Accord européen sur l’ARENH : trompe-l’œil ou vraie victoire pour la France sur les prix de l’électricité ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Fabien Bouglé, "la France a bien perdu sa souveraineté énergétique par le biais d’une technocratie énergétique européenne devenue incompréhensible".
Selon Fabien Bouglé, "la France a bien perdu sa souveraineté énergétique par le biais d’une technocratie énergétique européenne devenue incompréhensible".
©OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Accord

Le gouvernement s'est félicité de l'accord trouvé entre les 27 sur la réforme européen du marché de l'électricité.

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

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Atlantico : Les 27 ont trouvé un accord sur la réforme européen du marché de l'électricité. De quoi s'agit-il précisément ?

Fabien Bouglé : Le marché européen de l’électricité a montré ses limites en particulier pour la France. Le prix de marché en Europe de l’électricité est jusqu’à maintenant indexé sur l’unité de production d’électricité la plus chère par le mécanisme de l’ordre du mérite (Merit order). Ces dernières années, ce sont les centrales au gaz qui ont fixé le prix de marché de l’électricité en Europe. Ce mécanisme nuit considérablement à la France en augmentant artificiellement les factures d’électricité des Français qui ne peuvent plus bénéficier du prix beaucoup moins élevé des centrales nucléaires. En quelque sorte, les Français paient pour les Allemands qui profitent de notre électricité nucléaire pas chère pour atténuer leurs propres factures de gaz ou de charbon. Il faut sortir de ce mécanisme particulièrement préjudiciable à la France qui a fini par menacer de faire cavalier seul face à une Allemagne qui traînait les pieds pour cette réforme.

La solution trouvée est d’instaurer des contrats à long terme pour atténuer la facture du consommateur et des industriels et de mettre en place des contrats de différences intitulés CFD. Avec le mécanisme des CFD on fixe des prix de référence plafond et plancher par mode de production d’électricité. Si le prix de marché est plus haut que le prix plafond c’est l’état qui perçoit la différence et peut le distribuer aux consommateurs, si le prix de marché est plus bas que le prix plancher, la différence est reversée aux producteurs. Ce dispositif permettra également de remplacer l’ARENH qui est devenu un boulet économique mais aussi politique. EDF doit absolument retrouver ses capacités d’investissements et de financement.  On comprend de ce fait l’importance de la fixation du prix de référence du nucléaire, objet de vives tensions entre le gouvernement et la Direction d’EDF.

Selon cet accord, la France pourra dès lors financer la rénovation de son parc nucléaire existant grâce à ces fameux CFD (contrats d’écarts compensatoires bi-directionnels). C'est une vraie victoire pour la France ?

Dans ces négociations, les Allemands ont tout fait pour empêcher que les centrales nucléaires françaises existantes puissent bénéficier du mécanisme des CFD. En effet, aux yeux des Allemands les centrales nucléaires françaises constituent un avantage compétitif pour la France et pourraient fausser la concurrence en Europe. L’Allemagne reproche en fait à la France de disposer avec le nucléaire d’un système électrique fiable, peu cher et décarboné. Ils considèrent que les CFD donneraient un avantage indéniable à la France et craignent plus que tout des délocalisations vers la France de leurs industries à l’heure où les entreprises germaines sont attirées par les Etats-Unis.  

La France a besoin de ce mécanisme pour financer la modernisation de ses premières centrales nucléaires. De leur côté, les Allemands ont milité de manière acharnée contre l’introduction du nucléaire historique français dans ce nouveau dispositif. Aussi l’accord entre les 27 États membres d’hier qui préfigure la nouvelle organisation du marché européen de l’électricité intègre-t-il bien le nucléaire historique ce qui constitue - c’est vrai - une victoire de la France. Mais attention le combat est loin d’être terminé et la procédure législative européenne est parsemée de pièges et de chausses trappes. Il faut donc être prudent et ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Des combats féroces vont être menés sur les prix de références et sur le processus d’organisation. La bataille ne fait que commencer et cela ne sera pas un long fleuve tranquille.

Si je vous comprends bien, il y a le fond et la forme. Le gouvernement fait un peu trop de com' ?

Oui la politique politicienne revient au galop. Les Français ont parfaitement compris qu’avec l’ARENH et le marché européen de l'électricité, ils étaient les grands perdants alors qu’ils disposaient d’un des meilleurs systèmes électriques et d’un des plus compétitif d’Europe. Le Président Macron et sa ministre de l’Énergie Agnès Pannier-Runacher doivent agir et vite car le sujet est explosif politiquement surtout dans un contexte pré-électoral des élections européennes. Cette question qui s’inscrit dans la guerre mondiale de l’énergie que j’évoque dans mon nouveau livre va être au cœur de la campagne européenne.

Il est donc essentiel pour le gouvernement de montrer qu’il agit et cette victoire est incontestablement un coup de communication politique destiné à montrer aux français la capacité de résistance face aux Allemands. Il fallait faire un geste fort au moment même où les Français commencent à réaliser que nos voisins d’outre Rhin ne nous veulent pas que du bien et en particulier dans le domaine de l’énergie.

Comment retrouver un coût de l'électricité plus approprié ?

Ce qui est clair c’est que depuis 15 ans on a mis en place un système très compliqué d’organisation du marché européen d’électricité sous prétexte de fédéralisme et de libre-échange. D’après mes informations les membres du gouvernement eux-mêmes reconnaissent avoir perdu la maîtrise de cette organisation. La France a bien perdu sa souveraineté énergétique par le biais d’une technocratie énergétique européenne devenue incompréhensible. 

Pour retrouver une facture électrique adaptée et bon marché comme c’était le cas il y a 20 ans, il faut d’abord et avant tout retrouver la maîtrise de notre souveraineté électrique. Quitter le marché fédéral européen est parfaitement possible par un marché européen avec des échanges bilatéraux. Il faut relancer le nucléaire comme nous l’avons fait en 1973 avec le plan Messmer et surtout abandonner d’urgence toutes installations d’énergie intermittente qui nous rendent dépendant des importations de gaz comme l’a rappelé le patron de Total Monsieur Patrick Pouyanné lors de son audition à la commission sur la souveraineté énergétique tenue à l’Assemblée nationale fin 2022-début 2023.  

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