Ayahuasca : la potion psychédélique du Pérou a-t-elle des vertus curatives si puissantes qu'elle mérite qu'on risque sa vie en la buvant ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Un indien Huni Kui prépare un breuvage connu sous le nom de "pae nixi" ou "ayahuasca" pour un rituel de guérison dans le village de Novo Segredo près de la rivière Envira au nord-ouest du Brésil, le 8 Mars 2014.
Un indien Huni Kui prépare un breuvage connu sous le nom de "pae nixi" ou "ayahuasca" pour un rituel de guérison dans le village de Novo Segredo près de la rivière Envira au nord-ouest du Brésil, le 8 Mars 2014.
©REUTERS/Lunae Parracho

Hallucinant

Interdit en France, le breuvage ancestrale d'origine inca connu sous le nom "Ayahuasca" est de plus en plus utilisé par les chercheurs occidentaux dans les "thérapies psychédéliques", afin de soigner des addictions et certains troubles mentaux. Néanmoins, sa consommation n'est pas sans risque et peut même vous tuer.

Muriel  Grégoire

Muriel Grégoire

Muriel Grégoire est addictologue et psychiatre. Elle est responsable du CSAPA la ville Floreal à Aix-En-Provence. 

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Atlantico : De quoi se compose l’Ayahuasca ?

Muriel Grégoire : L'Ayahuasca est un breuvage qui signifie "liane des âmes" ou "lianes des morts".

C'est un mélange de deux plantes psychoactives : l'Ayahuasca ou banisteriospsis caapi, liane connue aussi sous le nom de yage, caapi, dapa, mihi, et de feuilles de chakruna ou Psychotria viridis. La liane contient des beta-carbolines et les feuilles de chakruna de la N,N-diméthyltrypatamine (DMT), un hallucinogène très puissant, actif uniquement s'il est ingéré avec ces béta-carbolines. Le DMT est fabriqué naturellement chez l'homme. D'autres lianes peuvent être ajouter, modifiant les effets du mélange.

Quelles sont les origines de ce breuvage, pourquoi et qui le consommait-il initialement ?

L'Ayahuasca vient du Quechua d'origine inca, et est utilisé depuis environ 5000 ans dans les régions amazoniennes.

Il servait à la divination, aux transes et à la thérapeutique. Il permettait, et permet, de communiquer avec les ancêtres, les esprits des plantes et animaux, connaître l'origine des maladies, soigner, transporter le chaman dans des "mondes-autres" invisibles, d'initier les jeunes aux règles de la communauté dans un processus visionnaire.

L'ingestion exige des codes très précis de préparation, d'initiation et d'intention. Ce sont d'abord les chamans, les guérisseurs ou ayashuascaros qui usent de ce breuvage et parfois, ils accompagnent les individus dans une expérience spirituelle, thérapeutique ou initiatique. Mais ces usages ont valeur de rituel structurant.

Quels sont les effets de l'ingestion de ce breuvage ?

Le mélange, macéré, a un goût désagréable et provoque des contractions violentes et vomissements, des coliques parfois et des visions anarchiques et très colorées. Puis vient le moment où il est possible de contrôler ces visions. Ceci peut survenir si l'initié est préparé. Des visions de plantes et d'animaux sont le plus souvent rapportées. Une expérience psychédélique introspective avec forte tonalité émotionnelle et une conscience élargie débute. Il est alors important de ne pas lutter contre les visions et ses ressentis.

Elle peut permettre de revivre des éléments de son histoire personnelle, familiale ou même universelle.

De nombreux touristes partent en Amazonie et souhaitent "goûter" ce breuvage. Il aurait en effet de nombreux effets thérapeutiques. Confirmez-vous que ce breuvage peut avoir des effets positifs sur la santé ?

La médecine traditionnelle utilise ces procédés et semblent avoir de bons résultats, cependant aucune étude ne peut le confirmer de manière scientifique.

L'usage à ce jour le plus souvent recherché par les Occidentaux est le traitement des addictions et de certains troubles mentaux. Les thérapies psychédéliques (c'est-à-dire avec usage de psychédéliques comme adjuvants de thérapies), interdites en France, sont connues depuis les années 1960 et suscitent un regain d'intérêt. L'élargissement de la conscience, l'expérience psychédélique très forte mais aussi les effets anti-addictifs de la molécule DMT sur les récepteurs à la sérotonine pourraient être les principaux facteurs de changement. Il semble fonctionner pour certains, pas pour tous.

Il peut aussi présenter un risque, comme avec tout usage de psychédélique, de terreur aigüe, voire de bouffée délirante aigüe, même si cela est rare et touche des sujets fragiles. Une bonne préparation pourrait éviter ce risque.

Il n'est de plus pas addictif.

A contrario, ce breuvage est considéré comme une drogue en France et donc interdit. Il tuerait même chaque année plusieurs touristes en mal de sensations. Confirmez-vous que ce breuvage peut être dangereux pour la santé ?

La recherche première dans le cadre de thérapie psychédélique n'est pas dans une recherche de sensations, cependant on peut effectivement retrouver des individus plus enclins à cela, augmentant les risques de complications. Il y a normalement des codes très précis pour ces expériences avec une préparation, un encadrement et un accompagnement stricts qui doivent écarter la plupart des risques, mais le risque zéro n'existe pas : les effets des produits psychotropes ne peuvent pas toujours être prévisibles. Et certains centres ne sont pas recommandables, problématique que nous pouvons retrouver chez nous avec d'autres thérapies et des médicaments détournés par exemple.

Une question primordiale est la culture : comment en tant qu'occidental je m'approprie ces rituels ? Mais un certain nombre d'ayahuascaros adaptent aujourd'hui leurs pratiques.

Pensez-vous que ce breuvage devrait être considéré comme une drogue de synthèse et interdit partout ou à l'inverse, que ses vertus thérapeutiques devraient être plus mises en avant ?

Il est aujourd'hui interdit en France mais pas dans tous les pays occidentaux où les thérapies psychédéliques, avec l'Ayahuasca ou autres plantes, sont autorisées, le plus souvent avec des protocoles stricts. Les résultats sont intéressants : aux Etats-Unis par exemple, ils utilisent le MDMA dans le syndrome post-traumatique, le LSD pour les fins de vie. L'idée n'étant pas de le diffuser ou le proposer à tout le monde.

On se prive probablement d'outils intéressants pour certains patients, il faudrait pouvoir imaginer un cadre strict d'intervention et de recherche afin de mieux comprendre ces mécanismes.

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