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Clashs de campagne en série : drôle de climat politique en Italie
©IHA

Elections

Le candidat de la Ligue du Nord Attilio Fontana a déclaré ce dimanche : "Si nous acceptons tous les migrants, nous ne serons plus nous. (…) Nous devons décider si notre ethnie, notre société, notre race blanche doit continuer à exister ou si elle doit être anéantie". Une déclaration outrancière mais révélatrice d'un climat tendu dans une Italie en attente du scrutin du 4 mars.

Marc Lazar

Marc Lazar

Marc Lazar est professeur d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po où il dirige le Centre d’Histoire. Il est aussi Président de la School of government de la Luiss (Rome). Avec IlvoDiamanti, il a publié récemment, Peuplecratie. La métamorphose de nos démocraties chez Gallimard. 

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Atlantico : La campagne électorale italienne, dont le scrutin, aura lieu le 4 mars prochain, se déroule sur fond de polémiques notamment suite aux propos du candidat de la Ligue du Nord Attilio Fontana, qui a déclaré ce dimanche "Si nous acceptons tous les migrants, nous ne serons plus nous. (…) Nous devons décider si notre ethnie, notre société, notre race blanche doit continuer à exister ou si elle doit être anéantie. Ce n’est pas une question d’être raciste ou xénophobe. ». Cette déclaration est-elle isolée ou est-elle révélatrice d'un ton "particulier" donné à la campagne ? 

Marc Lazar : Cette déclaration est outrancière mais atteste un climat tendu en Italie. Notamment, sur la question des migrants et des immigrés. Les migrants de passage, les immigrés qui sont installés durablement dans la péninsule. L’Italie a été confrontée à un afflux massif des premiers, qui tend à s’essouffler suite à diverses mesures prises par le gouvernement. Par ailleurs, le nombre officiel de résidents étrangers dépasse les 5 000 000, quatre fois plus qu’en 2001, et ils représentent plus de 8% de la population totale. Et les clandestins par définition ne sont pas comptés. Ce double choc a provoqué des réactions de repli, de rejet, de xénophobie, voire de racisme. Mais aussi tout un travail de solidarité et d’intégration s’est déployé, moins visible mais parfois fort efficient. D’autres thèmes sulfureux sont mis en avant dans cette campagne qui ne fait que commencer, comme celui des vaccins puisque certains partis veulent abolir un décret-loi qui rend obligatoire la vaccination des enfants, ou celui de la suppression des droits d’inscription à l’Université. Ou encore l’idée d’organiser  un référendum sur l’euro. Or l’un des enjeux fondamentaux de cette élection du 4 mars portera sur la relation de l’Italie à l’Union européenne. Rome veut-elle rester au cœur de l’Union européenne ou entend-elle explorer une autre voie et alors laquelle ?   

Quels sont les partis qui s'illustrent le plus dans ses dérives ? Au delà des questions relatives aux migrants, quels sont les autres excès de cette campagne, notamment en provenance des autres partis ? Peut on parler d'importation du climat politique américain de l'année 2016 ? 

L’Italie est habituée à avoir des campagnes électorales enflammées où souvent les postures des candidats et des partis comptent davantage que le contenu de leurs programmes. Il faut faire parler de soi, attirer les médias, déchaîner les passions sur les réseaux sociaux, déclencher des polémiques. L’Italie n’a donc pas besoin d’importer le modèle américain pour cela, elle sait très bien le faire par elle-même. Deux partis s’illustrent particulièrement dans ces excès. Le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo qui est porté par les sondages et a besoin d’exister en se posant contre. Contre le reste des partis, contre le gouvernement de Paolo Gentiloni, contre l’Union européenne, contre « la caste ». Tout en avançant de multiples propositions, dont certaines sont difficilement conciliables avec l’appartenance de l’Italie à l’Union européenne, comme l’abolition de la réforme des retraites adoptée du temps du gouvernement de Mario Monti et la possibilité de partir à la retraite après 41 années d’activités. Il lui faut continûment exacerber ses prises de position pour apparaître comme le parti de la protestation, anticonsensuel, même si son leader Luigi Di Maio tente, dans le même temps, d’apparaître plus modéré pour asseoir une certaine crédibilité, de rompre son isolement en esquissant la possibilité d’éventuelles alliances après le vote. La Ligue Nord de Matteo Salvini est elle aussi habituée à provoquer. De manière continue. Pour fustiger le « politiquement correct ».  Son objectif est double : essayer de conquérir la première place dans la coalition de centre-droit qu’elle forme avec Forza Italia de Silvio Berlusconi, et Fratelli d’Italia (extrême droite) ; tenter de rivaliser avec le Mouvement 5 étoiles pour récupérer les électeurs qui entendent exprimer leurs frustrations, leurs colères par rapport à la situation économique et sociale, à la législature finissante, aux immigrés, à la classe dirigeante, à la corruption généralisée, à l’Union européenne. Il y a donc une sorte de surenchère entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue Nord pour des déclarations outrancières.   

Quelles sont les réactions des électeurs face aux déclarations erronées, ou aux promesses intenables qui peuvent être formulées ? 

C’est la grande inconnue. Toutefois, sondages montrent que la priorité des Italiens est l’emploi, donc la lutte contre le chômage. La réduction des impôts et la hausse des salaires sont aussi fortement demandées. Indéniablement, la volonté de contrôler voire de refouler l’immigration constitue l’une des préoccupations majeures de nos voisins italiens et telle est la raison pour laquelle les partis politiques s’expriment sur ce sujet, tout comme les associations ou l’Eglise catholique. Et puis, il y a ces sujets traditionnels comme la réforme de l’administration publique dont continuent de se plaindre les Italiens pour son inefficacité et son esprit tatillon.  La démagogie plait à une partie des Italiens qui de toute façon considèrent que toute la classe politique est pourrie, corrompue, incompétente. Donc pourquoi pas applaudir aux propositions les plus insensées. C’est le triomphe de l’antipolitique, au sens du rejet viscéral de la politique, cette vieille pulsion italienne du qualunquismo, du nom du mouvement politique apparu aux lendemains de la Deuxième guerre mondiale et a connu un succès éphémère mais qui a laissé des traces. Néanmoins, ces mêmes sondages montrent des Italiens plus rationnels mais désemparés. Près d’un tiers d’entre eux envisage de s’abstenir ne sentant pas concernés par l’offre politique. Le taux d’indécision est aussi extrêmement élevé et nombre d’électeurs feront leur choix dans les ultimes moments de la campagne. C’est dire qu’une grande incertitude règne en ce moment dans la péninsule. Il faudra voir son déroulement et la capacité des partis ayant plus le sens des responsabilités, tel le Parti démocrate, à imposer leurs propres thèmes. Et ce n’est pas gagné, loin de là.   

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