+50% des tarifs sur l’électricité d’ici 2020 : mais pourquoi une telle hausse ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En 2020, la facture moyenne d'électricité devrait atteindre plus de 1.300 euros par an par ménage, selon un rapport du Sénat.
En 2020, la facture moyenne d'électricité devrait atteindre plus de 1.300 euros par an par ménage, selon un rapport du Sénat.
©Reuters

Sous haute tension

Le rapport de la Commission d'enquête du Sénat sur le coût réel de l'électricité, publié mercredi, précise que la facture d'électricité des Français pourrait grimper de moitié d'ici à 2020. Une hausse qui s'explique par la montée des coûts de production, du transport et de la distribution et des taxes.

Jean Desessard

Jean Desessard

Jean Desessard est sénateur de Paris depuis 2004 et membre d'Europe Ecologie-Les Verts.

Il est le rapporteur de la commission d'enquête du Sénat sur le coût réel de l'électricité créée le 8 février 2012.

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Atlantico : Le rapport de la Commission d'enquête du Sénat sur le coût réel de l'électricité, dont vous êtes le rapporteur, précise que si les méthodes de consommation et la législation restent inchangées, la facture d'électricité des Français pourrait grimper de 50% d'ici à 2020, un chiffre évalué préalablement par la Commission de régulation de l'énergie. Comment expliquer cette hausse ?

Jean Desessard : Cette hausse de 50% s'explique par trois facteurs : le coût de production, le transport et la distribution et, enfin, les taxes.

La production est majoritairement nucléaire en France, mais il existe aussi d'autres filières de production comme l'éolien, le photovoltaïque, mais également le fossile avec les centrales à gaz ou à pétrole. En ce qui concerne la partie « fossile » de la production, le gaz et le pétrole sont amenés, du fait de la raréfaction de ces ressources, à voir leurs coûts augmenter. Sur la partie renouvelable, l'hydraulique est aujourd'hui compétitif, ainsi que l'éolien terrestre, d'autant plus que les investissements en barrages hydrauliques ont été amortis, ce qui permet à ces deux technologies d'atteindre le même prix que celui du nucléaire. Le photovoltaïque et l'éolien offshore – c'est à dire en mer – restent pour leur part très chers. Les énergies renouvelables sont, de manière générale, encore assez coûteuses. Enfin, l'accroissement des exigences de sécurité et de sûreté, surtout depuis les mesures adoptées suite à Fukushima, augmenteront le coût du nucléaire.

Ainsi, quelle que soit la filière considérée - nucléaire, fossile ou renouvelable – les coûts de production augmenteront.

Second facteur, les coûts d'investissement dans les réseaux (qui incluent les transports et la distribution) vont eux aussi augmenter. Le temps de coupure – un indice permettant de mesurer l'état des réseaux – était de 42 minutes en 2002, 85 minutes en 2009 et 75 en 2011. Cette dégradation des réseaux manifeste un sous-investissement qui permettait alors des factures plus faibles pour les consommateurs. Nous devons aujourd'hui rattraper ce retard et adapter le réseau aux nouveaux modes de production d'énergies renouvelables, notamment en terme de localisation des lieux de production. Enfin, il faut développer le réseau d’interconnexion avec les autres pays car le marché de l'électricité est aujourd'hui européen.

Troisième facteur, la taxe CSPE, la Contribution au service public d'électricité. Cette dernière a trois fonctions : garantir l'électricité en territoire d'outre-mer, lutter contre la précarité énergétique (une aide pour ceux qui ont du mal à payer leurs factures d'électricité), et financer le complément nécessaire au lancement de la filière de l'énergie renouvelable, du fait des obligations européennes pour lesquelles la France s'est engagée. Ce dernier poste va augmenter car le prix actuellement fixé est insuffisant puisque la CSPE ne permet pas de couvrir ce que EDF dépense pour acheter aux producteurs d'électricité photovoltaïque et éolien.

Au final, il y a une augmentation dans les trois postes : production, réseau et taxes. Par conséquent, le prix du kilowatt-heure va augmenter.

Comment se situe la France par rapport à ses voisins en terme de facture d’électricité ?

En dépit d'un prix au kilowatt-heure particulièrement bas, les Français ont des factures en électricité équivalentes à celles des autres citoyens européens. Pour deux raisons principales : un chauffage électrique plus important qu'ailleurs en Europe, ce qui nécessitera d'isoler les bâtiments et les maisons par le biais d'un grand programme d'isolation thermique, et une augmentation plus importante de la consommation énergétique due aux appareils électroménagers, audiovisuels, aux téléphones et à l'informatique.

Ainsi, nous devons lancer un système de bonus-malus afin de renchérir le coût des appareils qui consomment plus et instaurer des notices explicatives sur les consommations en électricité des produits achetés. La démarche d'achat allemande est beaucoup plus responsable sur ce point.

Le rapport précise que le nucléaire a permis à l'hexagone de fournir des tarifs parmi les plus faibles d'Europe en terme d'électricité bien que, selon un rapport de la Cour des comptes, la maintenance et la rénovation des centrales pourraient coûter jusqu'à 73 milliards d'euros. Cette hausse est-elle aussi due à une révision du coût du nucléaire ?

Il faut réévaluer les coûts associés à la filière nucléaire. La Cour des comptes elle-même avait précisé qu'il y avait des incertitudes concernant ces derniers. Par exemple, le coût de la recherche par l'Etat a t-il été intégré dans le coût total actuel ?

De même, il faut évaluer le coût du démantèlement des centrales. Il en est de même en terme de l'enfouissement des déchets que se soit en terme de nouveaux espaces à trouver par rapport à la masse considérable de déchet, ou en terme d'enfouissement en grande profondeur. Sur ce dernier point, il va falloir surmonter des difficultés techniques qui, nécessairement, auront un coût du fait des exigences de réversibilité - la possibilité de pouvoir retirer les déchets si besoin, même 10 ou 20 ans après.

Est-il possible d'alimenter d'abaisser à 50% la part du nucléaire dans la production d'électricité comme le souhaite François Hollande à l'horizon 2025 ?

Oui, je le pense. Le photovoltaïque est amené a se développer considérablement dans les cinq prochaines années. Les panneaux ont une plus grande capacité de production ce qui débouche sur une baisse des coûts.

Nous sommes aujourd'hui à la mutation énergétique. Un nouveau marché européen s'est créé et de nouvelles contraintes vont permettre le développement de nouvelles sources de production qui, si elles ne sont pas rentables aujourd'hui, le seront dans 10 ou 15 ans.

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