Avec ou sans Covid, les Français continuent à déménager dans les villes de l’Ouest<!-- --> | Atlantico.fr
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En France, entre 2015 et 2021, la population a augmenté de 0,3% par an en moyenne, soit 203 000 habitants supplémentaires chaque année
En France, entre 2015 et 2021, la population a augmenté de 0,3% par an en moyenne, soit 203 000 habitants supplémentaires chaque année
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Go West

Les chiffres qui viennent d’être publiés par l’INSEE confirment la revanche d’une France longtemps tenue pour périphérique

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : La population française est très mobile au sein de l’Hexagone, selon les récentes données de l’INSEE au regard du taux de variation annuel de la population par département entre 2015 et 2021. Certaines régions sont très attractives, notamment à l'Ouest. Est-ce une tendance qui qui se poursuit depuis le Covid ?

Laurent Chalard : Les données de l’INSEE portent sur la période entre 2015 et 2021. Cela donne des précisions sur la situation du pays avant la pandémie et sur une année après la crise sanitaire. Ces données démontrent une croissance démographique qui se concentre sur les façades occidentales et méridionales de la France. Ce schéma date en réalité de plusieurs décennies. La réelle nouveauté est que la croissance est de plus en plus vive à l'Ouest et un peu moins importante au Sud. Dans les années 1980, le Sud était plus dynamique par rapport à l'Ouest. Le phénomène s’est inversé de nos jours. 

Lors de la pandémie de Covid-19, il y a eu une explosion du nombre de départs de la capitale en direction de la province. Cette tendance avait déjà commencé avant la crise sanitaire et s'est accélérée pendant le Covid. Cette tendance se poursuit-elle aujourd’hui ?

Les migrations urbaines, le fait que les Français quittent les grandes villes (surtout la région parisienne) vers les autres territoires français, ne sont pas un phénomène nouveau. L'Ile-de-France a un déficit migratoire chaque année conséquent depuis la fin des Trente Glorieuses. Tous les ans, il y a plus de personnes qui quittent l'Ile-de-France que de personnes qui s’y installent. 

La véritable nouveauté est que ce phénomène semble s'être légèrement accéléré après la pandémie de Covid-19, au regard des données de 2021. Selon les chiffres de l'INSEE, il y a eu une accentuation de l'émigration urbaine à partir de 2020. 

Lors de la pandémie de Covid-19, un autre phénomène en parallèle avait été sous-estimé, le retour des expatriés sur le territoire national et dans les grandes métropoles, alors que moins de gens se sont expatriés du fait des limitations de déplacements au niveau international. Cela a probablement compensé les départs des populations des grandes métropoles vers la province, leur permettant de maintenir une croissance démographique importante. 

Il y a donc eu des mouvements assez variés. Un grand nombre de personnes ont quitté les grandes villes, surtout en Ile-de-France, en région parisienne, et en proportion plus importante que les années précédentes. Mais parallèlement, un certain nombre d’individus sont revenus en Ile-de-France, en provenance de l'étranger. En outre, l’Ile-de-France étant un territoire jeune, il y a toujours beaucoup plus de naissances que de décès. 

Dans le détail de l'étude de l'INSEE, la croissance démographique est deux fois plus élevée dans l'espace urbain que dans l'espace rural. Les Français qui s’installent dans l'Ouest du pays privilégient-ils des villes de taille moyenne ?

A l’échelle des métropoles, il y a un mouvement de la population du centre des métropoles, donc des parties les plus densément peuplées vers les périphéries, cela correspond à la périurbanisation. Ce phénomène est présent en France depuis les années 1970 mais il est plus ou moins fort selon les années, en fonction de l'accès au crédit pour s'acheter une maison individuelle. L'espace rural périurbain correspond aux petites communes qui sont à proximité soit des grandes métropoles, soit des villes moyennes. Cela peut occasionner des déplacements de population de l'ordre de 10, 20 ou 50 kilomètres selon la taille de l'agglomération. 

Il y a aussi des déplacements interrégionaux. Les personnes qui sont originaires des grandes métropoles ont tendance à se diriger vers des villes de taille inférieure. Les Parisiens par exemple vont plutôt aller à Bordeaux, à Toulouse, à Lyon ou à Nantes, dans des métropoles de rang intermédiaire. 

Mais les habitants de ces métropoles de rang intermédiaire qui décident de les quitter vont plutôt aller dans des agglomérations un peu moins peuplées. Il n’y a pas de logique de départ direct des grandes métropoles vers la campagne. Cela concerne plutôt des catégories de villes. La population a tendance à aller vers une catégorie de villes un peu moins peuplée. Il s’agit pour la plupart de personnes actives, de quadragénaires avec des enfants mais cela concerne aussi les retraités. 

