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Brexit en hausse dans les sondages : pourquoi les Britanniques ne vivent pas la crise de l’Europe sur le même mode que nous
©Reuters

God save l’Europe

D'après un sondage YouGov publié vendredi par The Times, les partisans d'une sortie de l'Union européenne devancent de neuf points ceux qui prônent le maintien de la Grande-Bretagne au sein du bloc communautaire. C'est l'écart le plus important depuis que l'organisation en juin prochain d'un référendum sur la sortie du Royaume-Uni dans l’UE a été acté, l'été dernier.

Sophie Pedder

Sophie Pedder

Sophie Pedder est Chef du bureau de The Economist à Paris depuis 2003.

 

Elle est l'auteur de Le déni français aux éditions JC Lattès.
 

 

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Atlantico : 45% des Britanniques sont favorables à une sortie de l'Union alors que 36% disent vouloir y rester, Comment expliquer cette tendance ? Quels sont les ressorts permettant de l'expliquer ? 

Sophie Pedder : Cette volonté de vouloir la sortie de l’Union européenne est bien entendu inquiétante pour les partisans du maintien du Royaume Uni. Mais prudence oblige. Il ne faut pas juger une tendance avec un sondage. Depuis 18 mois, les résultats des sondages sont très variables. Il faut se méfier d’autant plus dès qu’ils ne sont pas fiables comme on l’a vu lors de l’élection législative l’an passé où les sondages annonçaient la veille même de l’élection des scores historiquement serrés entre conservateurs et travaillistes alors que le lendemain, les urnes révélaient une victoire nette du parti de David Cameron. Alors ne tirons pas des conclusions globales sur un résultat particulier d’un sondage. Pourtant il ne faut pas négliger le poids de la presse eurosceptique qui s’est montrée très critique depuis le préaccord conclu, mardi à Bruxelles avec Donald Tusk, le président du Conseil européen pour éviter la sortie de la Grande Bretagne de l’U.E.  Les journaux populaires conservateurs, abonnés à l’"Europe bashing" se sont donnés à cœur joie contre le Premier ministre, David Cameron. Le résultat du sondage YouGov doit être interprété aussi au regard de cette ambiance hostile dans les medias eurosceptiques à ce préaccord. Mais à mon avis, jusqu’au référendum, les résultats qui sortiront des prochains sondages seront très serrés.

Quels sont les maux de la société britannique que la population projette sur l'Union Européenne ? Où en est la population avec l'idée même d'Union Européenne ? 

L’euroscepticisme au Royaume-Uni ne date ni de la crise de la zone euro, ni de la crise des migrants, ni de la crise grecque. Ce phénomène n’est pas récent mais remonte à plusieurs décennies. En fait, l’euroscepticisme s’est installé progressivement dans les mentalités du peuple britannique depuis Margaret Thatcher. Souvenez-vous de sa déclaration au  sommet de Dublin en 1979 où la dame de fer avait lancé sa fameuse formule, "I want my money back", qui a fait le tour du monde et qui pointait le déséquilibre vécu par l’Angleterre qui payait plus qu'elle ne recevait du budget européen. Le Royaume Uni n’est pas devenu eurosceptique voire europhobe avec la crise des migrants. En revanche, le fonctionnement actuel de l’Union Européenne plongée dans cette double crise économique et migratoire, a accentué l’hostilité d'une partie des britanniques et du parti conservateur vis-à-vis de l’Europe. Par ailleurs, la situation économique de la Grande Bretagne est meilleure que dans la zone euro. Avec un taux de chômage qui a 5% est moitie moins qu'en France et une croissance économique a 2,2% doublement supérieure à la croissance française, on comprend bien que les Britanniques ne peuvent pas avoir une image très positive de l'Europe.

La population est-elle engagée dans cette campagne ? Comment en comprennent-ils les enjeux ? la question des migrants serait-elle devenue déterminante ? A quel point ?

Il est très difficile de juger de l’engagement des citoyens britanniques tant que la campagne sur le maintien ou la sortie de l’UE n’a pas encore commencé et que la date du référendum n’est pas fixée. Pour l’instant même le Premier ministre ne s’est pas encore lancé dans la campagne pour le maintien dans l’UE. Et puis, il faut surtout attendre le résultat du conseil européen du 18/19 février pour savoir si le préaccord est accepté par les partenaires européens et pour juger les compromis éventuels. Il est donc trop tôt pour se prononcer sur le degré d’implication des Britanniques dans la campagne. Par ailleurs, le débat sur le Brexit et les questions européennes ne font pas partie des priorités du moment pour le peuple anglais. Ils ne sentent pas directement concernés par l’arrivée en masse des migrants qui touche plus l’Allemagne, la Suède et les pays de l’Europe de l’est qui subissent vraiment la crise syrienne. Les Anglais sont plus préoccupés par l’immigration intra-européenne, comme celle de l’immigration polonaise, dont la population au Royaume-Uni est aujourd'hui de quelques 700,000. Depuis la crise financière en 2008 les Britanniques sont beaucoup moins favorables qu’auparavant à l’arrivée des Polonais et des gens de l’Europe de l’est. Et cette inquiétude devant cette immigration européenne explique d’ailleurs la montée du  parti populiste Ukip qui plaide pour la sortie du Royaume Uni de l’Union-Européenne.

L’éventuel passage du très populaire maire conservateur de Londres, Boris Jonhson, dans le camp du Brexit, pourrait-il convaincre les électeurs indécis de se prononcer pour le camp du "out" ?

L’évolution de cette campagne ne dépend pas d’une personnalité qui serait absolument déterminante à telle point qu’elle pourrait emporter l’adhésion d’une majorité de britannique. Trop de facteurs vont rentrer en jeux comme l’influence de la presse eurosceptique, la stratégie que vont mettre en place les acteurs politiques… Cela étant dit, il faut reconnaître que  Boris Jonhson est tellement populaire qu’il pourrait jouer un rôle important. Imaginons que le maire de Londres, lui qui est plutôt eurosceptique, décide de faire campagne pour le maintien aux cotés de David Cameron, il créera la surprise et son engagement pour le "oui" sera très important pour les britanniques  indécis qui sont encore nombreux.

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