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Emmanuel Macron prononce un discours lors de la traditionnelle cérémonie du muguet au palais de l'Élysée, le 1er mai 2021 à Paris.
Emmanuel Macron prononce un discours lors de la traditionnelle cérémonie du muguet au palais de l'Élysée, le 1er mai 2021 à Paris.
©Ludovic MARIN / AFP / POOL

Heure du bilan

Alors que le président de l’Assemblée nationale vient de proposer pour nomination au conseil constitutionnel la magistrate qui a classé son dossier, petite radioscopie du respect des institutions et des principes fondamentaux de la démocratie française

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Benjamin Morel

Benjamin Morel

Benjamin Morel est maître de conférences en Droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

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Atlantico : Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale vient de proposer pour nomination au conseil constitutionnel la supérieure hiérarchique du procureur de Brest lorsque celui-ci a le classement sans suite de l'enquête préliminaire concernant l'affaire des Mutuelles de Bretagne, selon les informations du Monde. Il a d’ailleurs défendu ce choix. Dans le même temps, Christian Jacob, le président des Républicains, qui à propos d’Éric Woerth, a suggéré que dans son ralliement à Emmanuel Macron "ses affaires judiciaires ont sans doute pesé". La France est-elle de plus en plus une république qui fonctionne, aussi, sur de petits arrangements ?

Christophe Boutin : Sur le premier point, Madame Malbec, si elle était effectivement procureur général près la cour d'appel de Rennes lorsque le dossier de Richard Ferrand, actuel président de l'Assemblée nationale et son autorité de nomination, a été classé sans suite dans l'affaire dite des Mutuelles de Bretagne, n'était cependant pas en charge du dossier, mais uniquement le supérieur hiérarchique du magistrat responsable. Le lien direct n'existe donc pas, et rien n'indique en l'état qu’elle aurait donné des instructions en ce sens. Par ailleurs, il faut peut-être aussi prendre compte dans cette nomination de l’intéressée en dehors de l'ordre judiciaire son passage au cabinet d'Éric Dupont Moretti, peu apprécié par la magistrature.

Au sujet d'Éric Woerth, toutes les hypothèses sont effectivement possibles, sans qu'aucune ne puisse pourtant être privilégiée comme le fait Christian Jacob. L'ancien ministre de Nicolas Sarkozy a pu tout simplement choisir de rejoindre un Emmanuel Macron dont il est sans doute assez proche politiquement et intellectuellement, relevant d'un même progressisme libéral. Deuxième hypothèse, le même Éric Woerth a pu estimer qu’il aurait plus de chances de retrouver une fonction politique de premier rang en se ralliant dès maintenant à un homme qu'il estime peut-être être le mieux placé pour gagner l'élection présidentielle. Et la troisième hypothèse, celle selon laquelle les divers dossiers dans lesquels l'ancien ministre a pu se trouver, sinon empêtré, au moins lié – l’arbitrage rendu dans l’affaire Tapie est par exemple en cours d’instruction devant la Cour de justice de la République -, auraient servi à une sorte de chantage n'a aucun commencement de preuve.

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Ce qui est sans doute plus inquiétant que la réalité de ces « arrangements », c’est que nous sommes assez vite prêts à les considérer comme vrais, et ce parce qu’ils ne nous semblent pas impossibles dans la France de 2022. Qu'il s'agisse en effet des choix faits par des élus ou des nominations de hauts fonctionnaires à des postes essentiels, on est vite amené, presque spontanément, à avoir un doute sur leurs motifs, à se poser la question de leurs arrière-plans plus ou moins occultes, et il y a ainsi actuellement un climat délétère général qui, assurément, n'est absolument pas sain pour notre démocratie.

Dérives « complotistes » liées aux médias sociaux incontrôlés, où tout un chacun peut impunément dire n’importe quoi ? Partiellement peut-être, mais le Canard enchaîné révèle chaque semaine de bien étranges montages qui ne sont jamais contestés par les intéressés, et il est vrai que certaines nominations surprennent, que certaines affaires judiciaires semblent rapidement abandonnées, ou que le juge financier semble parfois choisir certaines de ses cibles en fonction des priorités du pouvoir en place.

