2022, l’année où les leçons de la pandémie de Covid n’ont pas été tirées<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour Antoine Flahault, l'année 2022 a été marquée par le variant Omicron.
Pour Antoine Flahault, l'année 2022 a été marquée par le variant Omicron.
©LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

Bilan 2022

A l'occasion de la fin de l'année, Atlantico demande à ses contributeurs les plus fidèles de dresser leur analyse d’un fait marquant sur l’année écoulée. Pour Antoine Flahault, 2022 était l'année Omicron.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Notre vie depuis le début de cette pandémie a été fortement impactée par les contraintes sanitaires et les conséquences de tous ordres, sociales, économiques et politiques. 2020, fut l’année de la souche de Wuhan, l’année de l’exacerbation des tensions entre Pékin et Washington, l’année de la chute de Donald Trump, l’année des confinements, quarantaines et couvre-feux, le retour au Moyen- Âge. 2021, fut l’année du déploiement des nouveaux vaccins à ARN messagers, affichant une efficacité insolente de plus de 95% de réduction des infections par le SARS-CoV-2, et avec eux l’entrevue d’un règlement définitif de la crise sanitaire. Ce fut aussi l’année de l’émergence de trois sous-variants qui allaient contourner de plus en plus l’efficacité initiale des vaccins contre l’infection. Alpha, le variant dit du Kent, puis Delta venant d’Inde et enfin Omicron, d’Afrique du Sud. 2021, pas plus que 2020 n’ont permis d’entrevoir la fin de cette pandémie. Chacune de ces années ont connu leurs deux vagues pandémiques, trompant le caractère saisonnier que l’on pensait attribuer à ce genre de virus respiratoires. Omicron a représenté un tournant majeur dans cette pandémie de COVID-19. Le nouveau variant fut le fruit de mutations survenues de deux manières possibles. Selon une première hypothèse, des réplications virales auraient eu lieu de façon répétée et prolongée chez une personne immunodéprimée, et l’Afrique australe, qui connaît une prévalence de l’ordre de 20% d’infections à VIH, ne manque pas de personnes immunodéprimées dont on sait qu’elles peuvent héberger le coronavirus pendant de longs mois. La seconde hypothèse évoque un épisode de zoonose inverse, c’est-à-dire de contamination d’un animal par un humain infecté, puis la réplication et la mutation chez cet animal avant le retour vers l’homme du nouveau variant se répandant alors grâce à une forte transmissibilité. Des cas de zoonose inverse se sont déjà été produits durant cette pandémie de COVID-19, notamment auprès d’élevages de visons du Danemark, contaminés par des hommes puis contaminant à leur tour leurs éleveurs, sans que l’on détecte à ce moment-là de mutations nouvelles du coronavirus. On n’a pas encore tranché quant à l’origine exacte d’Omicron, mais qu’importe, ce nouveau variant du SARS-CoV-2 s’est avéré une souche d’une très grande transmissibilité, plus encore que celle du variant Delta. Omicron a supplanté, comme ses prédécesseurs l’avaient fait auparavant, toutes les souches circulant auparavant, partout dans le monde. Arrivé en Europe au mois de décembre 2021, il n’a pas fallu quinze jours pour qu’il se développe comme une traînée de poudre un peu partout sur le vieux continent, ne laissant aucun répit à la dernière vague Delta de l’année qui a montré son pic avant Noël, sans que les fêtes ne connaissent la moindre accalmie.

