"Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin" : "pantalonnade", "baltringue", "pinard", "paltoquet", "vanne"<!-- --> | Atlantico.fr
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Stéphane Encel publie « Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin » aux éditions Le Passeur.
Stéphane Encel publie « Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin » aux éditions Le Passeur.
©MARTIN BUREAU / AFP

Bonnes feuilles

Stéphane Encel publie « Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin » chez Le Passeur éditeur. Pour la première fois, un guide réunit et explique l'argot de Kaamelott. Indispensable pour tous les accros de la série qui veulent se replonger dans ses dialogues truculents et hilarants. Extrait 1/2.

Stéphane Encel

Stéphane Encel

Stéphane Encel est Docteur en histoire des religions (Paris IV), auteur et conférencier. Il a publié Les Hébreux, en 2009, chez Armand Colin, et enseigne, notamment à l'ESG Management School, la culture générale ainsi que les inter-culturalités religieuses.

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Baltringue

— Comme vous m’avez tout l’air d’être un gros baltringue, je me permets ? [Nuptiae, Drusilla, L. VI]

Un masculin devenu ces dernières années plutôt féminin, mais toujours pour désigner du masculin… Quelqu’un qui n’est pas du milieu, donc un cave, mais aussi quelqu’un peu sédentaire. On retrouve donc ce mot chez les forains et dans l’univers du cirque. Je circonvolutionne, parce que l’origine est obscure, alors je vais m’en sortir en tirant d’abord sur une ambulance : Le Baltringue, dans lequel jouait Lagaf, en 2010, considéré, au-delà de ses 41 000 spectateurs, comme l’un des plus mauvais films du cinéma, en dépit de plusieurs acteurs talentueux : Philippe Cura, l’incroyable André de Caméra Café, le fou furieux Jean-Luc Couchard de Dikkenek (2005), et le so ‘ricain Ken Samuels, alias Bill Tremendous d’OSS 117… Tout ça pour dire qu’un baltringue est un tocard*, et qui d’autre que Lagaf  pour le jouer ? Non, je peux décidément pas terminer par ce nom… Alors imaginez Jean Rochefort en cardinal vicieux, camé, sanguinaire, sous un Louis XIV/José Garcia tantouzé* à mort, et s’écriant : « J’vais passer pour un baltringue ! » C’est dans Blanche (2002), de Bernie Bonvoisin…

Esgourdes

— Moi ça me bousille* les esgourdes, les sixtes !

[La Quinte juste, père Blaise, L. II]

Ça vaut pour la sonorité lourde et le puissant parfum de livre sorti d’un grenier où il séjournait depuis des décennies pour se retrouver sur l’étal d’une brocante de quartier… Très peu usité, ce mot se comprend tout de même, je pense, grâce au contexte et au pluriel  : « Ouvre bien tes esgourdes ! » ne peut renvoyer qu’aux oreilles. Enfin, je crois… À utiliser pour le fun !

Larbin/larbiner/larbinos

— Les larbins des cuisines se prennent deux volées par jour à cause de la bouffe* qui disparaît !

[La Kleptomane, Arthur, L. I]

— Il doit y avoir quatre-vingts larbins au château et c’est vous qui vous tapez la tambouille* ?

[La Tarte aux myrtilles, Léodagan, L. I]

— Entre le château et les fermes, il doit y avoir au moins cent cinquante larbins.

[Le Fléau de Dieu, Arthur, L. I]

— Il faudrait que vous fassiez péter* un signe, mais un truc commac* !

[Vox populi, Arthur, L. I]

— C’est la consigne pour les larbins, pas pour nous.

[Raison d’argent, Léodagan, L. I]

— Toute seule avec soixante larbinos !

[La Veillée, Arthur, L. III]

— Ah bah, bien. Je suis chef de guerre et je larbine comme avant.

— Tu portes ton uniforme, qu’est-ce que tu parles de larbiner ?!

