86 milliards de dollars. Le bénéfice du renoncement aux droits de l’homme au Qatar<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
86 milliards de dollars. Le bénéfice du renoncement aux droits de l’homme au Qatar.
86 milliards de dollars. Le bénéfice du renoncement aux droits de l’homme au Qatar.
©GIUSEPPE CACACE / AFP

Image

L’équation impossible du sport et de l’éthique.

Jean-Pierre Marongiu

Jean-Pierre Marongiu

Jean-Pierre Marongiu est écrivain, conférencier, ingénieur, expert en Management et Directeur général et fondateur du thinktank GRES : Groupe de Réflexions sur les Enjeux Sociétaux.Perpetuel voyageur professionnel, il a parcouru la planète avant de devenir entrepreneur au Qatar où il a été injustement emprisonné près de 6 ans, sans procès. Il a publié plusieurs romans et témoignages dont : Le Châtiment des Elites, Qaptif, InQarcéré, Même à terre, restez debout ! Aujourd'hui conférencier et analyste societal, il met son expérience géopolitique au service d'une approche libérale-souverainiste de la démocratie.

Voir la bio »

Pourquoi le Qatar, tellement soucieux de son image internationale, s’obstine-t-il avec détermination à piétiner de ses sandales les droits de l’homme ?

La raison, si l’on excepte l’orgueil bédouin moyenâgeux à ne jamais reconnaître ses erreurs, à mépriser les valeurs occidentales et ne rêver que de djihads islamiques, est tout simplement pécuniaire.

Le Qatar, pays le plus riche du monde ? Un mythe ! Il s’agit en fait du pays le plus flambeur.

Les Qatariens avaient la réputation d’être peuple le plus riche du monde, avec un PIB par habitant de 104 300 dollars en 2011. L’estimation, en chute libre en 2021, les place désormais au douzième rang avec un PIB de 55 417 dollars par habitant.

Il s’agit en dix ans d’une dégringolade spectaculaire. Si l’on excepte le mode de calcul du PIB par habitant qui divise les revenus gaziers par 800 000 nationaux et non par 3 millions d’âmes suant sang et eau pour soutenir l’économie du pays. Et si on omet de préciser que le Qatar n’est pas une nation, mais une affaire de famille qui confond budget de l’état et comptes privés. Les raisons de ce déclin sont multiples.

- Le Qatar n’est devenu propriétaire des revenus de son sous-sol qu'en 2010 quand les investissements américains, anglais et français ont été remboursés. Exxon, BP et Total ayant jusque-là exploité pour leur propre compte les champs gaziers et pétroliers. Cet arrangement, classique pour les groupes internationaux d’exploitation d’énergies fossiles, donne un éclairage particulier sur le silence embarrassé des états occidentaux concernant l’esclavagisme au Qatar.

- Le gaz représente 90 % des recettes de l’émirat. Or, son prix en chute libre en raison de la bataille de désindexation des cours du gaz sur le pétrole en 2008. L’orientation américaine, australienne puis chinoise vers le gaz de schiste réduit considérablement les débouchés et les profits du Qatar.

- Le blocus par les pays limitrophes qui vient de s’achever après plus de quatre ans a occasionné une restructuration budgétaire drastique afin de soutenir l’économie et contraint à des investissements militaires démesurés.

- La crise du Covid restreignant dramatiquement les revenus de Qatar Airways et ceux inhérents à l’hôtellerie de luxe dépendant des conventions, séminaires et colloques internationaux.

Le déficit conjoncturel a grandi au point que la dette publique qui n’a cessé de s’accroître pour parvenir en 2019 en plein blocus à 82,28% du PIB. La tendance déficitaire est soumise à une évolution exponentielle puisqu’officiellement elle avoisinerait en 2021 à près de 65 milliards de dollars. De source interne au ministère de l’Économie, on indique un chiffre beaucoup plus inquiétant de l’ordre de 120 à 140 milliards de dollars.

Pour mémoire, la dette de la France se situait à 119,8% du PIB en 2020 et le déficit à 211,5 milliards d'euros. La comparaison entre un micro-État de 800 000 nationaux et la France qui en compte 67 millions soit 85 fois plus relativise la réputation surfaite de pays le plus riche du monde.

Les péchés multiples de l’orgueil bédouin et les investissements pharaoniques d’état au bénéfice de quelques individus.

À coups de milliards, mais aussi de scandales de corruption, le pays est ainsi devenu une terre d’accueil régulière des plus grands événements sportifs, avec en point de mire l’objectif d’accueillir les Jeux olympiques de 2032. La démesure mégalomaniaque sera probablement atteinte quand le Qatar se portera candidat pour l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver.

  • 2010 : Candidature pour l’Organisation de la coupe du monde de Football.
  • 2014 : Mondiaux de natation (petit bassin).
  • 2015 : Mondial de Handball.
  • 2016 : Mondiaux de Cyclisme.
  • 2017 : Mondiaux de Gymnastique artistique.
  • 2019 : Mondiaux d’Athlétisme.
  • 2022 : Mondial de Football.
  • 2023 : Mondiaux de Natation.

