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Ces voitures électriques dont tout le monde parle mais que si peu de gens achètent
©JOEL SAGET / AFP

Véhicules du futur ?

Alors que sur les 9 premiers mois 2019, le marché de la voiture électrique s’était accru de 20%, depuis septembre il marque le pas avec une baisse très nette de 10% sur les derniers mois de l’année selon l'IFP-Energies Nouvelles.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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Comment comprendre ce décalage entre une société de plus en plus écologique, et la désertion face à des « green technologies » dès que l’État arrête de les subventionner ? 

Philippe Charlez : On ne peut pas parler de désertion : la vente des voitures électriques a simplement marqué le pas au cours des derniers mois de l’année et ce au sein d’un marché global lui aussi en recul. Les technologies de mobilité verte (voiture électrique et ou à hydrogène) sont et seront toujours intrinsèquement plus chères que les technologies de « mobilité brune » (pétrole). D’une part, elles utilisent des équipements supplémentaires coûteux (les batteries pour les voitures électriques, les piles à combustible pour les voitures à hydrogène) qui représentent une partie très importante de leur coût. D’autre part, la filière électrique n’a pas la maturité économique de la filière thermique: les voitures électriques ne représentaient en 2019 que 0,5% du parc mondial des véhicules. Il y a donc un effet de taille qui joue en défaveur des mobilités vertes. Leur montée en puissance doit donc reposer soit sur la subvention d’Etat soit sur la mise en œuvre d’une taxe carbone compensant le déficit de compétitivité. On a vu lors de l’épisode des gilets jaunes de 2018 la difficulté de mettre en œuvre une telle taxe. Au niveau international et même européen son homogénéisation s’avère impossible chacun craignant de pénaliser son propre marché intérieur. Pérenniser l’aide directe me paraît donc aujourd’hui la seule possibilité pour soutenir la filière. Enfin, les batteries et les piles à combustible sont très dépendantes des terres rares et semi rares qui sont très mal distribuées sur la planète. L’augmentation exponentielle des cours du cobalt et du lithium impactant le coût des batteries n’est certainement pas étrangère à cette stagnation de la demande.

Y-a-t-il un décalage entre les ambitions écologiques de la population et son application pratique ?

Chacun veut contribuer à la transition écologique en réduisant ses émissions et c’est évidemment une très bonne chose. Cela passe notamment en termes de mobilité par la substitution de sa voiture thermique par une voiture électrique. Mais, chacun se rend aussi bien compte des limites de la mobilité verte. Une voiture électrique est qu’on le veuille ou non cadrée pour un usage exclusivement urbain : long temps de charge et faible autonomie. Même si certains s’y risquent, il est illusoire de généraliser le modèle Tesla à l’ensemble du parc : une voiture électrique qui se recharge en 5 minutes pour effectuer 600 km est et restera une voiture de luxe destinée à une population ciblée de quelques privilégiés. Une généralisation de ce modèle conduirait à des demandes en puissance électrique tout à fait irréalistes. Je pense donc que la voiture thermique basse consommation (des marges importantes de réduction de la consommation subsistent) se positionnera comme la routière du futur. Cela impliquerait donc deux voitures : une électrique pour la ville et une thermique pour les grandes distances. Il y a donc effectivement un décalage entre ambitions écologiques et application pratique

Quel est l'avenir de la voiture électrique ? Est-ce aussi alarmant que cela ? Qu'en est-il en France ?

Cette chute des ventes n’a rien d’alarmant. Il s’agit toutefois d’un signal faible qu’il faut analyser objectivement. Comme précisé dans la question précédente, l’avenir de la voiture électrique c’est clairement la mobilité urbaine. Il faut que les Pouvoirs Publics l’admettent sans ambiguïté et évitent de laisser croire au consommateur que la voiture électrique peut être généralisée à tous les parcours. En agissant de la sorte, on trompe les consommateurs mais on envoie aussi de faux messages aux constructeurs qui n’orientent pas correctement leurs travaux de R&D. En France Peugeot l’a très bien compris alors que Renault qui a une stratégie toute électrique fait à mon avis fausse route. Les subventions doivent donc se concentrer en priorité sur l’urbain c'est-à-dire sur des petites voitures électriques long temps de charge et faible autonomie. Mais comme souvent la loi est aberrante. Ainsi en France, un foyer dont le revenu fiscal est supérieur à 13 984 euros se voit accorder une première prime de 2 500 € pour la mise à la casse de son véhicule diesel plus une prime de 6000 euros  pour l’achat d’une Tesla  neuve de 60000 euros. Soit un bonus écologique cumulé de 8 500 €. Subventionner l’achat d’une Tesla est aberrant un peu comme si durant les années 70 on avait subventionné l’achat d’une Porsche ou d’une Ferrari!

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