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Les premiers rapports concernant Omicron ont rapidement été rassurants en Occident. Anthony Fauci, expert auprès de la Maison Blanche s’était même montré rassurant, le variant serait moins virulent que ses prédécesseurs. Certains étaient même enthousiastes, Omicron allait peut-être enfin nous sortir de la crise sanitaire. Nous allions être tous infectés par cette souche atténuée et ensuite nous serions immunisés collectivement et enfin libérés. Si les virus sont contagieux, l’optimisme l’est au moins autant, surtout lorsqu’on en a besoin, élections ou non, car il fait du bien à entendre. Il n’en aura pas fallu beaucoup plus pour que, tel un effet domino, la plupart des pays démocratiques du monde décident tour à tour de lever leurs mesures de restriction qui entouraient encore la lutte contre la pandémie de COVID-19. Finis les quarantaines, les tests obligatoires, les pass sanitaires ou vaccinaux, le port obligatoire du masque. Rangées aux oubliettes, tout ce qui aura jalonné notre année 2022, le goût enfin retrouvé de la vie d’avant. Est-ce que pour autant la pandémie s’en était allée ? Malheureusement, non seulement le virus n’a pas cessé de circuler en 2022, contredisant les chefs d’Etat les mieux informés, Joe Biden ayant déclaré en septembre que la pandémie était terminée, et même le Directeur Général de l’OMS qui voyait à son tour la ligne d’arrivée à un horizon proche. L’année 2022 est bien celle d’Omicron, aucun autre variant du SARS-CoV-2 n’ayant réussi à ce jour à battre le sous-variant Sud-Africain tant sa plasticité évolutive déjoue notre immunité hybride. Toute la population mondiale ou presque – nous n’avons pas encore parlé de la Chine – semble avoir été contaminée par Omicron en 2022. Un gigantesque réservoir de plus de 6,5 milliards d’êtres humains aura servi de marmite incubant dans sa soupe, plus de cinq cents sous-variants d’Omicron, dont un bon nombre possèdent des mutations qui convergent entre elles, portant sur les sites les plus stratégiques de la protéine Spike, celle qui permet au virus de s’accrocher puis pénétrer dans nos cellules. En déjouant ainsi notre immunité acquise par de précédentes infections ou par notre vaccin, les nouveaux sous-variants se succédant l’un après l’autre sans plus aucun répit désormas, ont pu à nouveau infecter une large proportion de la population et y provoquer decnouvelles vagues, puissantes et malheureusement destructrices. 2020 fut l’année de la sidération pandémique, sans vaccin ni traitement, et aura connu en France 65 000 morts, en faisant du COVID- 19 l’une des principales causes de mortalité dans sa population. L’année 2021, en plein déploiement du vaccin, aura encore connu 60 000 morts. L’année 2022, qui devait être celle de notre chance Omicron recouvrée, aura encore enregistré 40 000 décès du COVID-19, alors que toute la population ou presque était triplement quand ce n’était pas quadruplement vaccinée et avait été infectée quand ce n’était pas réinfectée par l’un des sous-variants BA.1, BA.2, BA.5 ou BQ.1.1 d’Omicron. Le cauchemar était loin d’être terminé. Certes on avait repris la vie comme avant, mais au prix élevé du sacrifice des personnes les plus fragiles et les plus âgées de la population. La première conclusion qui vient à l’esprit est que nous avons échoué collectivement dans nos politiques visant à contrôler les impacts de cette pandémie. Nous avons misé sur le seul vaccin pour nous débarrasser du problème. Nous avons certes atténué les conséquences du problème, mais nous devons encore lutter contre une maladie qui n’existait pas trois ans auparavant et qui continue à figurer dans les premières causes de mortalité de nos pays. D’autres avaient-ils fait mieux dans le monde ? L’Europe ? Elle a fait plutôt pire que la France dans son ensemble, déplorant près de 500 000 morts du COVID-19 durant la seule année 2022. Les USA ? 300 000 décès du COVID-19 durant la même période. Nous parlerons du cas de la Chine dans un prochain article. L’un des pays, voisin de la France sur le plan économique, social et politique, malgré sa démographie plus vieillissante s’en tire mieux, c’est le Japon. Avec 35 000 victimes en 2022, pour un pays de 126 millions d’habitants, aura connu en 2022 une mortalité rapportée à sa population deux fois moindre qu’en France. Le pays a ouvert prudemment ses frontières, repris une vie normale tout en conservant une attitude prudente vis-à-vis de la pandémie qui n’a jamais été considérée là-bas comme terminée. Le pays a rapidement été convaincu de la transmission du virus par voie aérosol et a davantage investi que les Européens dans le contrôle de la qualité de l’air intérieur, celui où se produisent plus de 95% des contaminations. Des applications sur smartphone vous indiquent dans quels magasins, salles de cinéma, bars ou restaurants les concentrations de CO2 y sont moins élevées qu’ailleurs, les personnes sont invitées à continuer à porter le masque… et le font.

2022 aura été pour le monde l’année Omicron, mais en Occident, cela aura aussi été une année blanche, celle où nous n’aurons rien appris de cette pandémie. Nous savons tous que le coronavirus se transmet quasi-exclusivement par aérosols mais on continue à nous proposer des solutions hydro-alcooliques sans investir dans la qualité de l’air intérieur. Nous savons tous que les personnes immunodéprimées sévères, qui doivent être plus de 500 000 en France, sont à très haut risque de formes graves en cas d’infection par Omicron, mais on continue à ne pas les tester lorsqu’elles « n’ont qu’un rhume » leur faisant perdre des chances de pouvoir bénéficier du Paxlovid aujourd’hui. Nous ne savons pas combien de personnes sont infectées par le coronavirus, combien ont ou auront des Covid longs, pas plus en France que dans les vestiaires de la Coupe du Monde de Football, parce que l’ignorance permet cette illusion de « vivre avec » et de « vivre comme avant ». L’un des pays les plus riches de la planète, l’une des économies les plus florissantes d’Europe est seulement incapable, après trois ans de pandémie, de savoir lorsqu’elle annonce le soir 50 000 cas de contaminations rapportées par COVID-19, si en fait il en est survenu 100 000, 500 000 ou un million le même jour, on n’est pas à la bordure du trait dans l’imprécision ici ! L’année 2022 fut celle de la faillite de la veille sanitaire en France comme dans la plupart des pays d’Europe, sauf au Royaume-Uni, reconnaissons-leur cet avantage, sans que cela ne trouble personne. L’année 2022 fut aussi celle de l’échec de la riposte solidaire contre la pandémie, d’une politique qui n’est pas parvenue à protéger les plus vulnérables de ses citoyens, et cela aussi ne semble troubler personne.

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