Atlantico : Le 5 mars 1946, alors qu’il n’est plus Premier ministre de l'Angleterre, Winston Churchill évoquait, lors du discours de Fulton, le rideau de fer qui séparait le monde libre de l'Ouest de l'Europe de l'Est soviétique. Ce discours marque historiquement l'officialisation de l'entrée du monde dans la Guerre froide. Cette dernière durera jusqu'en 1991. 70 ans après le début de la Guerre froide, dans quelle mesure les relations entre l'Occident (Europe et Etats-Unis) et la Russie se sont –elles normalisées ?
Quels sont les principaux domaines de coopération et de dialogue ?
Florent Parmentier : La tonalité offensive du discours de Churchill s’explique par le fait qu’il était en dehors des affaires depuis juillet 1945. Contraint de s’allier à l’URSS de Staline pour gagner la guerre, ce partisan de la Realpolitik n’en demeurait pas moins un anti-communiste viscéral, inquiet de la domination soviétique possible en Europe, reprenant la ligne traditionnelle des Britanniques qui ont souhaité éviter l’émergence d’une quelconque puissance hégémonique en Europe au moins depuis Napoléon.
Cette manifestation officielle de la Guerre froide ne fait donc qu’officialiser un état de fait : les Etats-Unis comme l’Empire britannique se méfient grandement de l’URSS, à la vue notamment des développements des démocraties populaires. Alors que les Soviétiques pensent être dans leur bon droit en constituant un glacis protecteur contre l’Allemagne et les puissances occidentales, les Occidentaux constatent avec inquiétude ce qu’ils considèrent être l’appétit grandissant des Soviétiques. André Fontaine, l’ancien directeur du journal le Monde, considérait pour sa part que la Guerre froide avait en réalité commencé en 1917 dans la mesure où ce régime trouvait sa légitimité dans son hostilité aux valeurs occidentales ; le cordon sanitaire décidé par les alliés en 1919 pour bloquer l’expansion du communisme semble s’inscrire dans sa perspective.
La date de 1991 que nous retenons comme la date de la fin de la Guerre froide est elle aussi contestée : on peut la retenir pour l’Europe avec la chute de l’URSS, mais les démocraties populaires ont commencé à s’effondrer dès 1989. En outre, on peut considérer que la Guerre froide continue en Asie, comme en témoigne l’absence de réunification entre les deux Corées, ou les tensions autour de la Chine aujourd’hui.
La Russie indépendante en 1991 a alterné plusieurs phases dans ses relations avec les Etats-Unis et les Européens : la volonté initiale de rapprochement était forte, la Russie souhaitant alors rejoindre le club des pays occidentaux. Malheureusement, l’effondrement économique et politique du pays, combiné à une politique perçue comme hostile à l’égard des intérêts russes ont gâché cette occasion historique de rapprochement à Moscou. Dès avant Poutine, la Russie a commencé à se raidir sur la question de sa puissance internationale. Les mandats de Vladimir Poutine ne sont pas non plus unanimes : le rapprochement après le 11 septembre a laissé place à une montée des tensions après la Guerre en Irak. La présidence Medvedev et l’arrivée d’Obama ont pu faire croire au redémarrage (le "reset"), mais celui-ci n’a pas résisté aux incompréhensions multiples, et encore moins à la guerre en Ukraine.
De fait, depuis 2014, les relations ne sont pas normalisées entre les Etats-Unis et la Russie, même si des coopérations existent, en matière de contrôle des armements nucléaires, sur la question iranienne ou de lutte contre le terrorisme.
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