La Bretagne, la Corse et la Nouvelle-Aquitaine sont les régions qui attirent le plus. Quel est l’impact économique et social de la croissance démographique qui touche tous les départements bretons depuis 2019 au niveau des villes moyennes et des métropoles ?

Cela va dépendre des territoires et de l'ampleur de la croissance démographique. Un certain nombre de villes développent des politiques qui visent à accueillir des populations nouvelles et qui ne sont donc pas surprises par les nouvelles arrivées.

Mais dans d’autres cas, certaines villes peuvent avoir des infrastructures qui ne suivent pas par rapport au rythme de croissance. La métropole bordelaise a eu par exemple les yeux plus gros que le ventre avec sa politique du million d'habitants. Mais elle ne s’est pas accompagnée d’une politique d'infrastructures permettant une circulation fluide de ce million d'habitants. Cela a créé un certain nombre de problèmes en termes d'infrastructures, mais aussi en termes immobilier à Bordeaux. Il est important de construire des logements mais encore faut-il en construire à bon marché pour pouvoir loger l'ensemble de la population. Or, lorsque vous attirez des populations, en particulier originaires de l'Ile-de-France, qui ont des revenus supérieurs à la population locale, cela fait mécaniquement monter les prix de l'immobilier et rend difficile l’accès au logement pour les populations autochtones. Ce type de difficultés se présente pour les grandes métropoles qui gagnent énormément d'habitants comme Bordeaux, Nantes ou Rennes.

Vous citez l'exemple de Bordeaux qui n'a pas bien réussi. La Bretagne, selon une autre étude publiée par l'INSEE en novembre 2022, devrait atteindre sa population maximale en 2050. Cela veut-il dire qu'il y a un vrai mouvement de fond des Français vers l'Ouest ?

Il est évident que la Bretagne comme les Pays de la Loire sont aujourd'hui deux des régions françaises les plus attractives. A partir des Trente Glorieuses, la Bretagne a changé son image et est devenue plus attractive mais essentiellement pour des personnes plutôt âgées. Lorsque vous regardez la structure des migrations vers la Bretagne, cette région reste peu attractive pour la jeunesse. Les jeunes continuent de quitter la Bretagne lorsqu’ils font leurs études. Mais elle est devenue hyper attractive pour des actifs en fin de carrière qui pensent à leur retraite. La Bretagne est devenue l'eldorado des retraités français. Cela s'explique dans le jeu de concurrence avec d'autres littoraux par le fait notamment qu'il y a moins d'insécurité que sur le littoral méditerranéen.

La France périphérique concerne-t-elle uniquement le rural isolé ?

Les petites villes, les villes moyennes ou les villes industrielles du Nord-Est font partie de la France périphérique. Or, les petites et moyennes villes industrielles du Nord-Est continuent de perdre des habitants. D’après les données de 2021, par rapport aux données de 2020 (l'année du Covid), les départements ruraux perdent toutefois moins d'habitants qu'attendu par rapport au vieillissement de leur population. Cela sous-entend qu’il y a quand même eu une amélioration du solde migratoire des départements ruraux et des territoires de la France périphérique.

L'insee vient de publier les derniers chiffres du recensement au 1ᵉʳ janvier 2021, 67,4 millions de personnes vivaient en France. Mais la France connaît un ralentissement démographique avec une croissance de 0,3 % par an depuis 2015, soit 203 000 habitants supplémentaires chaque année. Est-ce que cela veut dire que la population augmente moins qu'avant ?

Il y a un ralentissement démographique en France depuis le milieu des années 2010. Ce phénomène est lié à la détérioration du solde naturel. L'excédent naturel, qui était la différence entre les naissances et les décès, était de l'ordre de + 250.000 personnes pour la France métropolitaine autour de 2010. Mais à la fin des années 2010, l'excédent naturel est descendu seulement + 120.000 personnes et pour l'année 2020, il est en dessous de + 50.000 personnes. Lorsque vous avez un solde de + 250.000 qui passe à + 50.000, cela veut dire que vous avez eu une diminution de croissance démographique de 200.000 personnes. Il s’agit donc du facteur explicatif de la diminution de la croissance démographique en France. La détérioration du solde naturel est liée à la fois à une baisse des naissances, qui est reliée à une chute de la fécondité (le nombre moyen d'enfants par femme diminue), et à la baisse du nombre de femmes en âge de procréer. La France est aussi confrontée à une augmentation des décès avec les générations du baby boom qui arrivent à un âge avancé.

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