Quant à savoir si la France républicaine fonctionnerait « de plus en plus » de cette manière comme vous me le demandez, ce serait oublier les affaires qui ont émaillé les Troisième et Quatrième républiques, et même notre Cinquième : oublier l'affaire des fiches, l’affaire Stavisky, le trafic de décorations, l'affaire des piastres ou les joies de l’immobilier. La république française à toujours su aménager certains petits arrangements entre amis, et les peines qui ont pu sanctionner ceux qui ont été pris la main dans le pot de confiture n’ont pas été bien lourdes s’il en plaisait ainsi au pouvoir en place et à ses réseaux. Pourquoi changer ?

Benjamin Morel : Concernant la nomination par Richard Ferrand pour le conseil constitutionnel, c’est une absurdité politique assez folle, surtout à la veille d’une élection. C’est donner le bâton pour se faire battre. Il y avait de nombreuses candidatures potentielles et celle-ci ne s’imposait pas du tout. Cela donne une image de collusion quand bien même ce ne serait pas le cas. En droit, on parle de la théorie des apparences. Ce n’est pas seulement la neutralité avérée mais également l’impartialité supposée d'une juridiction qui compte. Quand il y a un doute sérieux sur l’impartialité du juge, cela remet en cause la justice d’une manière qui porte atteinte au droit du justiciable. Ce n’est pas complètement transposable au Conseil constitutionnel, mais cela entache profondément cette institution. D’autant que Jacqueline Gourault, de l’autre côté, la proposition du président du président de la République, n’est pas juriste et est directement issue du gouvernement. Ses compétences en matière de droit constitutionnel demeurent à prouver. On peut comprendre qu’il faille faire plaisir à François Bayrou, mais cela se fait au détriment de l’institution. A la veille de la présidentielle, c’est soit de la provocation soit de l’inconscience.

Concernant Éric Woerth, les rumeurs sont les mêmes que pour Nicolas Sarkozy. Il peut y avoir des arrangements de personne à personne, des copinages. Mais il n'y a pas d'affiliation structurelle de la justice au politique. Les problèmes ne sont pas dus au système mais à des corruptions informelles et des relations interpersonnelles.

La majorité est-elle coutumière de ce genre de faits ? Y-a-t-il eu d’autres évènements de ce genre ? 

Benjamin Morel : On peut discuter de la pertinence d’autres nominations, mais pas à ce point-là. Mézard, Juppé, représensaient des choix assez classiques, même s’ils ne sont pas de grands juristes. Qu’il y ait eu des dysfonctionnements dans les rapports entre pouvoirs en revanche, c’est assez évident. Les procédures parlementaires ont été très malmenées. Il y a quelque temps, j’évoquais dans une interview pour Atlantico les lois et la manière dont elles étaient faites. On peut prendre pour exemple la loi sécurité globale. Un rapport est fait avec une proposition de loi, puis oubliée pendant deux ans dans les limbes avant d’être ressortie sans être retravaillée par le Conseil d’Etat, ce dont on ne se rend compte qu’une fois qu’elle est arrivée au Sénat. On tente de créer une commission extra-parlementaire – ce qui est constitutionnellement impossible -, etc. Heureusement que Gérard Larcher a tapé sur la table car c’était une véritable réécriture des règles constitutionnelles qui portait vraiment atteinte à l’état de droit. Ce sont des choses qui peuvent paraître assez techniques mais ont été éminemment problématiques dans ce quinquennat.

D’un point de vue institutionnel, tant sur le respect de l’équilibre des pouvoirs, des corps intermédiaires, des principes de gouvernance ou de transparence, quel est le bilan d’Emmanuel Macron et de sa majorité ?

Christophe Boutin : Il est très difficile de faire le bilan en matière d’équilibre des pouvoirs d'un quinquennat qui s'est très largement déroulé sous le régime de l'état d'urgence sanitaire, état d’urgence qui, par définition, conduit à modifier cet équilibre. On citera, bien évidemment, l'usage par le chef de l'État d’un bien opaque conseil de défense et non du classique conseil des ministres pour prendre une partie au moins de ses décisions stratégiques. On évoquera, bien sûr, un recours aux ordonnances qui prive temporairement le Parlement de son pouvoir d'analyse des textes. Mais les circonstances peuvent partiellement au moins être prises en compte pour expliquer ce choix.