Qatargate : Pour toutes ces compétitions, la justice européenne a été saisie pour des allégations de corruption privée, association de malfaiteurs, trafic d'influence et recel de trafic d'influence. Des enquêtes ont aussi été ouvertes en Suisse, au Brésil et aux États-Unis par le FBI.  Plusieurs centaines de millions d’euros ont été dépensés en corruption active de la plupart des fédérations sportives internationales.

Les qatariens aiment passionnément le jeu, les paris, les casinos, les courses de chevaux, les produits de luxe, l’automobile, l’argent facile, les armes à feu, la prostitution la chasse d’espèces protégées et l’asservissement humain. Il faut comprendre les investissements du Qatar dans le sport par ’ivresse des jeux du cirque durant lesquels des gladiateurs portant les couleurs de tribus du désert ne doivent leur vie qu’au pouce levé selon l’humeur d’un prince lascivement vautré sur des coussins.

Un bookmaker dort en chaque Qatarien, malheureusement pour les travailleurs affectés à la construction des infrastructures du pays, la balance des profits ne penche pas en faveur de l’amélioration des conditions de travail et moins encore du respect des droits de l’homme.

L’esclavage des travailleurs, un tapi à 86 milliards de dollars.

Quelles sont les cotes des paris en cours ? Combien l’État du Qatar gagne-t-il à ne pas respecter les régulations internationales du travail ? La réponse est : 86 milliards de dollars !

Ce chiffre pour énorme qu’il soit n’intègre pas la disparité salariale entre les salaires minimums préconisée par l’Organisation Mondiale du Travail et les salaires en vigueur au Qatar, dans l’éventualité où lesdits salaires sont effectivement versés.  Bien trop souvent, les employeurs qatariens rétribuent directement à l’agence de placement le pourcentage d’agence en omettant la part salariale du travailleur.

La population expatriée au Qatar, seule contributrice aux performances économiques du pays, est de 2 058 620 d’individus pour environ 800 000 Qatariens. D’après le recensement de 2019, les Qataris n’occupaient que 1,75 % de l’ensemble des emplois.

Ne pas appliquer les règles internationales du travail a permis à l’employeur d’économiser environ 86 milliards de dollars sur le dos de plus de 2 millions de travailleurs, sur la période 2005 à 2020. L’employeur n’est autre que l’État du Qatar, les actionnaires majoritaires des entreprises bénéficiaires des contrats sont obligatoirement qatariens selon les termes de la Kafala toujours en vigueur en 2021 et à 80 % affiliés à la famille royale.

Quelques détails sur les économies réalisées en adoptant des conditions de travail à bas prix :

Salaire des travailleurs

En janvier 2021, le salaire minimum était fixé à 750 rials (173 euros) par mois, c’est le salaire de référence les travailleurs sur les chantiers quand ceux-ci leur sont versés.

Il est fréquent que les salaires ne soient jamais payés par l’employeur qui expulse du pays les travailleurs qui revendiquent trop bruyamment. Nombreux sont ceux condamnés à plusieurs années d’emprisonnement pour ne pas avoir été en mesure, faute de rémunération, de régler les loyers dus à leurs…employeurs.

Les règles salariales préconisées par l’Organisation Internationale du Travail, établissent un salaire minimum équivalent à 50 % du revenu médian de chaque pays. Dans le cas du Qatar le salaire moyen des expatriés du secteur des travaux publics (retenues à la source et taxes appliquées) se situe environ 2,783.59 rials. Le salaire minimum applicable devrait se situer autour de 1350 rials (370,88 €).

Pointé du doigt par l’OIT à un an de l'organisation de la Coupe du monde 2022 en raison des conditions de travail sur les chantiers des stades, le salaire minimum était fixé à 750 rials (173 €) par mois.

Logement

Une chambre dans un camp de travailleurs au Qatar est évaluée à 250 dollars mensuels, les travailleurs sont parqués à 8 par chambre. Coût mensuel de logement par travailleur : 31 dollars.

Si les normes internationales devaient s’appliquer à savoir 4 personnes maximum par chambre avec une salle de bains, climatisation, internet, ménage quotidien, changement de draps hebdomadaire et contrôle pesticide mensuel le coût mensuel par travailleur serait de 171 dollars.

Subsistance

Dans le meilleur des cas, les sociétés qatariennes fournissent une allocation alimentaire mensuelle de 55 dollars par travailleur. Ce montant ne permet pas dans un pays où le coût de la vie est aussi élevé de subvenir aux besoins d’un travailleur plus de quelques jours. Les standards internationaux préconisent un minimum de 165 dollars.

Couverture médicale

Aucune assurance médicale n’est fournie aux travailleurs quand les standards internationaux imposent une assurance de 40 euros mensuelle.

Économie réalisée sur le non-respect des droits de l’homme : 10 milliards de dollars par an.

Décompte des économies : salaire (164 $), logement (140 $), subsistance (110 $), assurance (40 $). Projection sur 2 millions de travailleurs = 908 000 000 par mois soit 10 milliards par an.

La réalité des chiffres officiels ne prend pas en compte les sommes colossales attribuées à la corruption des instances internationales ni aux détournements massifs de fonds inhérents l’Althanisation des fonds publics.

Que pèsent les lamentations d’une courtoisie complice des organisations internationales des droits de l’homme en comparaison de 86 milliards de dollars correspondant au PIB de la moitié des pays de la communauté européenne ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !