirmer ces résultats à partir de cette étude encore à une échelle modeste.

Pour expliquer le fonctionnement de l'IA dans ce contexte spécifique, il s'agit d'optimiser les trajectoires des avions de manière à réduire les traînées de condensation qui retiennent la chaleur dans l'atmosphère. Ce processus d'optimisation n'est pas excessivement complexe en soi. Ce qui distingue cette étude, ce n'est pas tant l'utilisation de l'IA en soi, mais bien son association avec l'analyse des données satellitaires. Cette analyse vise à confirmer que les déviations de trajectoire des avions ont un impact positif en limitant les traînées.

En conséquence, on constate que pour atténuer le réchauffement climatique, Google, par exemple, est des milliards de fois plus efficace que Sandrine Rousseau, qui se contente de discours. Cette mise en avant de la technologie démontre que la lutte contre le réchauffement climatique est guidée par les avancées technologiques, plutôt que par les appels en faveur de la décroissance.

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