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Le devenir des réseaux sociaux (3)
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Facebook

Que vont devenir les réseaux sociaux ? Pierre Bellanger nous propose sa vision de l'avenir du web 2.0 (épisode 3).

Quelles sont maintenant les prochaines étapes ?

Les réseaux sociaux qu’ils soient sectoriels, générationnels ou universels convergent vers quatre fonctions.

La première fonction : la socialisation de la recherche

Un moteur de recherche indexe les mots de toutes les pages web qui lui sont accessibles et classe les pages où apparaissent ces mots lorsqu’un utilisateur en fait la requête. Le fabuleux succès de Google a pour origine d’avoir découvert et traduit en langage informatique la relation entre pertinence et popularité. Plus le nombre de liens pointant vers la page où se trouve les mots recherchés est important, plus y a de chances que la page contienne la réponse attendue.

En associant à ce moteur, un système de mise aux enchères de mots clef pour l’insertion de liens publicitaires, Google a mis en parallèle une extraordinaire efficacité de recherche et de rendement publicitaire.

L’efficience de Google repose sur sa capacité d’indexation et sur la pertinence de ses résultats. Si un réseau social comme « Facebook » décide de restreindre l’accès à l’indexation de ses pages tout en générant un volume de pages et de liens considérables, il prive le moteur d’une partie significative de sa base de travail.

Si, par ailleurs, il ressort que les algorithmes de classement des résultats de recherche issus des réseaux sociaux sont plus appropriés que la popularité par les liens entrants, émerge alors une alternative potentielle à l’omnipotence du moteur de recherche dominant.

Le moteur de recherche social individualise les résultats de vos requêtes et, par exemple, classe les réponses en fonction des requêtes et des réponses sélectionnées par vos « amis ». Il indexe ses pages et celles de l’Internet alors que le concurrent n’indexe « que » l’Internet commun. Pour peu, que les résultats du moteur social soient plus judicieux, c’est une véritable concurrence en terme de stock et de méthode.

D’ores et déjà, le moteur de recherche de Microsoft, « Bing » s’est allié à « Facebook » pour socialiser ses résultats. Il est probable qu’il soit difficile à l’avenir de se passer de cette dimension sociale pour fournir les meilleures réponses à chacun et non plus à tous comme dans le moteur traditionnel.

La seconde fonction : les transactions

Un service de réseau social est un État virtuel sous l’autorité et le contrôle de son propriétaire qui en édicte les lois d’usage, traduites en code informatique ; ce qui en garantit l’application. Le service en vient naturellement à assurer des fonctions régaliennes de sécurité et de police allant jusqu’à la peine de mort virtuelle : le bannissement du réseau social.

Dans ce contexte étatique, le service est amené à créer sa propre monnaie développée d’abord généralement sur les jeux, pour s’étendre ensuite à des partenariats avec des annonceurs. La monnaie virtuelle est destinée à devenir convertible en devise réelle, dotant les jeux de gains attrayants. La monnaie peut être employée, enfin, pour les transactions entre les utilisateurs et en complément des transactions réelles.

De fait, le service se constitue en puissance économique par le pouvoir d’achat collectif de ses membres dont il contrôle l’accès sur le service.

Qui dit État dit impôt. Celui‐ci prend ici la forme d’un prélèvement sur toutes les transactions intervenant sur le service : entre les commerçants et les membres et entre les membres eux-mêmes. Le service de réseau social fusionne ainsi des fonctions rémunératrices de la carte bancaire, du groupement d’achat et de l’État.

De plus, chaque transaction renseigne le service sur les comportements de l’utilisateur ce qui rend son accès plus attractif pour les publicités et autres offres.

Si un acheteur sur Internet dépense en moyenne 1 500 € par an et si le site prélève 0.5 % sur chaque transaction, cela fait un revenu de 7.5 € par utilisateur. À multiplier par le nombre d’utilisateurs acheteurs… À noter : sur l’ « App Store », la boutique en ligne d’applications pour mobiles et ordinateurs d’Apple, la commission sur la vente de chaque application est de 30%.

L’objectif du réseau social est de réunir le plus grand nombre de personnes sous identité réelle, d’obtenir également leurs données bancaires ‐ en attendant de constituer sa propre banque directement ou sous licence ‐ et d’accueillir le maximum de boutiques et services virtuels au sein du réseau.

