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Capitalisation et retraites par points : l’énorme hypocrisie des syndicats français
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Je t’aime, moi non plus

Les retraites par capitalisation ou par points sont présentées comme de véritables repoussoirs, des épouvantails à faire fuir des crocodiles à tire-d’aile par certains activistes dont les noms sont bien connus : la CGT, FO, la FSU, pour les enseignants, ou encore Solidaires.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Cette présentation sous forme d’épouvantail donne d’ailleurs lieu à de vraies fake news complotistes, comme le prétendu rôle du fonds BlackRock dans l’élaboration de la réforme. Mais, quand on gratte un peu, on s’aperçoit que l’opposition prétendue de ces syndicats est largement en trompe-l’oeil.

Capitalisation, régime par points, ces expressions sont devenues des gros mots pour tous ceux qui demandent le retrait immédiat de la réforme proposée par Emmanuel Macron. Les pires fantasmes complotistes commencent d’ailleurs à circuler sur son inspiration.

Le complotisme de la capitalisation vu par France Confiture Culture

On trouvera sur le site de France Culture un article proche du complotisme dénonçant l’influence des fonds de pension dans la réforme par points. Sous le titre évocateur de « Retraite par points : une opportunité pour BlackRock, Amundi, Axa IM, BNP Paribas Asset management, etc. », la radio de « service public » suggère que les fonds de pension auraient guidé la réforme, avec des phrases du genre :

"Emmanuel Macron croit en la finance, et la finance croit en lui pour ouvrir la France à de nouvelles pratiques financières".

Cette pure assertion sans aucune base factuelle donne le ton et permet de conclure :

"Il y a clairement un marché à créer. Or ce marché, ce que prévoit la retraite à point pour les revenus au delà de 10 000 euros par mois, peut le faire advenir".

A aucun moment, le « journaliste » auteur de ces lignes ne fait remarquer que la France porte le régime obligatoire par répartition d’environ 3.000 euros de revenus mensuels à 10.000 euros, ce qui est directement contradictoire avec les intérêts des fonds de pension. Mais l’objectivité ne faisant pas partie, manifestement, de la déontologie du journaleux de France Confiture, on oubliera vite ce point pour nourrir la conviction chez le lecteur qu’il existe un complot dans l’ombre inspiré par les fonds de pension.

Les fonds de pension sont-ils si horribles qu’on le dit ?

Il est donc devenu d’usage, désormais, de prétendre que la réforme de Macron est un premier pied posé dans l’univers hostile de la retraite par capitalisation et des monstrueux fonds de pension. Cette croyance savamment fabriquée faute de reposer sur le moindre élément de vérité est volontiers propagée par des syndicats contestataires qui en demandent le retrait immédiat.

L’ironie de l’histoire veut que ces mêmes syndicats soient de vaillants et zélés administrateurs… de fonds de pension alimentés par le contribuable pour le grand bénéfice des fonctionnaires. Depuis 2005, l’ERAFP, l’Etablissement pour la Retraite Additionnelle de la Fonction Publique, reçoit en effet près d’un milliard par an pour capitaliser la retraite complémentaire des fonctionnaires.

On retrouvera, dans le conseil d’administration de ce fonds de pension, cette jolie brochette de syndicalistes :

Comme on le voit, les syndicats qui dénoncent la réforme Macron, comme la FSU, Solidaires, FO ou la CGT, ne se gênent pas pour siéger dans cette institution qui pratique la retraite par capitalisation.

Fais ce que je dis, mais ne fait pas ce que je fais.

FO et la Prefon, ou les petits mensonges entre amis

Pour le reste, la fonction publique dispose d’une autre régime par capitalisation, volontaire celui-là, appelé la PREFON. Il s’agit en fait d’une création spontanée datant de 1964. A cette époque, quatre syndicats : FO, la CFDT, la CFTC et la CGC, s’étaient ligués avec des assureurs privés pour proposer un fonds de pension aux fonctionnaires…

Depuis cette époque, ce système mène sa barque et promeut la retraite par capitalisation auprès de fonctionnaires qui sont souvent les premiers à la dénoncer chez les autres. Curieusement, on ne trouve aucun article de France Confiture ou de Libération pour mettre en lumière la soumission des syndicats de salariés, y compris le très contestataire FO, aux lobbies de la finance.

FO et la CGT si friands de retraite par points

Enfin, pourquoi tant de haine contre la retraite par points ? A écouter les syndicats contestataires, ce système serait démoniaque et permettrait les pires truanderies. Mais c’est oublier un peu vite que les mêmes syndicats siègent depuis toujours aux conseils d’administration de l’AGIRC et de l’ARRCO, régimes de retraite par répartition… et par points.

Si FO et la CGT ont refusé de signé l’accord de 2015 créant l’équivalent d’un âge-pivot, ils n’ont guère de scrupule à gérer celui-ci depuis cette date.

Pourquoi  ces régimes si courants deviennent-ils subitement un objet de détestation, alors qu’ils ont été créées en leur temps sur des initiatives syndicales et sur le modèle de ce qui existait dans les années 30, et qui continue d’inspirer les régimes spéciaux ?

Mystère et boule de gomme.

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