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Neuralink : que retenir de la première démonstration de son interface cerveau-ordinateur ?
©Neuralink / AFP

Minute tech

Noland Arbaugh, 29 ans et tétraplégique, est parvenu à déplacer une souris d'ordinateur par la pensée grâce à l'implant Neuralink posé en janvier

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico: Un jeune homme paralysé de 29 ans, le premier humain à bénéficier d’une implantation neuronale de type Neuralink, a fait l’objet d’un stream ce mercredi 20 mars. Il s’est avéré capable de contrôler son ordinateur par la pensée. Que faut-il retenir de cet événement ?

Laurent Alexandre : Commençons par rappeler que le dispositif Neuralink installé sur ce jeune homme n’est pas le premier à montrer de tels résultats. Nous avons déjà observé des résultats équivalents dans le passé, c’est-à-dire des gens capables de commander un appareil électronique ou même un bras robotisé à l’aide d‘un implant cérébral. La différence fondamentalevient du fait qu’Elon Musk a l’intention de sortir une gamme complète de prothèses intracérébrales et qu’il compte industrialiser le processus. L'entrepreneur a d’ailleurs fait savoir, le jour du test, qu’il avait commencé à implanter des singes aveugles de naissance dans le but de leur  donner la vue.

N’oublions pas qu’Elon Musk, qui est par ailleurs le patron de Space X, n’a pas inventé les fusées. Cela ne l’a pas empêché d’écrabouiller, de ridiculiser même, Arianne. Il envoie des milliers de satellites en orbite quand Ariane, en 2023, n’aura réussi que trois vols. Sa capacité à industrialiser les secteurs sur lesquels il se décide à travailler est réelle : il est aujourd’hui le propriétaire d’environ 75% des satellites qui tournent autour de la terre. Il y a fort à parier, dès lors, qu’il parvienne à faire drastiquement chuter les coûts des implants intra-cérébraux comme cela a été le cas pour l’industrie aérospatiale.

Quels sont les enjeux qu’une telle réalité soulève ? En augmentant ainsi les volumes et en baissant les coûts, faut-il s’attendre à ce que de tels produits soient accessibles à tous ?

Pour l’heure, c’est la Food and Drug Administration (FDA) qui distribue les autorisations aux Etats-Unis. De tels produits n’ont été approuvés que dans le cadre d’une action corrective, visant à réparer une connexion défectueuse ou à guérir une pathologie.  L’objectif d’Elon Musk est beaucoup plus ambitieux. Il envisage déjà l’étape d’après : l’augmentation. C’est d’ailleurs ce qui l’a poussé à quelques discussions très houleuses avec Larry Page, le patron de Google, dont la vision s’oppose à celle d’Elon Musk.

En résumé, Elon Musk envisage l’augmentation de l’intelligence humaine parce qu’il estime nécessaire de la défendre contre l’intelligence artificielle. Larry Page estime, pour sa part, qu’il est temps d’admettre que l’être humain n’est plus l'espèce la plus intelligente sur Terre. Neuralink est supposé, à terme, devenir une réponse à ce problème. Il importe tout de même de préciser qu’aucune technologie ne permet, à ce jour, d’améliorer l’intelligence d’un individu.

Faut-il penser que, à terme, la technologie Neuralink permettra effectivement d’augmenter le degré d’intelligence des individus équipés ? Où cela passera-t-il par un autre appareil encore ?

L’amélioration de l’intelligence humaine ne passera pas par le dispositif Neuralink actuel. D’autres dispositifs, plus complexes, seront construits spécifiquement à cet effet. Ne perdons pas de vue que  Neuralink demeure assez simple d’un point de vue neurotechnologique. C’est un implant qui permet de commander un robot ou bien un ordinateur par la pensée. Comparer une telle réalisation à l’effort que représenterait l'augmentation des capacités intellectuelles de la population, conduit à reconnaître que le premier est nettement plus simple que le second.

Les capacités de Neuralink se limitent aujourd’hui à un contrôle exercé par la pensée sur certains dispositifs électriques. A terme, il devrait peut-être permettre de redonner la vue à des aveugles, y compris pour certains qui n’ont jamais vu de leur vie et permettre aux paralysés de remarcher. L’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse) et le Commissariat à l’Energie Atomique ont  déjà réussi à faire marcher des paraplégiques 2023. Pour y arriver, on fabrique un pont électronique entre le cerveau et le bas de la moelle, en aval de la section médullaire.

Quels sont les éventuels risques inhérents à ce type de technologie qu’il convient de nommer ?

Il y a de nombreuses d’inquiétudes inhérentes à aux neurotechnologies. Elles ont été résumées par l’Académie française de médecine, le 13 décembre 2023. 

Dans son communiqué, l'Académie  fait état du risque de dépendance que de tels implants pourraient entraîner vis-à-vis des géants du numérique.Elle souligne aussi le danger d’une société à deux vitesses entre des gens plus intelligents, parce qu’ils ont été technologiquement augmentés, et une population générale qui n’autait pas pu bénéficier de telles améliorations.

Il m’apparaît évident que, lorsqu’il est question de faire marcher des paraplégiques, de permettre à des individus paralysés de contrôler un ordinateur par la pensée ou de rendre la vue à des aveugles, il n’y a pas de débat à avoir. Les gains potentiels pèsent bien plus lourd que les dangers. En revanche, quand on envisage une augmentation intracérébrale, la question devient plus complexe mais nous avons le temps d’y réfléchir. La prothèse intracérébrale qui transformera un idiot en astrophysicien n’existe pas dans le monde réel… et ne sera certainement pas disponible demain matin.

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