Colosse aux pieds d'argile : ce qu'Angela Merkel devra faire pour éviter que l’Allemagne ne devienne l’homme malade de l’Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Attali évoque notamment "un pays vieillissant, un système scolaire catastrophique, une productivité en baisse et des exportations en passe d'être copiées".
Attali évoque notamment "un pays vieillissant, un système scolaire catastrophique, une productivité en baisse et des exportations en passe d'être copiées".
©Reuters

Malade imaginaire ?

Alors qu'Angela Merkel vient d'être réélue triomphalement chancelière pour la troisième fois et que ses résultats économiques font pâlir d'envie les autres chefs d’État européens, Jacques Attali a évoqué dans une interview à TV5 Monde, "un pays vieillissant, un système scolaire catastrophique, une productivité en baisse et des exportations en passe d'être copiées".

Gérard Thoris

Gérard Thoris

Gérard Thoris est maître de conférence à Sciences Po. il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribue au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…).

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Atlantico : "L'Allemagne est l'enfant malade de l'Europe". Au regard des résultats économiques de Berlin, l'analyse de Jacques Attali peut paraître paradoxale. Mais à long terme, l'Allemagne a-t-elle plus de handicaps qu'il n'y paraît ? Attali évoque notamment "un pays vieillissant, un système scolaire catastrophique, une productivité en baisse et des exportations en passe d'être copiées". Partagez-vous son analyse ?

Gérard Thoris : Si la formule ne joue pas avec les paradoxes, elle est pour le moins surprenante. Heureusement, elle avait déjà servi de titre à Alternatives Economiques en 2002. A l’époque, l’Allemagne était un homme !  Aujourd’hui, Jacques Attali la réduit à un pauvre enfant qui n’a sans doute pas l’âge de raison.

En 2002, l’Allemagne était en pleine période de réunification après la chute du mur de Berlin en 1989. Elle cumulait plus de quatre millions de chômeurs (mais seulement 7,5 % de la population active) ; son déficit budgétaire était de 2 %, mais après 8 % en 1995. Cette situation a même permis à la France de passer au travers des fourches caudines de la Commission européenne. Autrement dit, nous devions faire l’objet d’une procédure pour déficit excessif mais avons obtenu un sursis avec l’appui de notre puissant voisin. Comme le dit gentiment un rapport du Sénat : "Dans le cas de l'Allemagne et de la France, la procédure a été suspendue d'une manière non prévue par les traités le 25 novembre 2003".

Aujourd’hui, le taux de chômage est descendu à 5,5 % mais le système scolaire serait "catastrophique" alors que seulement 8 % des jeunes sont au chômage. On n’ose qualifier sous cet angle la situation de la France ou de l’Espagne… L’Allemagne peut envisager sereinement un excédent budgétaire pour 2014 et la croissance économique y éloigne le spectre de l’effet boule de neige de la dette. On ne peut en dire autant de la France ni, a fortiori, d’aucun des pays du sud de l’Europe.

Quelles conséquences ces handicaps pourraient-ils avoir ?

Il est vrai que le pays est vieillissant. Un rapport ancien de l’Union européenne avait montré que, avant la crise, l’Allemagne devait faire un effort de solde budgétaire (diminuer son déficit, voire dégager un excédent) de 3,1 % pour stabiliser la dette publique à 60 % du PIB à horizon 2060. Mais, pour la France, l’effort était de 5,5 % ! En fait, les meilleures conditions démographiques étaient pénalisées par un déficit budgétaire initial plus important ! Il est évident que l’écart entre la France et l’Allemagne s’est accru au détriment de la première !

Il est vrai que l’Allemagne n’a pas la créativité de la France. C’est ainsi qu’elle n’a pas été leader dans la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mais quand il s’est agi de les déployer à grande échelle, l’opération s’est faite sans heurts, grâce à la souplesse du modèle social allemand, tandis que les syndicats français mettaient les salariés de l’automobile dans la rue par dizaine de milliers pour éviter la casse sociale. A l’arrivée, qu’on compte les emplois directs et indirects dans ce secteur des deux côtés du Rhin !

Il est vrai que ses exportations sont copiées mais raisonner ainsi, c’est dire que le progrès technique est derrière nous. La meilleure réaction contre la copie, ce n’est pas le protectionnisme, mais la mise en œuvre opérationnelle d’idées nouvelles.

Comment la chancelière pourrait-elle enrayer cette dynamique du déclin ? De quelles armes dispose-t-elle ?

Qui donc es-tu pour me parler ainsi ? C’est sans doute la réaction que la Chancelière triomphalement réélue aura face à de telles formules de politesse que la France laisse perler au plus haut sommet de l’Etat. L’Allemagne n’a pas à enrayer de dynamique de déclin, mais seulement à poursuivre dans la voie qui lui a permis de maîtriser les conséquences les plus durables de la crise. Il est de plus en plus probable que l’arrogance de la France lui donnera envie d’essayer de nouvelles alliances. Lorsqu’elle sera sortie de la zone euro, par le haut, par un beau matin calme, nous pourrons toujours nous reprocher d’avoir semé la tempête. Il sera trop tard.

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