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Combien de temps dure l’immunité au Coronavirus ? De bonnes nouvelles nous viennent d’Islande
©FRED TANNEAU / AFP

Espoir

91% des Islandais qui se sont rétablis du coronavirus ont produit des anticorps détectables. Les niveaux d'immunité n'avaient pas diminué quatre mois après le diagnostic.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Selon des informations de Bloomberg et d'après une étude sur la pandémie en Islande publiée dans le New England Journal of Medecine, 91% des Islandais qui se sont rétablis du coronavirus ont produit des anticorps détectables. Les niveaux d'immunité n'avaient pas diminué quatre mois après le diagnostic. Que nous apprend cette avancée sur la connaissance de la Covid-19 et sur la question de l'immunité face à la pandémie ? Est-ce que les patients les plus durement touchés par le coronavirus sont les seuls à développer cette immunité ? Cette immunité peut-elle s'étendre sur une période plus longue ?

Stéphane Gayet : L’épidémie de CoVid-19 a vraiment commencé en France en février et a connu son maximum en mars et début avril. Depuis quelques semaines on constate une légère augmentation du nombre quotidien de nouvelles hospitalisations pour CoVid-19 et une légère augmentation du nombre quotidien de nouvelles admissions en réanimation pour CoVid-19. En revanche, le nombre quotidien de nouveaux décès attribuables à la CoVid-19 reste très bas et à un niveau faible.

Sur le plan des nouvelles hospitalisations, nous avons retrouvé le niveau du 25 mai, sur celui des nouvelles admissions en réanimation, le niveau du 19 mai. Quant au nombre de nouveaux décès, il est à peu près égal à ce qu’il était le 26 juin.

On commence à bien connaître le pouvoir pathogène de ce nouveau virus (il attaque les poumons, les artères, le cerveau…) et l’on s’intéresse de plus en plus à présent à l’aspect immunitaire de la maladie : évidemment, l’avenir de la pandémie en dépend directement.

Toutes les infections virales ou presque sont immunisantes : l’infection suscite une réponse immunitaire non spécifique dite primaire, dont le rôle est de limiter les dégâts et de préparer l’organisme à une nouvelle attaque grâce à la mise en place d’une immunité spécifique qui permettra d’apporter le cas échéant une réponse immunitaire dite secondaire.

Contrairement à ce que l’on pense, l’immunité spécifique ne se résume pas à la production d’anticorps ou immunoglobulines (immunité dite à médiation humorale : les immunoglobulines sont de grosses protéines qui circulent dans les humeurs du corps telles que le sang, la lymphe et le liquide interstitiel dans lequel baignent les cellules), mais comprend un deuxième volet tout aussi important : l’immunité dite à médiation cellulaire (le « corps à corps » dans la lutte contre les bactéries et les cellules déjà infectées par un virus).

Les anticorps sont élaborés par les plasmocytes qui sont des lymphocytes B spécialisés dans cette tâche et se trouvant dans les tissus, prêts à réagir rapidement (lymphocytes à mémoire immunitaire). Les immunoglobulines peuvent être comparées à des missiles à tête chercheuse : ils sont spécifiques d’un antigène microbien. Tous les autres éléments figurant sur ce schéma (autres que les plasmocytes et autres lymphocytes B) participent de près ou de loin à l’immunité dite à médiation cellulaire : elle est au moins aussi importante que la première.

On sait depuis plusieurs mois que la CoVid-19 est bel et bien une infection virale immunisante, comme les autres. Du reste, n’a-t-on pas dit que les jeunes enfants (moins de 11 ans) étaient souvent réfractaires à l’infection par le SARS-CoV-2 du fait d’une immunité préexistante résultant d’infections antérieures par d’autres coronavirus proches antigéniquement de lui ?

La question qui restait en suspens était celle de la durée de l’immunité anti-CoVid-19 acquise par la maladie. Depuis mars, les écrits se succèdent à ce sujet, évoquant une durée de six mois, puis un an, puis un an et demi voire deux ans…

Pour répondre aux questions posées : Cette étude utile confirme l’existence d’une immunité anti SARS-CoV-2– au moins une immunité à médiation humorale : anticorps – chez plus de 90 % des malades et montre qu’elle dure plus de quatre mois.

