Mouvements indépendantistes en Europe : la grande évaporation ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La première ministre écossaise et chef du Parti national écossais, Nicola Sturgeon, prend la parole lors d'une conférence de presse à Édimbourg où elle a annoncé qu'elle quitterait ses fonctions.
La première ministre écossaise et chef du Parti national écossais, Nicola Sturgeon, prend la parole lors d'une conférence de presse à Édimbourg où elle a annoncé qu'elle quitterait ses fonctions.
©Jane Barlow / POOL / AFP

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La première ministre écossaise démissionne et avec son départ, c’est le dernier des grands mouvements (Catalogne, Flandres, Padanie, etc…) de séparation au sein des États européens qui semble s’éteindre.

Benoît Vaillot

Benoît Vaillot

Benoît Vaillot est Professeur agrégé et docteur en histoire. Historien et politologue.

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Atlantico : La première ministre écossaise Nicola Sturgeon démissionne. Avec son départ, le dernier des grands mouvements de séparation au sein des États européens semble s’éteindre. Qu’en est-il exactement ?

Benoît Vaillot : L’échec que l’on semble percevoir est une vision en trompe l’œil. La réussite politique de ces mouvements en Europe et du SNP en particulier, c’est justement d’avoir réussi à imposer la question politique de l’indépendance et d’être allé jusqu’au bout du projet politique en organisant le référendum. Il y a effectivement des démissions partout dans les partis historiques qui ont mis sur la table la question, mais cela ne veut pas dire que l’enjeu va disparaître. Aujourd’hui, on assiste à une course à l'échalote dans toutes les strates traversées par les ethno-nationalistes qui fait que les revendications d’autonomie ou d’indépendance sont de plus en plus reprises par les partis classiques. Si les plus jusqu’auboutistes en Catalogne ou en Ecosse ont échoué à obtenir l’indépendance, ils ont forcé tous les autres partis à avoir un avis sur la question et à être plus autonomiste, pour ne pas se laisser distancer. En Corse, vous aurez du mal à trouver des partis demandant une recentralisation. Même les communistes corses se revendiquent comme autonomistes. Donc il y a bien une défaite nette des partis historiques qui ont posé la question, mais leurs idées, elles sont plus répandues. De la même manière que les écologistes n’ont jamais été au pouvoir, mais tout le monde doit parler d’écologie et se dire écologiste aujourd’hui. La Flandre est un très bon exemple de cette diffusion. Ils n’ont pas obtenu l’indépendance mais, à l’heure actuelle, il n’y a plus aucun parti national belge présent sur le territoire. Ce sont des partis écologistes et socialistes flamands, des partis de droite flamands, etc. Tout a été régionalisé. Et l’Ecosse suit le même chemin. Donc très clairement le SNP perd de l’influence avec la démission de Sturgeon, mais il peut se satisfaire d’un bilan politique positif. Si l’on se penche sur la Bretagne, les socialistes et les écologistes reprennent les arguments ethno-régionalistes, sans que ces derniers n’aient jamais été au pouvoir.

On a le sentiment qu’il n’y a plus de grands mouvements demandant l’indépendance. Est-ce que l’autonomisme a consumé l’indépendantisme ?

Je ne le pense pas. Il est même possible que nous soyons en train de reculer pour mieux sauter. Les autonomistes – qui veulent rester dans le cadre national mais avec des prérogatives importantes - mettent systématiquement en avant que s’ils ne sont pas écoutés, il y aura l’indépendance. Leur discours consiste à dire : « donnez-nous toujours plus, pour que nous nous rapprochions de l’indépendance, afin d’éviter la pleine indépendance ». C’est un chantage constant de la périphérie envers le centre. Les autonomistes et les indépendantistes, c’est good cop et bad cop. Ce n’est pas une opposition, mais un continuum. Une différence de degré, mais pas de nature. Les indépendantistes d’aujourd’hui sont les autonomistes d’hier. Le SNP, la gauche catalane, etc. n’étaient pas indépendantistes à l’origine.

Quel est le soutien actuel à l’indépendantisme dans les populations concernées ?

Les cas de figure sont très différents mais on observe une tendance à une plus forte identification des électeurs à l’échelon territorial dont il est question d’autonomie ou d’indépendance. Dans son dernier livre, La France en miettes, Benjamin Morel montre bien que le taux de Bretons se déclarant Bretons avant d'être Français est passé de 19,2 % en 1990 à 30,7 % en 2000 et 38 % en 2019. Les États nation Belge, Français, Espagnol, Britannique, dans leur grande diversité, ont tous concédé des prérogatives politiques importantes aux espaces en proie à un mouvement sécessionniste : pouvoirs exorbitants de droit commun en Catalogne, parlement régional en Ecosse, dévolution quasi-complète des pouvoirs de l’État belge à la Flandre, etc. La Corse est aujourd’hui le territoire européen où l’identification au territoire plutôt qu’à la nation est le plus fort, même si les partisans de l’indépendance restent minoritaires.

Face au retour de la guerre, la crise écologique, énergétique, l’inflation, etc. est-il possible que l’indépendantisme soit passé au second plan ?

Les mouvements indépendantistes ont prospéré en profitant du mythe de la mondialisation heureuse et de sa promesse d’un monde sans frontière (donc pourquoi s’embarrasser d’un État nation ?) et on profité de l’idéologie supranationale européenne. En comptant aussi sur la paix promise par le grand marché mondial. Il y avait l’illusion qu’il n’y avait plus de gravité sur la scène internationale et que tout était heureux, on pouvait alors s’entredéchirer sur des détails. Mais la guerre à nos portes, les tensions majeurs sur différents pans de notre économie forcent à un retour au sérieux de l’État. Cela fait réaliser qu’il y a bien plus à gagner au sein de l’État-nation qu’en en sortant. Nous sommes face à la fin du monde de la mondialisation joyeuse et la gravité des enjeux relègue la question indépendantiste au second plan.

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