Le déséquilibre entre exécutif et législatif a-t-il été encore accru par une majorité parlementaire qui s'est montrée très respectueuse de la discipline de vote et qui, dans la plus grande partie des cas, non seulement n'a pas engagé d'affrontement avec le gouvernement sur ses projets de textes, mais encore a empêché l’opposition de les perturber par ses amendements ? Mais c'est ici finalement la classique application de ce que l’on nomme le  « fait majoritaire » sous la Cinquième république, quand les majorités présidentielle et parlementaire se conjuguent – ce pourquoi on inversa le calendrier électoral en mettant en place le quinquennat, faisant précéder les législatives par la présidentielle - et ce n'est pas la première fois que l'on reproche aux députés de la majorité d'être des « godillots ». Les choses ont été un peu tempérées par l'usage de commissions parlementaires qui tentèrent effectivement de remplir leur rôle d'enquête et de contrôle, et ont été l’ultime recours en termes de rééquilibrage des pouvoirs entre exécutif et législatif.

On aura remarqué aussi la relative discrétion des corps de contrôle sur les décisions gouvernementales. Le Conseil d'État a ainsi validé ce que lui proposait le gouvernement dans les grandes lignes, et le Conseil constitutionnel n'a pas opposé non plus grand chose aux différentes atteintes aux libertés qui pouvaient exister dans les textes qui lui étaient soumis.

Il est d’ailleurs révélateur que le dernier rapport annuel du Conseil d'État, l'étude faite par la haute juridiction sur la mise en place des différents états d'urgence en France, montre qu'il y a bien un problème, et propose toute une série de solutions. Le rapport rappelle, d’abord, que l’état d’urgence est un état d’exception, qui ne doit pas être plus institutionnalisé, pas plus qu’il ne saurait être confondu avec une simple gestion de crise. Il préconise, ensuite, de rééquilibrer les pouvoirs exécutif et législatif dans le cadre de l'état d'urgence, comme de renforcer les contrôles juridictionnels sur les décisions qui sont alors prises. Si la plus haute juridiction administrative, dont le rôle est rappelons-le essentiel dans le fonctionnement de notre État, puisqu’elle intervient à la fois comme conseiller du gouvernement – et maintenant même, de manière facultative, sur les propositions de textes parlementaires – et comme juge des décisions prises par l'exécutif, en arrive à une approche aussi critique, c'est qu’il y a manifestement un problème en la matière.

Benjamin Morel : On a eu une fragilisation du parlement et de l’équilibre des pouvoirs assez inédite. Il faut faire la part entre ce qui est du fait de la majorité et ce qui est dû à l’évolution globale des institutions. Il y a un phénomène d’affaiblissement croissant des partis politiques et du contrepoids au président de la République qu'ils représentaient, y compris dans la majorité. Copé avait essayé de le faire dans la majorité en son temps. Depuis, l’Assemblée n’a pas été capable de signaler à l’exécutif quand il allait trop loin. Pendant ce quinquennat, il y a donc eu une majorité pléthorique très inexpérimentée. Elle a, dans un premier temps, dû être tenue d’une main de fer pour qu’elle ne fasse pas n’importe quoi. Cela a crée de fortes tensions entre des parlementaires qui  pensaient, a priori, des choses radicalement différentes. Cette majorité a fini par se structurer en pôle relativement inconciliables ce qui a demandé une reprise en main. Avant même la crise du Covid, ils étaient battus sur des propositions de loi ou des amendements. Au printemps 2019, on voyait déjà des lignes de failles, des faiblesses importantes dans cette majorité. En règle générale, cela peut être pallié par deux choses : soit un parti suffisamment fort pour gérer les députés en amont ou un président de groupe qui tient suffisamment la barre. LREM n’a eu ni l’un ni l’autre. Richard Ferrand, Gilles Legendre et Christophe Castaner n’ont pas été au niveau. Or si vous n’êtes pas capable d’obtenir une discipline de groupe, il vous faut forcer la main de vos parlementaires. A l’Assemblée, les projets de loi arrivaient clé en main, ce qui ne laissait pas de placeaux députés. Par ailleurs, la généralisation de la procédure accélérée a fait que les parlementaires n’avaient souvent pas le temps de correctement étudier les textes avant de les voter. Ensuite le Sénat change tout et le texte revient en commission mixte paritaire où on demande de voter comme l’Elysée le demande. C’était déjà vrai par le passé mais cela s’est généralisé pendant ce quinquennat.

