Ces galaxies qui n’ont pas d’étoiles<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
Les galaxies « sans » étoiles semblent plus nombreuses que celles qui en ont, ce qui soulève une série de questions.
Les galaxies « sans » étoiles semblent plus nombreuses que celles qui en ont, ce qui soulève une série de questions.
©RONALDO SCHEMIDT / AFP

"Nube"

Des scientifiques ont récemment annoncé qu’ils avaient découvert la galaxie la plus sombre jamais vue mais sans la moindre étoile à discerner.

Anna Alter

Anna Alter

Anna Alter est journaliste et écrivain. Docteur en astrophysique, elle a été journaliste à Science et Vie, à l'Evènement du jeudi, grand reporter à Marianne et rédactrice en chef adjointe de La Recherche. 

Voir la bio »

Atlantico : Des scientifiques ont récemment annoncé qu’ils avaient découvert la galaxie la plus sombre jamais vue mais sans la moindre étoile à discerner. Un groupe d’astronomes espagnols, de l’Institut d’astrophysique des îles Canaries, a aussi découvert une autre galaxie presque sans étoiles qu’ils ont appelée Nube. Quelles sont les spécificités de ces galaxies qui n’ont pas d’étoiles ? Comment expliquer que les étoiles soient si difficilement visibles dans de tels environnements ?

Anna Alter : Pour une surprise de début d’année, c’est une surprise et elle est bonne celle-là… En braquant le radiotélescope de Greenbank dans une direction inopinée, une équipe internationale est tombée sur un disque géant de matière tournant sur lui-même qui ressemble de loin par bien des aspects à notre Voie lactée, à une grosse différence près : notre galaxie est truffée d’étoiles brillantes, alors que ce disque géant découvert par accident n’en abrite pas, du moins en apparence. On ne sait pas ce que cet obscur objet céleste a fabriqué depuis sa formation, en tout cas bien qu’il contienne la matière première nécessaire, à savoir de l‘hydrogène à gogo, il paraît à première vue très sombre, comme s’il avait manquait d’énergie ou avait été empêché de suivre le cheminement classique qui conduit des disques de sa taille à allumer des étoiles à tire larigot…Notre Voie lactée aux dernières estimations en contient entre  100 et 400 milliards, dont le Soleil, une fourchette large parce que nous nous trouvons à l’intérieur, un peu sur le bord, des conditions qui en dépit de la proximité ne sont pas idéales étant donné leur nombre pour les compter autrement qu’à  la louche…Il est trop tôt pour se prononcer sur le cas de J0613+52, références du nouveau disque qui n’a pas encore de nom, mais n’est pas le premier de son style. Depuis les années 1980, grâce aux progrès des moyens d’observation, les astronomes ont commencé à voir des « galaxies fantômes » qu’on appelle aussi à faible brillance de surface. Moins lumineuses que le noir profond du fond du ciel, elles n’apparaissent qu’après de très longs temps de pose et un traitement de cheval pour les faire ressortir du bruit de l’Univers. Ces planquées peuvent contenir de très grandes quantités de gaz comme l’indique les ondes radios qu’elles émettent et sont caractéristiques de la présence de quantités phénoménales d’hydrogène. La semaine où les chercheurs de l’observatoire Green Bank ont mis la main ou plutôt les « yeux » par hasard sur ce disque sombre, des Espagnols de l’Institut d’astrophysique des îles Canaries en ont trouvé un autre, qu’ils ont immédiatement baptisé Nube ("nuage" en français). Les galaxies « sans » semblent plus nombreuses que celles qui en ont, ce qui soulève une série de questions. Qu’est ce qui a freiné leur évolution ?  Pour quel motif ont elles été privées d’étoiles ? Et si elles en ont eu à leurs débuts, comment se fait-il qu’elles se sont toutes éteintes en même temps ? Quand ont-elles basculé du coté obscur ?                                                                           

Ces galaxies sont-elles faciles à observer pour les scientifiques ?

Evidemment non, pour la simple raison qu’elles sont invisibles. Autrement dit ces galaxies fantômes n’émettent aucune lumière visible, elle ne se font faire voir que par l’effet qu’elles produisent sur leur entourage et par leurs émissions radio comme je l’ai dit plus haut. En général les astronomes les trouvent dans le voisinage d’un objet céleste qu’ils étudient, souvent par hasard. Cette fois c’est une erreur de pointage qui a permis de débusquer J0613+52. Depuis vingt ans une équipe internationale chasse les galaxies fantômes à l’observatoire de Green Bank mais pour une raison inconnue, les astronomes aux mannettes au lieu de braquer le télescope dans la direction d’une cible  préétablie se sont trompés de coordonnées et ont découvert par erreur un disque relativement proche de nous qui tourne sur lui-même à 200 km/ s…

Qu’est-ce que l’étude des galaxies sombres nous apprend sur la formation et l’évolution des galaxies ou de la Voie Lactée ? 

Il est un peu trop tôt pour le dire. Les astrophysiciens doutent que J0613+52 soit aussi sombre qu’il n’y paraît. Ils doivent encore le scruter de près, enfin façon de parler, il se trouve à 270 millions d’années-lumière ce qui à l’échelle de l’Univers n’est pas beaucoup mais quand même. Maintenant qu’il a été débusqué, les observateurs vont l’étudier en profondeur, à différentes  longueurs d’onde. « Seules des images profondes nous pourraient nous permettre d’estimer combien d’étoiles contient cette galaxie, ou d’en donner une limite supérieure précise. Nous sommes en train d’organiser des observations  avec un télescope optique français en ce sens » explique un radioastronome de l’observatoire de Paris qui participe à la traque. Il est aussi prévu de l’écouter avec les 27 antennes du Very large Array, un interféromètre radio qui est installé au Nouveau Mexique.

Ces galaxies sans étoiles permettent-elles d’en apprendre plus sur la matière noire, sur l’énergie noire ?

Certains astrophysiciens imaginent que les galaxies faiblement lumineuses sont très nombreuses, voire majoritaires dans l’Univers. Ils broient du noir, ils savent que ce qu’ils ont étudié jusqu’à présent ne représente qu’une petite partie de l’ensemble du ciel, l’essentiel est invisible à leurs yeux et à leurs télescopes… Etoiles et galaxies plus ou moins brillantes ne forment que la minorité visible, à peine 5%, la majorité silencieuse est constituée par ce qu’on appelle la matière noire qui, n’étant pas faite d’atomes ordinaires, ne se manifeste que par son action de masse et d’une  énergie sombre qui au lieu d’attirer repousse…Un énorme mystère que les disques sans étoiles en comblant des vides pourraient au moins partiellement aider à résoudre…Il faut juste arriver à les compter et ce n’est pas toute de suite, patience dans l’azur aurait dit mon ami Hubert Reeves qui dans son premier livre sous ce titre contait l’évolution cosmique ou ce qu’on en savait à l’époque. Dix jours avant de nous quitter pour toujours le vendredi 13 octobre 2023, il m’avait confié « Il y a vraiment des choses qui nous dépassent ».

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !