Chroniques tadjikes : le Marco Polo, la Marca Pala<!-- --> | Atlantico.fr
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La vodka tadjike a pris le nom de Marco Polo.
La vodka tadjike a pris le nom de Marco Polo.
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Carnet de voyage

Parmi les premiers, Marco Polo a fait en 1298 dans son Livre des Merveilles une description des plus justes du Pamir, le Toit du Monde au Tadjikistan. Depuis La Marca Pala est le nom d'un bélier sauvage d’une grandeur extraordinaire et doté de longues cornes décrit par l'explorateur.

Antoine Cibirski

Antoine Cibirski

Antoine Cibirski est Diplomate européen, auteur de « Paradoxes des populismes européens » et du « Traité du Toasteur ».
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Parmi les premiers, Marco Polo a fait en 1298 dans son Livre des Merveilles une description des plus justes du Pamir, le Toit du Monde au Tadjikistan : « Si vous allez du côté de l’Orient, il vous faudra monter pendant trois jours jusqu’à ce que vous soyez parvenus sur une montagne, la plus haute qui soit dans le monde. Il y a une grande quantité de bêtes sauvages. Surtout on y trouve des béliers sauvages d’une grandeur extraordinaire et dotés de longues cornes dont on fait diverses sortes de vases. Cette plaine continue douze journées de chemin : elle s’appelle Pamir. Si vous avancez plus avant, vous trouvez un désert inhabité. C’est pourquoi les voyageurs sont obligés de porter des provisions. On ne voit point d’oiseaux en ce désert, à cause de la rigueur du froid, et que le terrain est trop élevé, et qu’il ne peut donner aucune pâture aux animaux. Si on allume du feu dans ce désert, il n’est ni si vigoureux, ni si efficace que dans les lieux plus bas, à cause de l’extrême froidure de l’air… »

Pour autant, rares sont les Tadjikes qui connaissent Marco Polo. Ici on connaît LE Marco Polo, ou plus précisément selon cette loi systématique de transformation du A en O et inversement, LE et LA Marca Pala. Il s’agit précisément de ce bélier sauvage d’une grandeur extraordinaire et doté de longues cornes décrit par Marco Polo. D’abord appelé en latin « Ovis Poli » (le mouton de Polo) puis plus simplement Marco Polo en italien Tadjikisé. Ce qui explique lecture un peu différente ici du Livre des merveilles, la merveille étant cette faculté pour un bélier de voyager et de discuter avec Le Grand Khan. Ce bélier a des cornes gigantesques, crénelées , blanchâtres et doublement recourbées. La race en  est maintenant protégée, régulée, mesures nécessaires pour empêcher une disparition initialement programmée. Seules les cornes de vieux animaux morts naturellement peuvent être travaillées par des artisans locaux. La chasse est toujours autorisée mais sévèrement réglementée. Chaque chasseur a droit à trois balles à 5000 $ l’unité avec en plus, des frais de transport, de guides et de nourriture conséquents. Cela n’empêche pas ces photos de chasseurs, en très grande majorité Américains, aussi satisfaits que bedonnants, accroupis à côté de la proie abattue avec une plaie sanguinolente. La photo est dérangeante. C’est une nouvelle illustration de la mondialisation, dans ses aspects les plus négatifs : commerce de la mort, démonstration d’une esbroufe de riches dans l’une des régions les plus pauvres du monde.

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Mais c’est aussi l’expression d’une vérité dérangeante : l’homme est un chasseur, un prédateur, et le restera. Ce peut même être souhaitable dans nos contrées, par exemple lorsqu’il est nécessaire de lutter contre la prolifération d’animaux comme les sangliers. Nous sommes aussi dans un monde de carnivores, ne l’oublions pas. Les herbivores pavanent, palabrent, s’étiolent et s’éteignent. Ils veulent montrer l’exemple et révèlent leurs faiblesses. Ils invoquent l’urgence, défendent les centrales à charbon, préfèrent la voiture au train, puis se rendorment. Ils prônent des valeurs qu’ils sont suffisamment avisés de ne pas respecter, au risque de se faire taxer d’hypocrisie. Les Ukrainiens, eux, ne sont pas herbivores. Heureusement pour eux, heureusement pour nous!

Dans le rude Pamir, l’important est que le Marco Polo survive et continue d’étonner les rares visiteurs, dont les fusils seraient progressivement remplacés par des appareils photo. Et le soir autour  des feux de camp, les chasseurs d’images se narreraient leurs épopées en se réchauffant d’une rasade de la meilleure vodka tadjike, LA Marco Polo.

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