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Ce qu'il faut au couple franco-allemand, c'est un nouveau projet. Et pourquoi pas l'énergie ?
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Commémoration

Selon le Traité de l'Elysée, la France et l'Allemagne devaient "étudier en commun les moyens de renforcer leur coopération dans la politique énergétique et les problèmes de communication et de transport". Pourquoi pas une agence de coopération et de développement de la zone euro à Strasbourg.

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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Parmi les secteurs du Traité de l’Elysée restés en friche, la France et l'Allemagne devaient "étudier en commun les moyens de renforcerleur coopération dans la politique énergétique et les problèmes de communication et de transport". La France et l’Allemagne ont des politiques divergentes sur le nucléaire, mais peuvent s’entendre sur un programme ambitieux d’économies d’énergie et d’énergies nouvelles, sur les infrastructures de développement durable dont le ferroutage européen et sur les programmes de communication et d’interconnexion des nouvelles technologies.

Ce processus de création de richesses rentables pourrait utiliser les facilités monétaires en adaptant l’actuel refinancement bancaire à l’économie réelle. Au lieu de prêter à 3 ans l’argent de la Banque Centrale Européenne aux banques pour leur liquidité à court terme, il s’agirait de leur prêter à 10 ans à la condition expresse de financer des projets rentables – ce que ne peut être fait par un refinancement court. Par exemple, la communauté des experts estime qu’1/3 de l’énergie utilisée pourrait être économisée avec un retour d’investissement sur 10 ans si l’argent est prêté à un taux proche de l’inflation. Il en est de même de lignes de ferroutage déjà rentables ou des programmes d’interconnexion de réseaux.

"Nous avons créé autant de fausse monnaie pour rien, en cherchant juste à gagner du temps"

Aujourd’hui la création monétaire de la BCE est du même niveau que la création monétaire de la FED aux Etats-Unis. L’Allemagne souhaitait éviter une création monétaire qui dépassât 2% l’an pour suivre l’inflation ; le résultat est fin 2012 une création monétaire multipliée par 4 en dix ans pour donner l’illusion que les problèmes des déficits structurels du Sud sont résolus – via la ’’fausse monnaie’’ de la liquidité donnée aux banques et les transferts de la Banque centrale (Target 2) –-–Cette création monétaire n’ayant pas pour contrepartie de création nouvelle de richesses dans les pays du Sud, il s’agit bien d’une illusion monétaire. Les déficits structurels du Sud subsistent, renfloués momentanément par cette politique monétaire laxiste ou par des mécanismes de solidarité. Ces mécanismes obligent le MES à aller emprunter sur le marché à 3% l’argent prêté aux banques à 1% ; sans rien régler des déficits de pays dont  on ne sait comment ils rembourseront.

Les Etats-Unis ont été plus pragmatiques. En agissant directement sur la dette des Etats et sur les obligations immobilières et des entreprises, ils sont quasiment sortis de crise alors que la zone euro continue à s’y enfoncer. Les EU – comme le montre Le bilan de la FED - ci-dessous – montre l’achat de 1000 Mds $ de dette nationale et de 1000 Mds d’obligations des agences publiques. Ils sont ainsi parvenus à contenir le taux d’intérêt de la dette publique, malgré un déficit (public et commercial) bien supérieur aux pays de la zone euro, et même des pays du Sud de la zone euro. Ils ont ainsi évité le phénomène de propagation du taux élevé de l’intérêt de dette publique, au financement bancaire (par le risque lié à la dette souveraine), celui-ci se propageant à la dette privée des entreprises et des ménages. Montrant la solvabilité US, ils sont parvenus à engager un processus de désendettement par la priorité donnée à la croissance et ont désormais des taux d’intérêt à long terme inférieurs à la croissance. En conséquence, le niveau d’investissement n’a pas baissé, la productivité a augmenté et les salaires, sans baisser, sont devenus inférieurs à ceux de la zone euro. La création monétaire focalisée sur la croissance y est pour beaucoup, elle était d’ailleurs recherchée en étant maîtrisée pour faire aussi baisser le dollar.

