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Budget, dépenses, impôts : Bruno Le Maire veut traiter le déficit mais ne cède pas au psychodrame sur la dette extérieure
©Eric PIERMONT / AFP

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Il n'y aura donc pas de clash entre le ministre de l'économie et le président de la République. Tout le monde reconnaît le dérapage du déficit budgétaire par rapport aux prévisions, ce qui va déplaire aux agences de notation, mais la dette publique va rester très acceptable pour les marchés financiers.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La trajectoire budgétaire et de croissance a bien été présentée à Bruxelles en tenant compte du dérapage pour 2024. La croissance ne sera que de 1% en léger retrait par rapport à ce qui avait été voté dans la loi de finances (1,4 %) et la prévision de déficit budgétaire est arrêtée à 5,5 % en 2023, puis une prévision de 5,1 % en 2024 avec une promesse pour 2027 de ramener le trou du budget à 2,9 %. 

C’est donc évidemment plus mauvais que ce qu'on avait promis initialement. À priori, cette révision ne donnera pas lieu à une loi de finances rectificative comme l’aurait souhaité le ministre de l'économie puisque le président de la République ne veut pas prendre le risque d’une motion de censure à la rentrée qui pourrait entraîner une démission du gouvernement. 

Cela dit, sur le fond, il reste un vrai problème à régler, celui des mesures à prendre pour commencer à résorber le déficit budgétaire ou du moins s’assurer qu'il ne va pas s’accroître.

Donc du côté de Bercy, on va évidemment continuer à chercher des économies : on devait trouver dans l'immédiat 10 milliards... les nouveaux calculs vont obliger les fonctionnaires du budget à trouver 10 milliards de plus. En attendant, ce qu'il faudra faire pour les années suivantes... la Cour des comptes avait parlé d’une réduction obligatoire de 50 milliards d'euros. La note est lourde. Pour l'instant, chez le ministre de l'économie, on est très tenté de passer le rabot sur les dépenses sociales (protection sociale, chômage) et les dépenses publiques, notamment dans les collectivités locales.

Du côté de l'Élysée, on est plutôt partisan d’une méthode plus cool qui pourrait passer par des économies en espérant qu'elles ne mettent pas le feu à l'administration et quelques suppressions de niches fiscales, ce qui éviterait de parler de hausse d’impôts (le président a promis de ne pas en faire), en espérant que cela ne casse pas l’ambition de croissance. Il s’agit bien d’une ambition, parce que pour l’heure, le climat en Europe n’est guère propice à une reprise vigoureuse de l'activité... Et cela n'est pas la faute ni du ministre de l'économie, ni du président. La faute en revient à la géopolitique. La guerre en Ukraine plombe l'ensemble des économies européennes, sauf le secteur de la défense qui finira par être le grand et seul gagnant des turpitudes militaires de Vladimir Poutine. Si l'Amérique baisse les bras pour aider l'Ukraine, il faudra bien que les Européens se débrouillent pour protéger les valeurs portées par les démocraties libérales.

Il y a sans doute une divergence de stratégie sur la gestion budgétaire, elle n’est pas tranchée .. elle paraît politiquement gérable sans un psychodrame politique qui viendrait aggraver la situation très fragile du pays. Les élections présidentielles ne sont que dans trois ans. 

Alors le psychodrame est d’autant plus évitable que les spasmes qui découlent de l’observation de la dette publique et qui mettent la classe politique en effervescence sont disproportionnés aux yeux des spécialistes. En bref la dette ne met pas le pays en risque . Alors  la gestion des finances publiques avec ce déficit qui s’accroît va alerter les agences de notation qui peuvent évidemment dégrader la France. C’est plausible et même probable. 

Pour le gouvernement, la baisse de notation sera désagréable à digérer parce que les commentaires de la classe politique seront violents et pour le ministre de l'économie et des finances, ce sera difficile à supporter. Beaucoup dans l'opposition comme dans la majorité ne se priveront pas pour lui faire porter le chapeau. Cependant, s'il y a un débat sur les finances publiques, il n'y aura pas de psychodrame sur l’endettement . 

L’endettement  est instrumentalisé pour inquiéter l'opinion, mais il  ne préoccupe pas les marchés. Et pour de bonnes raisons. Cet endettement de la sphère publique en France est à peu près au même niveau que dans les autres pays développés. Cette dette de 3000 milliards représente 110% du PIB. L'Allemagne est certes à moins de 66%, mais tous les autres États membres de l'Union européenne ont des ratios de dette supérieurs à 100%. Ne parlons pas du Japon qui aligne plus de 250% de dette par rapport à son PIB et même les États-Unis qui battent le record du monde des pays endettés. 

La dette française est majoritairement d’une maturité très longue à un taux fixe très faible. La France en plus, est endettée en euros ce qui élimine les risques de change et plus de la moitié de cette dette a été souscrite par des non-résidents, ce qui ne pose aucun problème. Les marchés connaissent bien la situation et la France n’a aucune difficulté à souscrire ses emprunts mensuels. 

Quelques ténors de la classe politique peuvent brandir le risque de faillite, mais ils se font peur tout seuls parce que cette dette est très soutenable ; la meilleure preuve c’est que les taux proposés à la France sont au niveau des taux allemands (2,3 %) et bien inférieurs à ce que paie l'Italie (3,7 %). En clair, il n'y a pas de risques sur la dette française contrairement à l’époque où François Fillon se vivait comme le premier ministre d’un pays en difficultés. C’était vrai. Entre-temps, la France s’est endettée à nouveau mais à des taux proches de zéro.

Le problème, c’est qu'il faudra bien régler ce problème de budget parce que si on continue on va s'asphyxier avec des dépenses de fonctionnement qui débordent de partout, alors que ces financements seraient mieux employés à payer les investissements nécessaires à la transition énergétique (le programme nucléaire est considérable) et à la transition écologique et environnementale, sans parler des investissements qu'il faudra engager pour profiter de la révolution digitale avec l'intelligence artificielle qui arrive à grand pas.

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