Figure de la crise sanitaire, le professeur Salomon, est toujours en poste. Il avait pourtant annoncé qu'il devrait être remplacé et qu'il a été avéré devant commission d'enquête parlementaire des manquement sur la questions les masques. Au-delà de cet exemple, y a-t-il un projet de responsabilité politique, en particulier sous ce quinquennat ?

Christophe Boutin : Responsabilité des politiques d’abord, plus que responsabilité politique. Certains diront que c'est justement parce qu'il y a cette possibilité de voir engagée une responsabilité pénale que le gouvernement a employé autant de mesures coercitives au moment de la crise sanitaire, pour éviter que l'on reproche ensuite à certains de ses membres de ne pas avoir tout fait pour empêcher la diffusion du virus, et donc mal protégé la population.  

Mais les commissions d’enquête parlementaires ne sont bien sûr pas des formations de jugement. S’il s’agit de juger des crimes et délits commis par les membres du gouvernement durant l’exercice de leurs fonctions, c’est la Cour de justice de la République qui est compétente (art. 68-1, -2 et -3 Const.). Elle est composée de quinze juges, douze parlementaires (six députés et six sénateurs) et trois magistrats de la Cour de cassation, une imbrication qui fait qu’on lui reproche souvent d’être trop politique et que l’on demande son remplacement par les juridictions ordinaires.

Onze ministres ont déjà été traduits devant cette Cour depuis sa création en 1993, et cinq ont été déclarés coupables et condamnés - une affaire étant en cours de jugement. Sont actuellement concernés par une instruction devant elle, sur la question de leur gestion de la pandémie, Édouard Philippe, Premier ministre, Olivier Véran et Agnès Buzyn, ministres de la Santé - cette dernière, ayant été mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

Quant au Président de la République, irresponsable pénalement pendant la durée de son mandat, il n’est cette fois politiquement responsable que devant la Haute Cour (art. 67 et 68 Const.), composée des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui peut le destituer en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».

Ce qui nous amène ensuite à la responsabilité politique, qui passerait par exemple par le vote d’une motion de censure par l’Assemblée nationale faisant chuter le gouvernement. Mais il est évident que dans une période d’urgence, quand bien même la solution serait-elle théoriquement possible, ce n'est pas le moment que vont choisir les parlementaires pour engager un bras de fer avec le gouvernement. L'opinion comprendrait sans doute très mal un tel affrontement - à moins bien sûr qu’elle n’ait une preuve que le gouvernement maintienne des mesures de coercition à des fins des fins purement politiques.

Benjamin Morel : Il faut distinguer responsabilité politique et responsabilité pénale. Lorsque la CJR met en examen Agnès Buzyn, cela pose la question de la limite entre les deux. Mentir relève souvent plus de la responsabilité politique que de la responsabilité pénale, sauf lorsque que le mensonge a conduit à une prise de décision qualifiée pénalement. Or pour que la responsabilité politique s’exerce, il faudrait que le parlement soit suffisamment indépendant pour pouvoir envisager censurer le gouvernement. Cela peut aussi se régler au sein des partis. Au Royaume-Uni, comme dans d’autres pays, c’est quelque chose de très intériorisé. Or, en France, le contrôle politique est faible et ce depuis longtemps.

La difficulté de la majorité à devenir un parti à part entière explique-t-elle une partie de ces problèmes ?