Les patients les plus durement touchés par la maladie ne sont pas les seuls à développer cette immunité et c’est heureux, mais en même temps attendu ; néanmoins, l’intensité de l’immunité semble plus ou moins proportionnée à l’intensité de la maladie (notion d’abord énoncée en avril, puis démentie en mai et à présent confirmée).

Cette immunité spécifique anti-SARS-CoV-2 s’étend probablement sur une période plus longue (l’étude s’arrête à quatre mois par nécessité), comme c’est habituellement le cas avec la plupart des infections virales (excepté l’infection à VIH qui est une infection qui déprime l’immunité). Il y a eu quelques rares cas de réinfection dans le monde ; ces cas sont souvent atténués, témoignant d’une immunité incomplète, mais tout de même présente.

Ces résultats vont-ils relancer la thèse de l'immunité de groupe ? Cette stratégie avait été adoptée par plusieurs pays en Europe, comme la Suède ou le Royaume-Uni, qui avaient été très critiqués ?

La question de l’immunité de groupe ou collective va devenir centrale dans la pandémie CoVid-19. À présent que la pandémie est ralentie dans la plupart des pays, l’attention se porte de plus en plus sur l’immunité. Il y a ceux qui sont guéris de la CoVid-19 et qui se savent immunisés et puis il y a tous les autres : certains savent qu’ils ont été en contact avec le virus (test viral PCR positif) et peuvent espérer être immunisés, tandis que d’autres sont dans l’incertitude. À propos de ces tests viraux PCR qui sont maintenant effectués en France à raison d’un million par semaine, de plus en plus de travaux semblent indiquer une fiabilité insuffisante, en particulier une sensibilité excessive avec trop de faux positifs :

On savait que ces tests avaient une fiabilité plus que perfectible - un nouveau test de détection virale, nettement plus rapide et fiable, utilisant une autre méthode qui est antigénique et non plus génétique, est sur le point d’être commercialisé -, mais cette étude est pour le moins embarrassante : ces tests coûtent cher et mobilisent beaucoup de temps et de ressources. Il faudra donc dans un avenir plus ou moins proche mettre l’accent sur des dosages d’anticorps (tests dits sérologiques ou sérodiagnostics) qui devraient être nettement plus spécifiques, mais sans doute moins sensibles.

Pour répondre à la question posée : quoi qu’il en soit, l’immunité de groupe ou collective apparaît comme la voie naturelle et satisfaisante pour sortir de l’épidémie. Cela paraît clair, puisque c’est cet état d’immunité collective que vise une vaccination ciblant un agent infectieux épidémique. Nous n’avons pas de raison de penser que l’issue empruntera une autre voie que l’immunité collective, étant donné que ce virus ne peut pas être éradiqué et qu’une majorité de personnes infectées évolue tout à fait favorablement. Il faut donc continuer à compter sur une diffusion « douce » du virus, ce qui devrait permettre d’atteindre cette immunité.

Ces informations et ces travaux sont-ils rassurants au sujet de la question des patients potentiellement exposés au risque de réinfection au coronavirus après l'avoir contracté une première fois et par rapport aux craintes d'un rebond de l'épidémie ?

Ces travaux sont en effet rassurants. Les cas de réinfection existent, mais ils sont actuellement fort rares. Aucun pays n’a eu à proprement parler de deuxième vague, bien que l’on ait déjà utilisé cette expression pour plusieurs pays. La courbe épidémique de la France, montrée plus haut, ne laisse pas entrevoir de deuxième vague, mais tout au plus un léger ressaut que l’on doit interpréter comme la conséquence des comportements estivaux. Je peux me tromper évidemment, mais bon nombre d’épidémiologistes sont de cet avis. Cependant, restons vigilants, prudents et observons les mesures préventives.

De la même façon que l’absence de reprise épidémique nous permet de nous passer le plus possible du remdésivir au sujet duquel tout a déjà été dit ou presque, l’existence et le développement de l’immunité collective pourraient idéalement nous permettre de nous passer de la vaccination. Le million de tests viraux par PCR effectués chaque semaine peut contribuer à inquiéter les Français, tandis que cette étude islandaise contribue à au contraire nous rassurer. Cela fait du bien dans ce climat de morosité et d’incertitude entretenu par des annonces quotidiennes.

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