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Cher Canard, le livre de Christophe Nobili
Cher Canard, le livre de Christophe Nobili
©JCLattès

À travers la presse enchaînée 

Pour avoir un peu trop incarné l’esprit du Canard enchaîné au Canard enchaîné, Christophe Nobili, caneton de compète, se retrouve noyé dans un drôle de marigot. On comprend qu’il la trouve saumâtre...

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Christophe Nobili, journaliste au Canard enchaîné depuis quelque dix-huit ans, célèbrera-t-il ses noces de porcelaine avec le palmipède ? Rien n’est moins sûr : ses patrons, qui ne tarissaient pourtant pas d’éloges lorsqu’il leur offrait à la becquée, entre autres scoopinets, la fameuse affaire Fillon, ne l’ont désormais plus vraiment à la bonne et chercheraient même à le muter au bulletin d’info de Pôle emploi

C’est que ce grand naïf, emporté par son élan, s’est permis de découvrir un « Edithgate » en tout point comparable au « Penelopegate » au sein même de sa rédaction, ne s’est évidemment pas contenté de passer poliment son chemin, et se retrouve désormais tout seul à l’heure du déjeuner en attendant pire.

Pour la faire courte, et parce que je vous encourage à lire le bouquin qu’il vient d'écrire depuis son placard plutôt qu’un digest de mon cru, cet investigateur chevronné s’était étonné –d’abord en interne, gentiment, puis publiquement– que son journal puisse rémunérer, un quart de siècle durant, une parfaite inconnue au même tarif que Penelope Fillon à La Revue des Deux-Mondes au seul motif qu’elle était la compagne d’un dessinateur retraité accessoirement cul-et-chemise avec la grand-chefferie.

3 millions d’euros, qu’elle aurait coûté, cette amusante plaisanterie entre vieux camarades… De quoi s’acheter quelques kilos de duvet. 

Mais parlant de camarades, c’est surtout sur la réaction des collègues que j’aurais envie de m’étendre une minute. Oh, je passerais rapidement sur le cas des légitimistes sans états d’âme qui, dans toute organisation, privilégient systématiquement le côté du manche – ceux-là ne sont pas très intéressants. De fait, je me pencherais plutôt à la psyché d’une ribambelle de justiciers à plumes qui, de mercredi en mercredi, traquent, généralement avec raison et talent, la faute chez les puissants puis assurent la main sur le cœur qu’ils ont piscine le jour où c’est à la maison que ça se met à turpider.

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Alors bien sûr, ils ont des raisons de ne pas vouloir faire vaciller la barque. De très bonnes raisons, même. Un peu comme un flic intègre qui, découvrant qu’un ripoux s’en met plein les fouilles ou les narines dans le bureau voisin, préférerait la boucler parce que ce serait mauvais pour la réputation de l’institution : « Hé ho, Nobili, ça va pas le teston ?! Que diront les lecteurs s’ils apprennent qu’on fait, nous aussi, dans l’abus de bien social et l’enrichissement à l’occasion ? Ils n’auront plus confiance en nous ! Ils se désabonneront ! A la place, ils prendront Pif Gadget pour ses grandes interviews politiques ! Allez, sois adulte et remets ton histoire dans ta culotte ! ».

Hum, eh bien, à ce stade, les lecteurs, il me semble, ils disent plutôt des trucs du genre : « Le Canard enchaîné, c’est pas rien, c’est important ! Une sorte de Mediapart papier mais en rigolo et honnête, quoi… Mais c’est aussi une organisation humaine, tout le monde n’y est pas toujours nickel. Alors quand un type en interne met le doigt sur une saloperie, on ne le fout pas à la porte, on n’en fait pas un paria. Au contraire, on rectifie la saloperie, on oriente les branches pourries vers la retraite et on se félicite en Une d’être toujours les rois du ménage, dedans comme dehors ».

Le Canard, même avec du plomb dans l’aile, s’en serait relevé plus facilement qu’en passant pour un hypocrite et un pharisien. C’est que c’est costaud, un canard...

Cher Canard, Christophe Nobili, JCLattès, 250 pages, 20€

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