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"Si Donald Trump revient au pouvoir aux États-Unis, alors les Européens seront poussés à s'occuper davantage de leur défense", estime Pierre Clairé.
"Si Donald Trump revient au pouvoir aux États-Unis, alors les Européens seront poussés à s'occuper davantage de leur défense", estime Pierre Clairé.
©SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

2024, une année charnière

2024 sera véritablement une année charnière, et la question est de savoir si la tendance d'instabilité qui a marqué 2023 va se vérifier ou si une amélioration est possible.

Pierre Clairé

Pierre Clairé

Pierre Clairé est analyste du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques diplômé du Collège d’Europe

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2024 sera l'année des élections, en effet 40% de la population mondiale devra élire son futur dirigeant et les pays concernés par ces échéances électorales constituent une part importante du PIB mondial. Dans le lot, nous retrouvons certains des pays les plus riches du monde, comme les États-Unis ou l'Inde, des plus pauvres, comme le Sud Soudan, des pays au cœur de toutes les attentions, comme Taiwan, et des régimes despotiques, comme la Russie ou l'Iran. Ainsi c'est véritablement l'avenir du XXIe siècle qui va se jouer l'année prochaine. Paradoxalement, ce flot d'élections a lieu alors que la démocratie libérale n'a jamais autant été remise en question et que le Tragique a refait surface dans nos vies avec des conflits globaux qui mettent en péril l'équilibre précaire dans lequel nous étions depuis la fin de la guerre froide. 2024 sera véritablement une année charnière, et la question est de savoir si la tendance d'instabilité qui a marqué 2023 va se vérifier ou si une amélioration est possible.

Suite des conflits ayant marqué 2023

 Les conflits ayant marqué l'année écoulée seront bien entendu au cœur de toutes les inquiétudes et les différentes évolutions seront scrutées attentivement.

La guerre en Ukraine devrait encore faire parler abondamment les Occidentaux, surtout si la prise d'ascendant de Vladimir Poutine se vérifie en 2024. Malgré de grands espoirs occidentaux, la contre-offensive ukrainienne a été un échec et il semble peu probable que l'Ukraine puisse reprendre les territoires occupés par la Russie. Alors que l'on pensait le maître du Kremlin affaibli politiquement et proche d'être renversé, il n'a jamais paru aussi dominant et souverain. La mutinerie avortée d'Evgueni Prigojine, que certains voyaient comme un candidat crédible pour renverser Poutine, a pris court et a permis au Président Russe d'asseoir son pouvoir. Les élections russes de mars prochain ne seront qu'une formalité pour lui. En Ukraine, tout n'est pas aussi rose car certains comme Zaloujny ou Klitschko remettent en cause les choix de Zelensky, qui aurait dû se soumettre à de une nouvelle élection en mars, mais qui ne devrait pas le faire avec la loi martiale. Nous sommes plus proches d'une nouvelle offensive russe que d'une percée ukrainienne, opération de la dernière chance pour Zelensky et qui pourrait intervenir au printemps si l'aide occidentale continue. Poutine quant à lui est serein, conscient que le temps joue en sa faveur et qu'il bénéficie d'un triple avantage: stratégique, politique et militaire. La vraie question est de chercher à savoir s'il va tenter d'attaquer, temporiser face à la résignation ukrainienne ou attendre sagement le dénouement des élections américaines de novembre 2024.

Durant le dernier trimestre 2023, la guerre entre Israël et le Hamas a éclipsé la guerre en Ukraine et le développement de ce nouveau conflit au Moyen-Orient sera à suivre avec attention. Même si Netanyahou a juré d'anéantir le Hamas, cette tâche sera pour le moins ardue et le conflit durera vraisemblablement encore plusieurs mois, s'accompagnant certainement de nombreux rebondissements. Tout d'abord on peut se demander si Israël va changer de stratégie et va chercher à protéger les civils, alors que ce conflit a fait plus de 20 000 victimes depuis le 7 octobre et que les pressions internationales se font de plus en plus pressantes sur le gouvernement de Netanyahou pour éviter une catastrophe humanitaire. Même si des élections ne sont pas prévues l'année prochaine dans le pays, le mécontentement de la population israélienne est palpable et le gouvernement de droite devrait tomber dans les prochains mois.

États-Unis et Indopacifique

L'évènement marquant de cette année électorale sera bien sûr l'élection présidentielle américaine, qui devrait voir une nouvelle fois s'affronter Donald Trump et Joe Biden. Pourtant, même si les protagonistes sont identiques à ceux de l'élection précédente, les rapports de force ne sont plus les mêmes et Trump s'avance comme le favori. Biden s'est en effet frotté au pouvoir et traîne derrière lui un bilan peu flatteur que son futur concurrent de novembre 2024 ne va pas manquer d'utiliser contre lui. Les déboires s'accumulent sur les plans économique ou diplomatique, et sur le plan intérieur les États-Unis semblent plus divisés que jamais. L'âge avancé de Biden est sans cesse pointé du doigt ainsi que son soutien sans faille apporté à Israël, ce qui a énervé une partie de l'électorat démocrate. Faute de mieux, et alors que le parti démocrate se tourne vers 2028, tous les poids lourds du parti font bloc derrière le président sortant. Pour eux, cette élection est historique et revêt d'une importance toute particulière car elle mettrait en jeu l'avenir démocratique du pays. Les Démocrates n'ont de cesse de pointer du doigt les dérives autoritaires de Trump, qui est plus clivant que lors de la dernière élection. Il menace d'influencer la justice en nommant des juges lui étant favorables mais surtout de présidentialiser le régime davantage en permettant au président d'outrepasser le Congrès. Ce dernier définit ses ennemis comme des vermines et reconnaît qu'il agira comme un dictateur durant la première journée de son nouveau mandat. Certains outre-Atlantique craignent pour la séparation des pouvoirs et la démocratie aux États-Unis. Seuls ses ennuis judiciaires seraient en mesure de le freiner dans son ascension, mais pour le moment ils ne le desservent pas du tout et il reste en tête des sondages. Son élection pourrait avoir de lourdes conséquences sur le plan diplomatique, avec une remise en cause de l'aide à l'Ukraine, la fin du financement de l'OTAN ou la montée des tensions avec la Chine.