Nous avons créé autant de fausse monnaie pour rien, en cherchant juste à gagner du temps, en diluant les déficits par la création monétaire. Plus grave, nous avons aggravé notre possibilité de rebondir. La croissance potentielle de la zone euro est aujourd’hui de 0.5%, celle des Etats Unis est de 2.5% et celle du Royaume uni à 1.7%, « l’investissement public recule fortement depuis 2009 (de 2,8% à 2,2% du PIB de la zone euro), l'investissement productif a reculé de 15% depuis 2008, l'investissement en nouvelles technologies de 6% ».[i].

L'austérité n'a rien réglé

Nous nous croyons guéris mais l’austérité n’a rien réglé si les capacités productives ont diminué, si la recherche et l’innovation ont été sacrifiées à la rigueur, si l’équilibre des balances de paiement résulte juste de la baisse de la demande aggravant le chômage. Les capacités productives ont diminué sans régler le problème de la dette car l’insolvabilité demeure, l’intérêt de la dette étant plus élevé que la croissance qui s’effondre. L’illusion monétaire a évité le collapse financier mais le collapse social s’est rajouté avec des taux de chômage qui flirtent les 30% en Grèce ou au Portugal.

L’équilibre de la rigueur a ses limites et on ne peut s’étonner que les Français n’achètent plus, si leur fiche de paie diminue - face à l’inflation - et qu’ils continuent à épargner car les perspectives sont sombres. La France est un des pays les plus désindustrialisés de la zone euro avec un manque intra-européen de compétitivité. Avec la fiscalité sur les entreprises la plus forte du Monde, comment les entreprises françaises peuvent-elle tenir ?  Proportionnellement plus de 160 Mds € d’impôts pèsent en plus sur les entreprises françaises par rapport aux allemandes.

Aussi serait-il utile que la France et l’Allemagne, avec le soutien de l’Italie, prennent l’initiative d’une mise à niveau des économies structurellement déficitaires par la création de nouvelles richesses, par l’investissement pour aller chercher la croissance. La France est directement impliquée à la réussite d’un tel projet mais aussi l’Allemagne qui ne peut se satisfaire de l’appauvrissement de ses principaux clients dont la France qui est le premier.

L’Agence de coopération et de développement de la zone euro s’appuiera sur les grandes banques publiques -France, Allemagne, Italie pour commencer - et les acteurs privés pour préparer un Plan européen de croissance - par l’offre et l’investissement - sans casser la demande, qui portera sur :

  1. 1.  les infrastructures rentablesdont les économies d’énergie et les énergies nouvelles, le ferroutage et la mise en œuvre de fonds d’investissement adaptés à la réalisation de projets ; 
    1. 2.  le soutien au fonds propres des sociétés performantes – particulièrement au Sud - dont l’innovation et l’internationalisation peuvent permettre de tirer profit de la croissance des zones émergentes et de l’approfondissement du marché intérieur.

Plus globalement, cette structure légère de coordination et d’action :

  • Préparera techniquement les Project bonds en multipliant la capacité de garantie de projetsou d’investissements pour les pays en difficulté.
  • Proposerades projets rentables construits de manière commune pour apporter de véritables solutions aux déficits des pays de la zone euro, avec les instruments de gestion et de financement de ces projets, construits avec l’appui du secteur public et privé.
  • Négociera avec la BCE, via les Présidents des banques publiques,le financement à long terme de de ces projets. Le Sud a besoin d’un investissement de 1800 Mds € (permettant un rendement de 180 Mds/an pour compenser 180 Mds e de déficits en 2011 de sa balance des paiements).
  • Utilisera au mieux les instruments de marchépour trouver les autres financements. L’épargne financière de la zone euro est de 19.000 Mds.

Il faut que l’épargne du Nord circule à nouveau vers le Sud grâce aux projets rentables permettant de rembourser  l’emprunt. La France et l’Allemagne construiront ainsi l’Europe concrète des projets et des coopérations attendue par les citoyens tout en apportant de véritables solutions à la crise de la zone euro.



[i] Natixis Flash économie 56 : voit-on des signes de redressement de la croissance potentielle dans la zone euro ?

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