Etudes supérieures
Ces diplômes qui rapportent vraiment. Et les autres…
Le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur en France n’a cessé d’augmenter. Les inégalités d’accès aux études supérieures et aux types de formation en fonction du niveau social sont encore très importantes. Dans une note du Conseil d'analyse économique, Gabrielle Fack et Elise Huillery proposent des solutions "pour repenser la stratégie d’investissement dans l’enseignement supérieur pour gagner en efficience et en équité".
Elise Huillery
Gabrielle Fack
Gabrielle Fack est professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et chercheur affilié à l’École d’économie de Paris (PSE), à l’Institut des politiques publiques (IPP), au Center for Economic Policy Research (CEPR) et au CESifo. Elle est titulaire d’un doctorat de PSE. Avant de rejoindre l’Université Paris-Dauphine, elle a effectué un post-doctorat à l’Université d’Harvard, a été professeur assistant à l’Université Pompeu Fabra (Barcelone) et maître de conférences à l’Université Paris 1-PanthéonSorbonne. Gabrielle Fack mène des recherches en économie publique, en particulier sur les politiques visant à réduire les inégalités d'accès au logement et à l'éducation. Elle a également travaillé sur la question du financement privé des biens publics, en particulier par la philanthropie et les incitations fiscales au don. Elle est l’auteur de nombreuses publications dans des revues internationales et a co-écrit plusieurs ouvrages, dont Biens publics, charité privée, avec Camille Landais et Alix Myczkowski aux Presses de la Rue d’Ulm, en 2018.
Atlantico : Vous avez publié pour le CEA une note, "Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace". Quels sont vos principaux constats et enseignements ?
Gabrielle Fack et Elise Huillery : Nous faisons six constats principaux :
1 - les dépenses d'enseignement supérieur ont des rendements très élevés pour les personnes qui font des études (salaires, santé, espérance de vie) et pour la société dans son ensemble (innovation, croissance, retombées fiscales). Ce sont des dépenses qui s'auto-financent sur le long terme.
2 - les coûts des formations sont très variables, d'un rapport de 1 à 4 entre la licence et les classes préparatoires et d'un rapport de 1 à 3 entre le droit et l'ingénierie, pour prendre les extrêmes.
3 - les taux de réussite dans les formations sont étroitement associées à leur coût, par exemple seuls 29% des étudiants inscrits en licence obtiennent leur diplôme en 3 ans contre 70% en DUT alors même que les profils scolaires sont assez similaires voire légèrement meilleurs à l'entrée en licence par rapport au DUT.
4 - les gains salariaux associés aux études supérieures n'ont pas baissé depuis les années 1990 et ce malgré une importante massification de l'enseignement supérieur sur la période. Les gains relatifs aux bacheliers sont restés très stables et ce pour tous les types de formations, y compris les formations universitaires.
5 - l'accès à l'enseignement supérieur est socialement très inégal, de l'ordre de 35% chez les 10% des ménages les plus pauvres à 90% chez les 10% des ménages les plus riches.
6 - la dépense publique est très régressive, avec un investissement de moins de 10 000 euros pour les enfants issus des classes moyennes et populaires à 20 000 euros pour les enfants issus des familles les plus aisées.
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Quels sont les diplômes qui « rapportent » le plus en termes de revenus pour les diplômés ?
Les diplômes qui rapportent le plus sont les écoles d'ingénieur et les écoles de commerce, qui sont aussi les formations qui coûtent le plus cher. En termes de discipline, la catégorie "maths-ingénierie-
On observe une corrélation entre le coût des études et ce qu’elles rapportent. Comment l’analyser ?
Cette corrélation s'explique en partie car les étudiants qui ont fait des études plus coûteuses ont acquis des compétences qui les rendent plus attractifs sur le marché du travail. Investir dans des formations plus coûteuses est donc un investissement rentable.
Ce phénomène est-il de nature à aggraver les inégalités socio-économiques liées aux études supérieures en France ? A quel point sont-elles prégnantes ?
Les étudiants modestes ne peuvent pas se permettre d'investir dans les formations coûteuses et longues car les ressources familiales ne le permettent pas et que les emprunts étudiants sont rares et perçus comme risqués. Le coût financier n'est pas la seule barrière, s'ajoutent également des barrières informationnelles (manque de connaissances sur les formations, leur coût, les salaires de sortie et les taux d'insertion professionnels) et psychologiques (manque de confiance en soi, poids des stéréotypes sociaux). Cela se traduit par une moindre proportion d'élèves souhaitant faire des études supérieures dans les classes moyennes et populaires à niveau scolaire égal, d'environ 10 points de pourcentage.
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Comment les résorber et proposer un enseignement supérieur plus juste ?
Nous faisons un ensemble de propositions : financières (augmentation des bourses et élargissements des conditions d'éligibilité, logements étudiants), informationnelles (coût de formation, critères de sélection, salaires et insertion à la sortie), psycho-sociales (accompagnement en amont de l'orientation pour lever les mécanismes d'autocensure). Tant que ces mesures ne suffisent pas, nous préconisons des quotas pour les étudiants boursiers plus volontaristes dans les filières sélectives.
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