[Dux Bellorum, Servius à Arthur, L. VI]

Je crois que tout le monde sera d’accord pour estimer que « larbin » est très péjoratif, et pour savoir qu’il s’agit d’un serviteur, avec tout ce que ça implique d’obséquiosité, de docilité, etc. D’où le larbinisme, décrivant une attitude générale. Larbins, grouillots*, clodos*, pécores*, voici les abysses de la société kaamelottienne !

Paltoquet

— Vous ne pouvez pas suivre la même ligne de conduite que le premier paltoquet venu. [Vox populi III, Bohort, L. IV]

Le mot fait précieux et ancien, typiquement du Bohort… Il renvoie au paletot, habit trahissant une basse condition, et qui d’ailleurs est lui aussi argotique : « J’ai chopé* l’mec* par l’paletot », nous dit Renaud ! Le paltoquet, déjà utilisé au début XVIIIe  siècle, est l’homme rustre, grossier, qui cependant a des prétentions à l’insolence ! La sonorité le traduit bien, même si l’insulte ne sera pas d’une folle efficacité en ce XXIe  siècle…

Pantalonnade

— Allons allons, douce amie, y a meilleur parti à tirer de cette pathétique pantalonnade.

[Lacrimosa, Merlin, L. VI]

— Une mascarade, sire ! Une… une pantalonnade éhontée !

[L’Avènement du sanguinaire, Bohort, L. V]

— Mais c’est une pantalonnade, là, ou quoi ?

[Le Périple, Yvain, L. V]

Ne criez pas à l’imposture ou la forfaiture, je reconnais que le terme n’est pas argotique ou jargonneux ; mais accordez-moi qu’il est tellement dans l’esprit arthurien, notamment par la voix de Bohort, que ce serait dommage de ne pas y laisser traîner ses guêtres… Oui, ça vient du pantalon, plus précisément de Pantalon ! Personnage vénitien de la commedia dell’arte, portant un collant rouge couvrant tout le corps, dont le nom deviendra le générique des habits portés à partir de la taille. Ses bouffonneries, comme celles de ses acolytes de la commedia, vont donner les pantalonnades, c’est-à-dire des scènes burlesques, risibles, orchestrées, mises en mouvement collectivement. Ça valait le coup ou pas ?…

Pinard

— Le pinard est immonde !

[Spiritueux, Arthur, L. II]

— Vous savez quoi, sire, on va commencer par se faire une saucisse grillée de trois pieds de long, avec un tonnelet de pinard chacun !

[Corpore sano II, le maître d’armes, L. IV]

— Le respect, ouais, mais mon pinard perso, non.

[Arturi Inquisio, Narses, L. VI]

Et nous revenons au vin, de plus ou moins bonne qualité… du pineau comme remarquable cépage, le pinard évoque cependant – par son suffixe peu flatteur – tout autant le mauvais vin de clodo* que le beauf qui l’accompagne de sauciflard, dans la grande imagerie d’Épinal du Français moyen ! J’utilise moi-même avec délectation le mot « pinardier », depuis que je l’entendis dans la bouche chaude et suave de Marielle, au sujet de Carmet, dans Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974)…

Vanne

— Super, mort de rire la vanne !

[À la volette, Arthur, L. I]

— Bon OK, on commence direct par les vannes…

— Ça, c’est… c’est une remarque.

[Le Médiateur, Lancelot au père Blaise, L. III]

— Je sentais que c’était le moment de faire une vanne, mais y a rien qui est sorti. [Les Chaperons, Perceval, L. IV]

— Non non non, s’il vous plaît, pas de vannes, pas de réflexions… [Le Choix de Gauvain, Arthur, L. IV]

La vanne peut-être bonne ou mauvaise, elle peut être moquerie, aussi. « Un mec comme Alphonse, il prend ça pour une blague ou pour une vanne, y s’marre ou y frappe » ! déclare Maurice Biraud, au sujet de Ventura, dans La Métamorphose des cloportes… Le masculin a cependant cédé la place au féminin – comme pour un/une clope –, mais y a-t-on gagné ?

Extrait du livre de Stéphane Encel, « Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin », chez Le Passeur éditeur.

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