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La raffinerie de Schwedt (Allemagne), approvisionnée en pétrole brut russe par pipeline, 4 juillet 2022
La raffinerie de Schwedt (Allemagne), approvisionnée en pétrole brut russe par pipeline, 4 juillet 2022
©PATRICK PLEUL / DPA / AFP

Sanctions occidentales

L'Union Européenne a annoncé mettre en place des sanctions sur le pétrole et les produits pétroliers russes (bruts le 5 décembre 2022, puis raffinés le 5 février 2023)

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

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Laurent  Vinatier

Laurent Vinatier

Laurent Vinatier est chercheur associé à l’institut Thomas More et consultant pour Emerging Actors Consulting. Spécialiste de la Russie et de l’ex-Union soviétique, il enseigne à Moscou, Genève et Dijon. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment sur la guerre en Tchétchénie et les affaires intérieures russes.

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Atlantico : Un an maintenant que l'UE a interdit les importations de pétrole brut et de produits pétroliers russes. Quel est l'impact de ces sanctions sur la Russie ? Est-ce qu'elles sont efficaces ? 

Jean-Pierre Favennec : En décembre 2022, pour affaiblir la Russie dans le conflit avec l’Ukraine, l’Union Européenne décidait d’interdire les importations par bateau de pétrole russe dans l’Union et décidait d’imposer un plafond de 60 dollars par baril aux exportations de pétrole russe.

L’embargo sur les importations était limité aux importations par bateau car certains pays comme la Hongrie reçoivent le pétrole russe par oléoduc et il leur est difficile de s’approvisionner à partir d’autres sources. Cependant, les importations de pétrole russe de l’UE ont diminué de 90 % et cet embargo d’un point de vue quantitatif est un succès.

Le plafonnement du prix auquel les russes pouvaient exporter du pétrole était bien entendu destiné à réduire les recettes à l’exportation de Moscou. Les exportations de pétrole ont toujours été la principale source de revenus de la Russie. On se souviendra que la chute brutale du prix du pétrole en 1986 (le prix du pétrole tombe de 28 dollars par baril en janvier à 10 dollars par baril en juillet) est la principale raison de la chute de l’Union Soviétique. Privée de ressources financières, affaiblie par la guerre en Afghanistan, l’URSS s’effondrera en 1990. Michail Gorbatchev, alors premier secrétaire de l’Union, dira simplement : je dois mettre la clé sous la porte.

Les hydrocarbures (gaz naturel et surtout pétrole) ont toujours été une source majeure de dollars et le restent en 2023

Cependant la production de pétrole russe est restée stable en 2023 et la perte du marché européen qui représentait un débouché important pour le pétrole russe n’a pas affecté la production. En outre, le plafonnement du prix du brut russe, voulu par les européens, a été très peu efficace.

Laurent Vinatier : Au regard de certains chiffres, l’économie russe se porte plutôt bien. La croissance annoncée pour 2023 est de 2.8% selon les chiffres russes et de 1.5% selon la Banque pour la Reconstruction et le Développement en Europe (BERD). L’année prochaine, la tendance devrait se maintenir. Selon la Banque Mondiale, la Russie est devenue en 2022, la 5ème économie du monde en termes de PIB (en parité de pouvoir d’achat), malgré les conséquences du COVID et les sanctions liées au début de la guerre en Ukraine. De plus, les exportations d’hydrocarbures augmentent, en prix et en quantité. C’est ce qui explique, en partie, la résilience économique russe en 2022 et 2023 et devrait encore constituer le moteur d’une croissance réelle en 2024. 

Finalement ceux pénalisés par le rouble malmené ne sont que ceux qui voyagent à l’étranger et font du business avec l’étranger. Cela ne concerne pas un si grand nombre de personnes. D'autant plus maintenant que les hydrocarbures exportées sont payées en rouble, ce qui limite de surcroît l’effet de change.

Comment Moscou a contourné ces sanctions ? 

Jean-Pierre Favennec : Les sanctions européennes ont été largement contournées.

Les exportations de gaz russes vers l’Europe qui représentaient une part importante de la production russe et des importations européennes n’ont pu être compensées par la Russie car ces exportations se faisaient par des gazoducs qui désormais restent largement inemployés.

En revanche il  a été beaucoup plus facile de réorienter les exportations de pétrole. Le pétrole est liquide et il est aisé de rediriger un bateau vers une nouvelle direction.

La Russie a considérablement augmenté ses exportations de pétrole vers la Chine, vers l’Inde, vers la Turquie et vers plusieurs pays africains. Ces pays ont également bénéficié du fait que pour écouler son pétrole la Russie a dû consentir des rabais qui ont bénéficié aux nouveaux importateurs

En ce qui concerne le plafonnement du prix, les sanctions étaient possibles dans la mesure où les occidentaux (Etats Unis, Europe) avaient un contrôle des opérateurs (transporteurs, assureurs .. ) qui prenaient le brut russe. La Russie pour échapper aux sanctions a constitué une vaste flotte de tankers en achetant des bateaux souvent âgés pour transporter elle-même le pétrole exporté.

Si en 2023 les recettes russes ont diminué par rapport à 2022, c’est beaucoup plus dû à une diminution du prix moyen du brut cette année qu’à un effet des sanctions

Sans le savoir, nous continuons à consommer du pétrole russe ?  

Jean-Pierre Favennec : Pour pallier le manque de brut russe les européens ont pu aisément trouver des quantités supplémentaires de pétrole brut dans les autres pays producteurs. Mais l’embargo porte sur le pétrole brut et les produits pétroliers et l’Union Européenne importe non seulement du pétrole brut mais aussi des produits finis, en particulier du gazole. L’Union Européenne importait de grandes quantités de gazole de la Russie qui avait de gros excédents. L’Union européenne a dû se tourner vers de nouveaux fournisseurs comme les pays du Moyen Orient et de l’Asie. L’Inde en particulier est un gros fournisseur. Une partie du gazole que nous consommons est donc en partie fabriquée à partir de brut russe.

Finalement, ces sanctions, qui impactent-elles ?

Jean-Pierre Favennec : Les sanctions n’ont eu que peu d’effet sur les ventes russes ou sur les approvisionnements européens. Elles ont surtout contribué à profondément modifier les flux de pétrole et de produits et à renchérir les coûts du fait de l’accroissement des distances entre producteurs et consommateurs. Les pays africains en particulier ont largement souffert des changements dans les flux d’importation et des augmentations de coûts qui en ont résulté.

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