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Cette souveraineté industrielle que l’Union européenne laisse s’effriter face aux assauts
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bouclier européen

Les Etats-Unis veulent acheter une partie de notre industrie de défense, la Chine veut le contrôle de la 5G en Europe… Les prédateurs se multiplient. L’Europe ne se soucie pas suffisamment de sa souveraineté industrielle.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Atlantico.fr : Les USA veulent acheter une partie de notre industrie de défense (Photonis et Latécoère), les sanctions du DOJ américain continuent à l'encontre de nos géants (après Areva, c'est au tour de Airbus de payer un lourd tribut). Dans le même temps, la Chine veut le contrôle de la 5G en Europe, au risque une nouvelle fois, de sanctions américaineS tandis que l'arrivée prochaine des Nouvelles Routes de la Soie promet de bouleverser le marché européen. Côté armement, après l'Italie, la Belgique et les Pays-Bas, la Pologne vient d'acheter des avions de combats américains, sans considérer d'offre européenne et notamment française. 

Les prédateurs semblent se multiplier : L’Europe ne se soucie-t-elle pas suffisamment de sa souveraineté industrielle ? 

Les Arvernes : Le principe même de souveraineté est contraire à l’ADN de la construction européenne. La colonne vertébrale de la construction c’est le « doux commerce » au sens de Montesquieu. Pour l’Union européenne, il n’a longtemps été pas de concurrents ou de rivaux : seuls des partenaires commerciaux qui s’ignorent. C’est la raison pour laquelle elle a toujours été profondément libre-échangiste, et a enchainé les erreurs, la première, emboitant le pas à l’Amérique de Bill Clinton, étant de laisser entrer la Chine dans l’OMC à des conditions trop favorables pour cette dernière.

Bien sûr, elle commence à changer, sous deux réalités qui la dérangent, et après laquelle elle court. La première réalité, c’est le renfermement du monde, le retour des frontières, la remise en avant des intérêts nationaux, dont la politique de Donald Trump est une manifestation spectaculaire. La seconde, c’est que l’Europe, selon le mot de Montalembert, conçoit le libéralisme comme celui du « renard libre dans le poulailler libre ». Il est très facile d’être libre échangiste quand on est le plus fort. Maintenant que dans le poulailler l’Europe s’aperçoit qu’il y a un dragon chinois, un tigre indien etc. elle se préoccupe tout d’un coup de se défendre. En ce sens, la résurgence de la souveraineté industrielle est d’abord la prise de conscience de la fragilité industrielle d’une Union européenne qui s’est trompée sur la réalité des relations économiques et politiques internationales.

La création d'un géant des batteries franco-allemand peut-elle être le point de départ d'une souveraineté retrouvée ? 

Le projet est politique au moins autant qu’économique. Sa symbolique n’est pas à sous-estimer.

Cela dit, quand l’on regarde de plus près, le sujet pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Quelles ressources, sachant que l’Europe ne dispose pas de lithium ou de cobalt sécurisé, tout étant aux mains des chinois ? Quelle compétitivité, sachant que, là encore, les chinois produisent environ 75% du marché avec des prix sur lesquels l’Europe ne pourra pas s’aligner, à part quelques marchés de niche ? Quelle gouvernance, la seule entreprise qui tienne vraiment la route étant SAFT (Groupe Total), l’Allemagne, très en retard, acceptera-t-elle un rôle de second rang ? On peut en douter quand on voit la mauvaise volonté mise Outre-Rhin pour ce qui concerne le futur avion de combat SCAF, alors même qu’il est politiquement acté que la France (et donc Dassault Aviation) est tête de file. Etc.

L'Europe est-elle vouée à rester coincée entre Est et Ouest ? 

Les notions d’Est et Ouest européens pourraient faire penser qu’il existe un bloc d’intérêts ou de perception des enjeux à l’Ouest, un autre à l’Est. Ce n’est que partiellement vrai.

Il est vrai qu’en matière de défense, et donc d’industrie de défense et d’achat de matériel, l’Est européen, n’en déplaise à Paris, ne conçoit pas sa sécurité hors de l’Otan, donc des Etats-Unis. L’achat récent d’avions de chasse F35 par la Pologne n’est, exemple parmi d’autre, que le dernier avatar d’une habitude bien prise de la part de polonais.


Cela dit, l’idée qu’il existerait un « bloc de l’Ouest » ne résiste pas à l’analyse. Sur le plan militaire, rappelons que la Belgique a – de fait - récemment écarté le Rafale de la compétition pour la modernisation de sa flotte de combat aérien. Le fait majeur dans le domaine militaire, c’est que l’Europe de la défense que Paris entrevoit est une ineptie pour la plupart de ses partenaires, y compris l’Allemagne. Sur un plan économique plus global, parler de division Est/ Ouest, c’est faire bon marché du fait que l’Allemagne a progressivement reconstitué une Mitteuleuropa en délocalisant massivement ses industries dans les ex pays de l’Est.

La France a-t-elle les moyens d'être le moteur de l'Europe en matière de souveraineté industrielle ? 

Si la France veut être le moteur de quoi que ce soit en Europe, qu’elle commence à se réformer elle-même. Quand on a 80% de l’ensemble du déficit budgétaire cumulé de la zone euro en 2019, quand on n’est pas capable de fixer l’âge de la retraite à 64 ans alors que beaucoup de nos partenaires sont à 67 ans, quand on a un l’un des taux de chômage les plus élevés, quand on a un déficit chronique de son commerce extérieur, on n’est pas en position de proposer quoi que ce soit avec l’espoir d’être écouté.

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