La troisième fonction : les télécommunications

Un membre de réseau social rapporte 3 € par an en revenu issu de la publicité. Pour « Facebook », avec 600 millions de membres cela donne près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Un abonné mobile, quant à lui, rapporte en moyenne 30 € par mois, soit environ 300 € par an : 100 fois plus. Dans les deux cas, les marges sont à deux chiffres.

L’objectif du réseau social est de capter le maximum de cette marge en devenant le sommet de la chaîne de valeur des télécommunications. Où se situe la valeur ? C’est la maîtrise de la relation au client. Le client acquis, le jeu consiste à transformer les prestataires et fournisseurs en aval de ce contrôle en commodités interchangeables à marges pressurisées.

Les deux moyens essentiels de ce contrôle sont le numéro de téléphone et la facturation.

Pour le numéro de téléphone, il peut être remplacé par le nom du profil d’un service de réseau social. Au départ, le profil est relié à un numéro mobile qui devient sous‐jacent et n’apparaît plus directement dans le carnet d’adresses. Par la suite, le numéro peut disparaître complètement. Il suffit d’effleurer la photo de la personne à joindre sur l’interface de l’application du réseau social installée sur son terminal mobile pour être mis en relation sans jamais avoir eu à composer son numéro de téléphone, ni même à le connaître.

Ensuite, le service de réseau social, fort de son pouvoir d’achat collectif, négocie avec les opérateurs l’usage du réseau, cumulant les fonctions de « mobile virtual network operator » ‐ « MVNO » ‐ sur les réseaux traditionnels et d’acheteur de bande passante sur les réseaux Internet (réseaux « IP »). Poids‐lourd de l’usage, il achète en gros pour revendre ensuite la prestation de télécommunication à un prix très avantageux à ses utilisateurs tout en conservant la principale part de la marge.

Le réseau social détient alors l’identité numérique et la facturation. Le membre du réseau social est devenu client mobile. Comme pour le client actuel, il bénéficie bien entendu de l’accès au réseau global.

L’opérateur de télécommunications devient alors un fournisseur du réseau social, mis en compétition avec tous les autres opérateurs. L’utilisateur est client du réseau social. Il ne sait pas par quels réseaux et quels opérateurs transite son échange. Il n’a plus de relation directe avec l’opérateur historique du réseau.

L’interface de téléphonie de l’utilisateur devient l’interface de son réseau social et ce dernier se transforme en réseau social de télécommunications.

L’enjeu n’est pas national. Le but est ici de devenir le carnet d’adresses mondial et d’opérer un transfert de marge massif de l’industrie des télécoms vers le réseau social.

Et le cœur de la bataille se situe sur les terminaux mobiles. Il y a 7 milliards d’habitants, 1 milliard de lignes de téléphone, 1.2 milliards de PC, 2 milliards d’internautes et 5 milliards d’abonnés mobile.

Présents par leurs applications dans tous les terminaux mobiles intelligents les réseaux sociaux prennent position. Il est probable aussi que des terminaux avec des fonctions dédiées à l’usage des principaux réseaux sociaux trouveront leur place sur le marché.

Il n’y a pas d’annuaire des téléphones mobiles, ni des emails. Le meilleur moyen de contacter quelqu’un dont on n’a ni le numéro, ni le mail est le réseau social mondial. Il le sera d’autant plus lorsqu’il aura intégré les fonctions de télécommunications.

Par ailleurs, le système téléphonique traditionnel permet, certes, de communiquer avec quiconque doté d’un numéro dont on a connaissance, mais ne permet pas de joindre et de rassembler en masse des relations établies et des inconnus par la création d’un réseau d’échange ad hoc immédiat, instantané et mis à jour en temps réel. Cette fonction de mobilisation virtuelle a démontré sa redoutable efficacité comme accélérateur du Printemps arabe.

Mieux que le téléphone, le réseau social joue un rôle irremplaçable de remailleur de tissu déchiré des relations humaines, comme on le voit actuellement au Japon après la catastrophe du tremblement de terre.

Ainsi le réseau social devient le meilleur moyen d’accès qui, en fonction des préférences des utilisateurs, permet de laisser à un interlocuteur ou plusieurs, connu ou non, un message textuel, sonore, vidéo, d’avoir un accès immédiat ou différé, etc. …

Outre ses accords d’opérateur virtuel, le service pourra également obtenir des opérateurs une commission sur toutes les communications transitant par son application mobile. Et celui qui refusera risquera de priver ses clients de l’usage complet du réseau social comme interface de communication. Bonne chance.

(à suivre...)

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