Cette nouvelle loi iranienne qui s’appuie sur la technologie pour lutter contre les rebelles du voile<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Une femme passe devant une peinture murale représentant le drapeau national iranien et l'emblème national en son centre, dans une rue de Téhéran, le 14 février 2024.
Une femme passe devant une peinture murale représentant le drapeau national iranien et l'emblème national en son centre, dans une rue de Téhéran, le 14 février 2024.
©

Techno-mollahs

Les caméras de surveillance sont installées partout, notamment dans les rues ou dans les espaces fermés comme les centres commerciaux et les logiciels assez performants sont utilisés pour repérer et identifier les femmes non-voilées.

Saeed  Paivandi

Saeed Paivandi

Saeed Paivandi est professeur en sciences de l'éducation à l'Université de Lorraine (Nancy-II).

Il est co-auteur du livre intitulé "Les étudiants étrangers en France" (Documentation française, 2008).

Voir la bio »

Atlantico : L'utilisation de moyens techniques tels que la reconnaissance faciale démontre la volonté des régimes autoritaires tels que l'Iran de conserver leur pouvoir. Jusqu'où sont-ils prêts à aller pour atteindre ce but ? 

Saeed Paivandi : Depuis l’avènement de la République Islamique en 1979, le voile islamique, devenu obligatoire, constitue un symbole puissant en Iran. Pour le pouvoir islamiste, le voile pour les femmes a une signification identitaire essentielle qui représente l’ordre religieux et l’autorité d’un Etat théocratique en Iran. Le mouvement de contestation contre le voile obligatoire, les restrictions vestimentaires et les pratiques répressives de la police de la moralité qui a secoué l’Iran en 2022 et en 2023 a donné une dimension politique inédite à cette question. Depuis, on constate le développement d’un mouvement de désobéissance civique largement suivi par les femmes qui retirent leur voile dans l’espace publique et défient ouvertement l’ordre religieux. Afin d’endiguer cette désobéissance civique grandissante, la République islamique a mobilisé tous les moyens de répression sans réussir à atteindre son objectif. L’espace public est ainsi devenu un champ de bataille ouvert entre les femmes rebelles qui transgressent la loi sur le voile obligatoire et un Etat prisonnier d’une vision théocratique et figée, incapable d'être flexible et de comprendre les mutations culturelles de la société, et qui est prêt à tout faire pour imposer un ordre religieux à sa population.

Les mesures comme la vidéo surveillance sont-elles réellement efficaces ? 

Oui, ces mesures sont relativement bien efficaces dans les lieux publics, en particulier à Téhéran et dans les grandes villes. Les caméras de surveillance sont installées partout, notamment dans les rues ou dans les espaces fermés comme les centres commerciaux et les logiciels assez performants sont utilisés pour repérer et identifier les femmes non-voilées. Selon la loi adoptée par le parlement, les véhicules dont la conductrice ou la passagère ne porte pas de hijab ou porte des vêtements inappropriés se verra infliger une amende. Ce sont les caméras de surveillance qui repèrent souvent ces conductrices non-voilées. En surveillant l’espace public, les autorités prennent aussi une série de mesures de rétorsion, allant de la fermeture de commerces, notamment de restaurants. La surveillance concerne aussi l’espace virtuel et les femmes non-voilées repérées subissent des sanctions financières pour la « promotion de la nudité » dans les médias et sur les réseaux sociaux. Cependant, les femmes ont appris à jouer au chat et à la souris aussi bien avec les brigades de mœurs qu’avec les caméras de surveillance.

De facto, la contestation en Iran est-elle devenue impossible ou au moins beaucoup plus difficile ? 

L’Etat islamique n’est pas en mesure de surveiller tout le monde et partout. Les crises multiples qui traversent le pays ne cessent d’alimenter la colère populaire contre un gouvernement, largement discrédité et contesté, voire détesté par une grande partie de sa population. Les jeunes ont une haine immense envers la République islamique, devenue le royaume des interdits et l’expérience montre que la contestation se réinvente chaque fois pour échapper à la répression étatique. La colère profonde et les différents types de mécontentements sont devenus une structure traversant toute la société et qui a une fonction de reproduction. On vit dans une société connectée qui s’approprie de l’espace virtuel pour s’informer, diffuser, communiquer, se parler, divulguer, contester. Malgré les tentatives pour bloquer les réseaux sociaux, des dizaines de millions de personnes continuent de trouver des moyens d'y accéder via des VPN et d'autres méthodes de contournement.

Ces méthodes sont-elles aussi utilisées dans les autres régimes autoritaires ? 

L’Iran s’inspire des méthodes de surveillance, développées en Chine, en Russie, en Corée du Nord ou ailleurs. Ces méthodes et les outils mobilisés par ces régimes non-démocratiques se ressemblent même si la manière de surveiller et de punir varie selon le domaine. Par exemple, pour la répression contre les organisations politiques, les activistes ou les défenseurs des droits de l’homme, vous pouvez constater beaucoup de similitudes entre l’Iran et la Russie. Pour imposer une surveillance optimale de la population, l’Iran est comparable à un pays comme la Chine. Il existe belle et bien une internationale des systèmes autoritaires qui collaborent les uns avec les autres pour surveiller, répandre de nouvelles formes de contrôle et de répression et repousser les revendications démocratiques.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !