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Chiffres de la construction : tant va la cruche à l’eau...
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Mauvaise nouvelle

Selon les chiffres du gouvernement dévoilés ce matin concernant la construction de logements neufs ces derniers mois, seulement 115.500 permis de construire ont été accordés entre mai et juillet 2019, soit un déclin de 4,1% par rapport à l'an dernier.

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux est le président de l'Institut du Management des Services Immobiliers.

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Comment juger de la pertinence et de la qualité d’une politique du logement ? Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, on sent bien que son aptitude à moins investir, assimilée à la compétence de moins dépenser, est un atout apprécié : en deux ans de finances, l’exécutif aura rogné de l’ordre de 2 milliards sur l’allocation budgétaire du logement, sabrant dans les aides personnelles comme dans les aides financières et fiscales. On mesure aussi qu’un ministre doit réformer, à en oublier que certains choix fonctionnaient et avaient fait leurs preuves. Au début, on a également eu l’impression qu’un ministre devait se méfier des corps intermédiaires, perçus comme de dangereux influenceurs à la solde d’intérêts catégoriels, dût-on se priver de précieux capteurs posés sur le réel.

Il reste que tous les ministres en charge du logement ont toujours été appréciés sur leurs résultats en matière de construction neuve. Pourquoi ? Lubie ? Erreur ? Non : répondre aux besoins passe évidemment par l’abondement de l’offre et par voie de conséquence par la production et l’augmentation du parc résidentiel. Certes, le critère quantitatif ne suffit pas : il est nécessaire de construire là où les ménages veulent vivre, avec des prix accessibles à la majorité, et en apportant des réponses différenciées selon les populations, des plus démunis aux plus aisés. En tout cas, la toise du nombre d’unités de logement programmés -les permis de construire et les mises en chantier effective- et de logements bâtis et commercialisés -les mises en vente- est majeure. Force est de constater que les pouvoirs publics du moment ont échoué et lourdement échoué selon ce critère : les contreperformances viennent d’être mises au jour par le gouvernement lui-même : les ventes ont baissé de près de 15% par rapport à 2018, les maisons individuelles accusant même une chute de plus de 33%.

On pourrait espérer que, passé le traumatisme de voir en décembre 2017 le prêt à taux zéro, le dispositif Pinel et les aides personnelles réduites, les promoteurs et les constructeurs repartiraient d’un bon pied et relanceraient la machine : rien de tout cela et les indicateurs avancés ne rachètent pas les indicateurs instantanés d’activité commerciale. Le ministère de la ville et du logement rend publics ce matin des chiffres bien sombres, historiquement sombres : une chute de 8,6% des permis de construire en un an et de 4,5% pour les mises en chantier. Qui plus est, ces moyennes cachent une disparité importante, avec des régions qui accusent une baisse plus importante encore de la production...et où les besoins sont considérables : le -17,5% de PACA est terrible, comme le -11,7% en Auvergne-Rhône Alpes, le -8,4% de l’Occitanie et le -9,2% en Ile-de-France.

L’heure de l’étiologie et du diagnostic a sonné. L’exercice est malheureusement facile : le gouvernement et la majorité parlementaire ont mis la charrue avant les bœufs. Les aides de toutes sortes n’ont été concédées depuis trente ans que parce que la cherté croissante des terrains, le poids des normes, l’incurie de l’aménagement du territoire et la concentration de l’attractivité dans les seules métropoles ont fini par creuser un fossé béant entre les prix de sortie des logements et la solvabilité des ménages. On est même parvenu à ce résultat peu glorieux qu’au cours des douze derniers mois le prix du neuf ait cru en moyenne plus que le prix de l’existant, dont les dérèglements sont patents, avec des surchauffes douloureuses dans toutes les grandes agglomérations. Commencer par retirer les calmants sans traiter les causes est criminel et le crime a été commis. Le gouvernement vient ainsi tout juste de missionner un député, Jean-Luc Lagleize, pour proposer des dispositions de nature à faire baisser le prix des terrains. La loi ELAN vient d’être promulguée, qui pose le principe d’une simplification des normes de construction et apporte tant d’autres mesures pour faciliter l’acte de produire des logements.

Et puis il y a la dégradation des relations entre l’État et les maires, ces élus qui délivrent les autorisations de construire et qui le font beaucoup moins depuis que la promesse électorale -d’un bon rapport...- de supprimer la taxe d’habitation les a privés de 34% de leurs ressources. On lit qu’une fois de plus les candidats au renouvellement de leur mandat municipal, un an avant l’échéance, auraient commencé à ne plus signer de permis de construire : un maire bâtisseur serait un maire potentiellement battu, tenu responsable de bouleverser les grands équilibres de sa commune. Le problème est que cette fois l’anticipation aura été de deux années, pour preuve qu’elle a puisé ses causes ailleurs. Cet ailleurs est l’espace de mésestime que l’État macronien a créé avec les maires. Ils ne savent toujours pas comment la privation de près de 30 milliards due à la fin de la taxe d’habitation sera compensée ni à quelle hauteur. Ce n’est pas tout ! Les maires ont été stigmatisés pour leurs indemnités, et parmi eux ceux des petites et moyenne communes entre tous. Le débat de la loi ELAN a encore remis sur le tapis la confiscation des prérogatives urbanistiques, au profit de l’intercommunalité mais aussi au profit des préfets, qui sauraient sans doute mieux ce qui est bon pour la population. Enfin, la réforme autoritaire du mouvement HLM a affecté les élus municipaux, qui pour beaucoup participent à la gouvernance des offices publics locaux.

On entend que le Président de la République, dans un élan de profonde contrition, irait cette année au Congrès des maires. On a compris aussi que la nomination de Jacqueline Gourault au portefeuille de ministre en charge des collectivités locales était tactique : cette ancienne sénatrice du Cher entretient avec les élus des relations empreintes à la fois de compétence et d’affection. Il était temps.

Les chiffres de la construction n’étonnent aucun observateur avisé du secteur du logement. Les acteurs avaient prévenu et ils n’ont pas été entendus, parce qu’ils n’ont pas été écoutés. Le pire serait que le gouvernement s’entête et que le projet de loi de finances pour 2020 poursuive le travail de sape sans discernement engagé en 2017. Le pire serait que le retour de flamme pour les maires fût feint et qu’ils s’aperçoivent à la fin que l’exécutif, constitué de femmes et d’hommes jamais élus pour la plupart, ne les aime pas vraiment et qu’au fond on assiste à une palinodie qui ne dit pas son nom sur la décentralisation. Il serait salutaire en revanche qu’Emmanuel Macron, par calcul ou par vertu, se dise qu’il est en train d’hypothéquer la fin de son mandat, sur laquelle il sera jugé plus que sur le début, en se privant du soutien de l’activité du logement, génératrice d’emplois et de satisfaction pour les ménages électeurs. On sait déjà qu’un permis de construire qui n’est pas délivré ce mois-ci, c’est un logement qui ne sera pas livré dans les trois à cinq années qui suivent... Il est peut-être déjà trop tard, mais l’opinion apprécierait le repentir et le mettrait au crédit du Président. Persévérer dans l’erreur ne pardonnerait en tout cas pas au plan politique.

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