Pour poursuivre, il faudra rester attentif à la situation en indopacifique en 2024 et à la montée des tensions entre Chine et États-Unis. Le 13 janvier prochain se tiendra l'élection présidentielle Taïwanaise qui verra l'arrivée d'un nouveau dirigeant. Le DPP, parti libéral et indépendantiste au pouvoir actuellement est en tête des sondages mais l'éventualité de voir l'île rebelle s'éloigner encore plus ne ravit pas Pékin, qui table sur un rapprochement graduel. Le Kuomintang, parti favorable au rapprochement avec la Chine communiste, reste en deuxième position dans les sondages et se rapproche depuis plusieurs mois de la tête. Une alliance avec le TPP, troisième force politique actuellement, a été évoquée mais n'a pas abouti. Le TPP est un parti relativement neuf et il devrait voir son nombre de députés augmenter au Yuan National alors que les élections législatives se tiendront le même jour. Comme le Kuomintang, le TPP est favorable à un rapprochement avec la Chine et dans tous les cas un réchauffement devrait avoir lieu car les pouvoirs exécutif et législatif ne devraient plus être aux mains du DPP indépendantiste et une discussion sera nécessaire. Dans le cas d'un succès total du DPP, on pourrait assister à une escalade, mais il est plus probable que celle-ci vienne des Républicains américains.

Les votes au Japon ou en Corée du Sud ne devraient pas bousculer l'ordre établi dans la zone, mais en cas de changements au pouvoir, les Américains vont chercher à tisser de bonnes relations pour contrebalancer l'influence chinoise sur le continent. Plus d'un milliard d'Indiens seront appelés aux urnes en avril ou mai 2024 et Narendra Modi devrait rester en poste. Ce pays est de plus en plus important pour les Occidentaux qui voient en Modi en allié de taille, ce qui fait que son avenir politique sera scruté. Enfin, on suivra également les élections en Indonésie, au Bangladesh ou au Pakistan l'année prochaine alors que la rébellion birmane devrait accentuer sa pression sur la junte au pouvoir.

L’Europe à l'épreuve de la démocratie

Nous ne pouvons pas aborder 2024 sans parler des élections européennes de juin prochain qui risquent de modifier considérablement le paysage politique. Une droitisation du paysage politique a été visible en Europe lors  des derniers mois et il sera intéressant de voir si ce phénomène se vérifie en 2024. L'année 2023 s'est terminée avec la victoire surprenante du PVV de Geert Wilders aux Pays-Bas alors que nous n'attendions pas l'extrême droite néerlandaise à ce niveau. Avant les élections européennes, les Portugais voteront le 10 mars pour choisir les membres de l'Assemblée de la République. Le Parti Socialiste ne fait que baisser dans les sondages et est aux coudes à coudes avec le centre-droit, mais l'intérêt de ce scrutin se trouve dans le résultat que fera Chega, parti d'extrême droite n'ayant récolté que 1,3% des voix en 2022 mais ayant le vent en poupe actuellement. Le résultat de cette élection sera intéressant et un excellent indicateur car une majorité de droite pourrait émerger au Parlement Européen après les élections de juin. Les dernières tendances nous font penser que l'alliance entre libéraux, centre gauche et centre droit devrait être reconduite mais que leur majorité devrait s'effriter. Une bonne performance des droites lors des élections européennes pourrait signifier qu'au pire leur pouvoir serait accru ou qu'au mieux ils puissent contrôler une Institutions européenne, ce qui modifierait radicalement le fonctionnement de l'UE. Les différentes élections nationales se traduisent par un retour de la droite au pouvoir, ce qui influencera le Conseil Européen et les priorités européennes quoi qu’il arrive.

2024 sera aussi l'année de la prise de conscience de la nécessité d'une véritable Europe de la Défense pour deux principales raisons. Premièrement, si Donald Trump revient au pouvoir aux États-Unis, alors les Européens seront poussés à s'occuper davantage de leur défense. L'ancien président américain a critiqué l'OTAN à de nombreuses reprises et menacé de limiter voire de stopper les investissements américains ce qui devrait pousser à une prise de conscience européenne. Deuxièmement, la possible accession de l'Ukraine à l'Union Européenne pose de nombreux problèmes, et notamment en termes de défense. Peu de personnes connaissent l'existence de l'article 42.7 du Traité sur l'Union Européenne, qui parle de la défense mutuelle offerte par les pays membres de l'UE. Cette clause n'a jamais véritablement fait parler car historiquement les adhésions concernaient des États membres de l'OTAN, mais avec l'Ukraine ce ne sera pas le cas et la question de la défense devra se poser. Avec l'ouverture des négociations il y a quelques jours, on voit que les pays européens doivent se réveiller et travailler à une véritable Europe de la défense. 2024 pourrait ainsi être l'année de cette prise de conscience afin de prouver que l'autonomie stratégique chère à certains n'est pas qu'un élément de langage. 

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