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Ces faillites qui détermineront bien plus le monde de demain que tous les Grenelle sur un nouvel avenir...
©Francois Mori / POOL / AFP

Production relocalisée

Jean-Yves Archer évoque les conséquences de la crise sanitaire du coronavirus sur l'économie mondiale et sur l'industrie en France. Cette crise, cette récession est un révélateur de la dépendance à la Chine. Le rapatriement de certaines productions aura un impact sur le consommateur.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Au départ, un virus d'un nouveau type a totalement perturbé l'économie chinoise suite au confinement de millions de travailleurs qu'il a imposé. Cela a rapidement entraîné un choc d'offre car nombre d'éléments indispensables à l'assemblage final en Occident ne parvenaient plus de " l'usine du monde " qu'est devenue la Chine en moins de 20 ans. Dans une deuxième phase, la méfiance des consommateurs ( voir le taux d'épargne dit de précaution ) a fait progressivement caler la demande. Nous sommes en présence d'un double choc simultané qui a induit un choc boursier du fait de la méfiance des opérateurs.

Même s'il n'est pas acquis que nous ayons franchi le pic de l'épidémie et que la prudence s'impose, il est légitime de s'interroger sur le " monde d'après " non pas comme certains politiciens en mal de notoriété ( propos de Yannick Jadot ) mais sous l'angle de la micro-économie.

La crise muée en récession sans précédent est un révélateur de notre sino-dépendance et la logique ( le bon sens ? ) voudrait que nous décidions de rapatrier certaines productions, au moins les plus sensibles sinon stratégiques.

Si l'intention est louable, il ne faut pas mésestimer que ceci aura un impact sur le consommateur final. Produire tel ou tel médicament générique en Haute-Marne ou dans le Vaucluse présentera nécessairement une structure de coûts supérieure à celle que peut proposer la Chine ou l'Inde voire le Vietnam.

Payer plus pour produire chez nous

D'ici 5 à 10 ans, serons-nous collectivement prêts à payer plus pour produire local ? La question économique et citoyenne est loin d'être tranchée d'autant que plusieurs études démontrent déjà que notre niveau de vie va rejoindre les chiffres du début des années 2000 en conséquence de la récession des années 2020 et 2021. Car ne nous y trompons pas, 2020 sera terrible mais 2021 sera aussi déceptive. La violence de la chute fait que nous ne rebondirons pas comme le nageur qui reprend une impulsion une fois touché le fond de la piscine. La reprise sera progressive, graduelle et saccadée. Donc plus proche d'un " W " que du fameux " V " dont certains analystes parlent comme pour engendrer une prophétie auto-réalisatrice.

Pour aller plus loin dans l'analyse, il est crucial de s'intéresser au format de notre outil de production. Dans bien des cas, les grands groupes donneurs d'ordre imposent des conditions ( prix, délais, qualité ) à leurs sous-traitants et se soucient peu de leur existence car ils sont fréquemment interchangeables via le grand jeu planétaire. 

La production en morse

Or, la récession va changer la donne en causant de multiples et regrettables faillites qui vont ainsi détricoter le maillage productif. Si les chaînes de valeur étaient pour l'heure cohérentes et continues comme une droite, elles présenteront demain la physionomie d'un texte en alphabet morse. Chaque espace correspondant à une entreprise balayée du paysage par la crise. Il faudra donc du temps pour reconstituer une structure permettant d'optimiser les productions.

Faillites et opportunistes

Au plan micro-économique, c'est une clef de voûte de notre avenir commun et un aspect peu évoqué qui doit ici être abordé. Une faillite c'est d'abord la forte probabilité d'une liquidation judiciaire, quoique des repreneurs opportunistes ne manqueront pas, ici et là, de se manifester au stade du redressement judiciaire. Dans une crise telle que celle que nous vivons, on cherchera péniblement les colombes au milieu des multiples vautours.

Mais surtout, une faillite constitue un effet domino pour les fournisseurs impayés et une dilution du savoir-faire par éparpillement de la main d'œuvre dans cette lessiveuse collective qu'est l'inscription au chômage.

Garantie d'État et aventure

L'État allemand l'a bien compris en tentant de nouer des accords de filières et en dégainant un " plan bazooka " de plus de 1.000 milliards d'Euros ( près d'un tiers du PIB ) qui vise à préserver, le plus possible, l'appareil productif. Si nous avions mis sur la table un tiers du PIB, cela représenterait 800 Mds ce qui n'est pas le format du plan du Gouvernement qui nous embarque dans le début d'une aventure avec le système de prêts garantis par l'État via BPI France qui sera, en cas de gestion bancale, notre nouveau Crédit Lyonnais de 2025 suite au possible jeu de défausse de l'appareil bancaire qui sait parfois cultiver habilement la notion d'effet d'aubaine.

Pertes du savoir-faire des compagnons et collègues, désintégration de la séquence des charnières productives, aléa moral et financements sont des questions de microéconomie. Loin des déclarations présidentielles et d'un hasardeux " quoi qu'il en coûte " non superposable au " whatever it takes " d'un avisé banquier central. Lui peut le dire car il est à la source d'une partie de la création monétaire à l'opposé d'un dirigeant qui ne peut dès lors qu' affirmer dans le vide sans annoncer, en réalité, un flot d'impôts pour après-demain. Il m'avait pourtant semblé qu'un des défis de la France était précisément le consentement à l'impôt et la maîtrise de la dépense publique.

État omniprésent et dépourvu de grille d'analyse

Au total, tout ceci démontre l'exactitude d'une pensée verbalisée par le fondateur d'AXA, Claude Bébéar, dès le siècle dernier :  " L'État écoute trop les macro-économistes et pas assez les micro-économistes " ( le 13 juin 1993, sur France 2 lors d’un passage à l’émission ” L’heure de vérité ” du regretté François-Henri de Virieu

La nouvelle division internationale du travail sera dessinée par le système capitaliste et non par des zélateurs de la dépense publique qui s'affichent depuis 2017 d'autant plus " business friendly " qu'ils ne maîtrisent qu'à la marge les tenants et aboutissants d'une exploitation industrielle ou commerciale pour mieux cacher leur penchant pour l'interventionnisme le plus rustique et le moins fécond. Il suffit de voir les étatisations rampantes de l'Unedic et des retraites pour assimiler derechef le logiciel du Chef de l'État. Là où l'Allemagne fait confiance à la banque KfW, la France agit via la Caisse des Dépôts qui est rarement en désaccord avec la Puissance publique.

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