Benjamin Morel : Pour créer un « vrai » parti, il faut du temps. Quand De Gaulle arrive au pouvoir, il y a déjà un creuset fort, une socialisation des acteurs qui est faite, ce qui agit comme une conscience politique commune. La majorité actuelle est faite de bric et de broc, avec des novices en politiques ou des quatrièmes couteaux des anciennes majorités. Et on lui a demandé en un temps record de se structurer en parti, et plus précisément en parti majoritaire, ce qui est encore plus dur. C’est un parti d’amateurs dirigé par des semi-amateurs. Je ne pense pas qu’il y ait eu une volonté de construire ce parti. 

Plusieurs ministres ont dû quitter le gouvernement suite à des affaires. Est-ce un problème qui s’est amplifié avec ce quinquennat ? 

Benjamin Morel : Il y a eu la loi de moralisation de la vie politique en début de quinquennat. Elle a renforcé la transparence au parlement, où désormais tout devient public. Mais sinon, on a peu touché aux autres aspects de la transparence. Ce qui pose problème actuellement, en matière de transparence, concerne le gouvernement. Il reste une certaine opacité à l’Elysée et dans les collectivités territoriales. L’affaire Koehler, l’affaire Benalla, pose la question du contrôle de l'Elysée.  Mais il n’y a pas eu beaucoup plus d’affaires que dans les précédents quinquennats et la plupart remontait à des faits antérieurs (Dupond Moretti, Ferrand), ce qui relève donc de la justice ordinaire. 

L’opposition au gouvernement, tant au parlement qu’en dehors (mouvements sociaux notamment), a-t-elle été respectée et entendue pendant ces cinq années ?

Christophe Boutin : En dehors de cette crise sanitaire, on a pu remarquer, et ce dès le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, que celui-ci comptait bien appliquer sa politique sans se laisser influencer par qui que ce soit, et moins encore retarder par des fâcheux. On a vu ce qu’il en était de l’opposition parlementaire et du peu de cas que l’on aura fait de ses contre-propositions. Mais le président n’entendait pas plus laisser les acteurs sociaux dicter leur loi, et, de la réforme de la SNCF à celle des retraites, que seule la crise sanitaire allait conduire à repousser dans le temps, il est toujours passé en force.

Les mouvements de rue ? Sous son quinquennat les forces de police auront joyeusement matraqué ou gazé infirmiers et pompiers, chômeurs et retraités, antivax et Gilets jaunes, avec une violence rarement atteinte au vu du nombre de blessés graves, et usant pour cela de moyens nouveaux (drones, blindés) et de techniques nouvelles.

Par ailleurs, au quotidien, le gouvernement a tout fait pour que les médias sociaux accèdent à ses demandes d’interdiction de comptes – la France est en pointe en ce domaine -, et la crise sanitaire a été le cadre idéal pour développer des moyens de contrôle de la population qui ne relevaient jusque là que des angoisses d’auteurs de dystopies.

Mais Emmanuel Macron a mis sur cette réalité de la violence des rapports entre pouvoir et administrés le cache-sexe de la démocratie participative, du « Grand débat », ce monologue théâtralisé du Président portant sa bonne parole aux « irresponsables » de la France périphérique qui s’obstinaient à ne pas comprendre le génie de ses réformes, à la Conférence citoyenne pour le climat, pseudo incarnation d’un peuple à qui on se gardait bien de demander directement son avis.

Ceux qui se satisfont des choix qui ont été faits et des effets de la politique présidentielle diront, et c’est vrai, que son mandat lui permettait de mener la politique pour laquelle il avait été élu, et qu’il s’est refusé à se laisser incapaciter comme tant de ses prédécesseurs dans l’exercice de son pouvoir. Et la liste est longue en effet, si l’on regarde dans le passé, des réforme entamées puis abandonnées sous les pressions diverses, et plus longue encore celle des réformes indispensables que l’on se garda bien de seulement oser entreprendre. En ce sens, Emmanuel Macron aura pleinement assumé ses choix, au risque, diront cette fois ses détracteurs, de diriger un pouvoir autiste, incapable d’ouvrir la porte à un véritable dialogue.

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