Ce vaccin universel contre les variants du Covid que nous n’aurons pas avant 2024 alors qu’il serait possible de le développer dès 2022<!-- --> | Atlantico.fr
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Un homme âgé reçoit une dose du vaccin Pfizer-BioNtech Covid-19 dans un centre de vaccination, le 2 mars 2021
Un homme âgé reçoit une dose du vaccin Pfizer-BioNtech Covid-19 dans un centre de vaccination, le 2 mars 2021
©FRED TANNEAU / AFP

Culture de la précaution

Selon Patrick Collison, cofondateur de Fast Grants et le PDG de Stripe, nous pourrions avoir un vaccin universel contre le COVID efficace contre tous les variants dès fin 2022 aux Etats-Unis. Mais avec les complexités réglementaires et logistiques actuelles, il faudrait attendre 2024.

Edouard Hesse

Edouard Hesse

Diplômé de Sciences Po Strasbourg et l'EM Strasbourg, Édouard Hesse est chercheur associé chez GenerationLibre. Il écrit régulièrement des tribunes et recensions pour des journaux comme Slate ou Le Point.

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Atlantico : Selon Patrick Collison, cofondateur de Fast Grants et le PDG de Stripe, nous pourrions avoir un vaccin universel contre le COVID, efficace contre tous les variants, dès fin 2022 aux Etats-Unis. De quoi parle-t-on exactement ? 

Edouard Hesse : Bien que les sociétés occidentales aient dans leur majorité très grandement assoupli les règles liées à la prévention de l'épidémie du COVID et qu'il semble aux yeux d'un grand nombre de personnes que la vie ait repris son cours normal, le virus continue de circuler et de faire de grands dégâts. Au 7 juillet 2022, d'après les chiffres de Santé Publique France, 343 personnes sont mortes à l'hôpital décédées à l'hôpital en raison du COVID-19 en l'espace de 7 jours. Pour donner un point de comparaison, un peu plus de 300 personnes sont mortes d'accidents de la route sur l'ensemble du mois de Mai. Outre les morts, le virus rend un très grand nombre de personnes malades chaque jour, y compris chez les personnes immunisées, avec des symptômes souvent incapacitants.
La vaccination est un moyen extraordinaire de réduire drastiquement le nombre de cas graves de COVID, ainsi que dans une moindre mesure le nombre d'infections, tout en étant extrêmement peu invasif et minimalement attentatoire à la liberté individuelle. Néanmoins les vaccins à ARN développés en 2020 commencent à perdre leur efficacité face aux nouveaux variants du virus. Comme l'explique Patrick Collison, les entreprises Moderna et Pfizer/BioNTech travaillent actuellement sur des vaccins dits « bivalents » qui combinent les protéines de pointe du COVID originel avec celles du variant Omicron. Bien que ces nouveaux vaccins soient plus efficaces que les originaux, ils sont néanmoins 3 fois moins efficaces contre les variants actuels BA.4/5 que contre le variant Omicron original BA.1. Patrick Collison en conclut que « le COVID continuera très probablement à muter et causer des problèmes jusqu'à ce que nous créons des vaccins qui empêchent la transmission (ce qui veut probablement dire des vaccins nasaux) et des vaccins qui confèrent une meilleure immunité globale contre tous les variants du COVID-19 ».
Heureusement de nombreux groupes travaillent sur de tels vaccins universels, comme les laboratoires américains de Akiko Iwasaki à Yale, David Veesler à la University of Washington, et de Pamela Bjorkman à Caltech. Ces vaccins ont pour objectif d'enseigner au système immunitaire de reconnaître les parties de protéines de pointe du virus qui ne changent pas de variant en variant. De tels vaccins universels offriraient une bien meilleure protection face à ce virus en constante mutation. Si des efforts sont faits, ces vaccins universels pourraient être disponibles dès la fin de 2022.


Il estime néanmoins qu’avec les complexités réglementaires et logistiques actuelles, il faudrait attendre 2024. Qu’est ce qui explique ce décalage ?

