Baisse des prix du pétrole : comment les pays exportateurs sont en train de connaître un grand bouleversement<!-- --> | Atlantico.fr
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Il y a un an, le prix du baril de pétrole était d'environ 103$. Lundi 24 août, il se fixait autour de 42$.
Il y a un an, le prix du baril de pétrole était d'environ 103$. Lundi 24 août, il se fixait autour de 42$.
©Reuters

Fonds de commerce

Le pétrole est la pierre angulaire de nombreux pays, en particulier celle des pays exportateurs qui n’ont que très peu diversifié leur économie. Il y a un an, le prix du baril de pétrole était d'environ 103$. Lundi 24 août, il se fixait autour de 42$. Pour ces pays dépendants de l’or noir, les conséquences sociales et politiques ne se font pas attendre.

Francis Perrin

Francis Perrin

Francis Perrin est directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS, Paris) et chercheur associé au Policy Center for the New South (PCNS, Rabat).

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Le pétrole est la pierre angulaire de nombreux pays, en particulier celle des pays exportateurs qui n’ont que très peu diversifié leur économie. Il y a un an, le prix du baril de pétrole était d'environ 103$. Lundi il se fixait autour de 42 $. Pour ces pays dépendants de l’or noir, des conséquences sociales et politiques ne se font pas attendre. Alors que 70% de son budget dépend du pétrole, l’Algérie a décidé de geler tous ses programmes d’investissements ce qui aura de graves conséquences sur les populations en matière d’emplois ou infrastructures par exemple. Pour la Russie, il s’agit de la plus forte contraction de son économie depuis 6 ans, et les sanctions internationales auxquelles elle doit faire face n’arrange en rien sa situation. Quant au Venezuela, dépendant à 95 % des exportations, la question d’une banqueroute se pose. Dans certaines villes d'Irak, il n'y a plus d'eau courante ni d'électricité suite à cette crise pétrolière. 

Atlantico : Les pays touchés par cette chute des prix du pétrole peuvent-ils assister à des révoltes populaires dans la rue, des soulèvements de la part de la population qui subit les conséquences de ces pertes colossales pour l’économie des pays ? 

Francis Perrin : C'est tout à fait possible malheureusement. Tous les pays producteurs et exportateurs de pétrole subissent des pertes considérables du fait de la chute des prix du pétrole brut mais, lorsqu'il s'agit de pays en développement ayant une économie très peu diversifiée et donc très dépendante du pétrole et une majeure partie de la population très pauvre, l'impact négatif peut être énorme. Un autre aspect clé est l'importance des réserves financières accumulées ou pas pendant les années de prix élevés du pétrole entre 2011 et la fin du premier semestre 2014. Les recettes pétrolières peuvent permettre d'acheter la paix sociale mais, avec un prix du Brent qui est passé de $115 par baril en juin 2014 à $43/b à présent, soit une chute de 63%, cela devient mission impossible pour de nombreux pays.

Quels sont les principaux pays touchés (de manière négative) par cette chute du prix du baril ?

Au sein de l'OPEP, le Venezuela vient immédiatement à l'esprit mais on peut aussi évoquer l'Equateur, la Libye, l'Irak ou le Nigeria et l'Angola. L'Iran subit à la fois l'impact de la chute des prix du pétrole et les sanctions occidentales même si la situation du pays devrait s'améliorer l'an prochain du fait de la mise en oeuvre de l'accord sur le programme nucléaire conclu le 14 juillet. L'Algérie a des réserves de change très importantes mais elles sont en train de diminuer rapidement puisqu'elles étaient de $160 milliards à la fin mars 2015, contre $195 milliards un an auparavant. Par contre, l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, le Koweit et le Qatar peuvent se permettre d'attendre. 

En dehors de l'OPEP, la Russie subit en quelque sorte une triple peine avec, outre la chute des cours du brut, les conséquences de cette baisse sur les prix du gaz naturel qui sont largement indexés sur ceux du brut ou des produits pétroliers (la Russie est le premier exportateur mondial de gaz) et les sanctions occidentales. Là encore, l'importance des réserves de change du pays le protège partiellement pendant un certain temps mais elles sont en trin de fondre.

Les gouvernements en place dans ces pays exportateurs peuvent-ils être mis en difficulté par leurs adversaires politiques, profitant de la situation et des difficultés économiques ?

C'est là aussi une possibilité. Dans n'importe quel pays, l'opposition tente de profiter des difficultés du pouvoir en place mais sa marge de manoeuvre dépend beaucoup de son importance et de sa représentativité, de la nature du régime, pas forcément démocratique, et du contrôle que celui-ci exerce sur la société et sur les forces de sécurité. Les facteurs en jeu ici ne sont pas seulement économiques, ils sont aussi sociaux et politiques.

Quelles raisons expliquent que certains Etats n’aient toujours pas diversifié leur économie ?

Il y en a plusieurs qui peuvent se cumuler ou pas : la pure incompétence, le court-termisme, la croyance que les prix du pétrole peuvent rester durablement élevés (un proverbe boursier dit pourtant que les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel), l'absence de prise en compte de l'intérêt national ou la volonté de privilégier certains intérêts privés et, parfois, tout simplement, la tentation de la facilité. Le pétrole génère beaucoup d'argent et il est moins compliqué de se reposer sur la rente pétrolière que de chercher à moderniser et à diversifier une économie, ce qui est un travail de longue haleine. Lorsque les prix du pétrole sont bas, certains gouvernements ont des velléités de changement mais ils se disent, à tort, que ce n'est pas le bon moment. Puis, quand les cours remontent, ces bonnes intentions sont rapidement oubliées jusqu'à la prochaine crise.

La constitution de réserves financières dans les périodes de vaches grasses, la bonne gestion de la rente pétrolière et l'utilisation d'une partie des revenus pétroliers (et gaziers) pour financer la diversification de l'économie devraient pourtant être des impératifs dans tous les pays en développement producteurs et exportateurs de brut. Il y a eu quelques progrès sur cette voie mais on est encore loin du compte.

Propos recueillis par Rachel Binhas

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