Malgré des résultatsprometteurs sur des animaux non humains, l'organisation caritative Fast Grants (qui cherche à offrir des financements rapides pour la recherche sur le COVID-19) estime qu'en l'état actuel des choses ces vaccins ne seraient pas disponibles à la population générale avant 2024. 
En effet, les groupes de recherche sur ces vaccins universels font actuellement face à des contraintes qui ralentissent grandement le processus d'approbation et de production de ces derniers. Bien que les chercheurs n'aient pas besoin en principe de conduire des essais sur des primates avant de pouvoir conduire des essais sur des humains, la FDA américaine en charge de l'administration des médicaments aux Etats-Unis rend les essais sur les humains plus difficiles à conduire en leur absence. Outre ces problèmes réglementaires, les groupes de recherche font également face à des problèmes qui auraient pu être aisément évités et qui retardent encore leurs efforts. Comme l'explique Patrick Collison : 
« Les singes d'un groupe ont été retardés par les douanes américaines, ce qui va repousser le début de leurs essais sur des primates à septembre. Un autre groupe fait face à des difficultés pour obtenir les adjuvants nécessaires. De multiples groupes sont dans l'incapacité d'obtenir les vaccins mRNA actuels pour leur recherche à cause de barrières légales ».
Une fois l'ensemble des essais conduits qui démontrent la sureté et l'efficacité des nouveaux vaccins universels contre le COVID, encore faudra-t-il que les organisations aient les moyens suffisants pour les produire de manière massive. Si l'ensemble de ces problèmes d'ordre à la fois réglementaire et logistique ne sont pas résolus, cela condamnera l'humanité à devoir encore attendre au moins 2 ans et demi avant l'arrivée de cette arme extrêmement efficace contre le COVID-19.

Quelles sont les barrières qu’il faudrait faire sauter pour obtenir le vaccin universel dès la fin de 2022 ?

Tout d'abord, il s'agit d'alléger les réglementations pour les essais des vaccins sur les humains afin d'accélérer le processus. Dès lors que la sureté de base a été démontrée, les essais humains pourraient être conduits en même temps que les essais sur les primates. Il n'est également pas nécessaire de répéter les essais de Phase 1 sur les humains pour les plateformes de vaccins qui ont déjà été validées. Une annonce dans ce sens a récemment été faite par la FDA américaine.
En outre, la pratique de « challenge infectieux » pourrait être facilitée et encouragée afin d'accélérer les essais sur les humains. Ceci consisterait à exposer délibérément des volontaires sains aux derniers variants du COVID-19 dans des conditions rigoureusement contrôlées. Le gain de temps serait considérable par rapport à des essais cliniques où il faut attendre que suffisamment de volontaires des essais cliniques soient infectés par le COVID de manière accidentelle. Il y a d'autant moins de raison de s'opposer à de tels « challenge infectieux » quand un traitement efficace existe pour éviter les formes graves de COVID.
Enfin, des financements à la hauteur du défis doivent être accordés afin de permettre de développer les efforts de recherche et préparer les capacités de production de masse. L'Opération Warp Speed américaine a permis de débloquer 11 milliards de dollars pour la recherche sur le vaccin contre le COVID en avril 2020. D'après Patrick Collison, une fraction de cette somme permettrait aujourd'hui d'accélérer grandement le développement d'un vaccin universel contre le COVID-19.


Payons nous aujourd’hui le prix de mauvaises décisions de régulation et de réglementation dans le domaine de la santé et de la recherche ?

Il ne fait aucun doute que nous payons sévèrement le prix d'une culture qui met trop l'accent sur la précaution et la sureté aux dépens de toute autre considération. Un lieu commun particulièrement prévalent en France veut qu'il ne coûte rien d'être toujours plus prudent, d'imposer toujours plus de règles pour réduire ou même abolir les risques. Cette idée est toutefois gravement illusoire car l'obsession pour la sureté est en effet très coûteuse, même si ces coûts sont parfois cachés ou indirects. En Septembre 2020 la FDA américaine a imposé aux fabricants de vaccins de rallonger leurs essais cliniques de plusieurs semaines au delà de ce qui était prévu, afin de réunir plus de données sur la sureté. Ceci a retardé le déploiement des vaccins de 2 ou 3 semaines, entrainant des milliers de morts de personnes qui auraient pu être sauvées.
C'est l'angle mort de l'idéologie précautioniste, incapable de voir l'impact réel et dramatique que l'interdiction ou le retard d'innovations médicales peut avoir sur les patients. L'économiste libéral Alex Tabarrok parle de « cimetière invisible » où reposent toutes les personnes tuées par les retards causés par l'administration dans l'approbation de traitements sûrs et efficaces. Combien de personnes souffriront et mourront si les barrières réglementaires et logistiques qui ralentissent le déploiement d'un vaccin efficace contre tous les variants du COVID-19 ne sont pas abolies ?

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