Les HPI ont des talents… comme tout le monde<!-- --> | Atlantico.fr
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De grandes entreprises ont par exemple favorisé la création de club interne de surdoués pour qu’ils puissent échanger entre eux sur leurs difficultés professionnelles.
De grandes entreprises ont par exemple favorisé la création de club interne de surdoués pour qu’ils puissent échanger entre eux sur leurs difficultés professionnelles.
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Facteur humain

La semaine prochaine est diffusée la nouvelle saison HPI, la série à succès de TF1, une bonne occasion de tordre le cou au mythe du surdoué associable et malheureux, et de peut-être en finir avec le lucratif business qui y est associé.

Anne Weber

Anne Weber

Anne Weber a fondé IN MEN WE TRUST, un cabinet de conseil et organisme de formation spécialisé dans la conciliation de l'humain et de la performance.

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Morgane Alvaro, le personnage principal, est une surdouée relativement dysfonctionnelle qui grâce à ses capacités d’analyse a été repérée par la PJ de Lille avec laquelle elle est amenée à enquêter.

La série bien ficelée est divertissante et plaisante à regarder. Ce serait une série sympathique de plus si elle ne contribuait pas par son succès à nourrir la légende noire des surdoués (1), et à avoir des répercutions dramatiques bien réelles dans la vie courante.

HPI, HQI, etc.

Les dénominations dans les médias pour parler des personnes ayant une intelligence supérieure à la moyenne sont nombreuses, douance, précocité intellectuelle, HPI (Haut potentiel intellectuel), HQI (Haut quotient intellectuel), zèbres, surdoués, etc.

Elles y sont décrites généralement comme curieuses de tout, recherchant la complexité, ayant une intuition assez développée, une grande créativité, une hypersensibilité émotionnelle, et un perfectionnisme poussé. Le tout se doublant de difficultés scolaires puis professionnelles, leur fonctionnement atypique les conduisant souvent à l’échec…

« C’est un neurotypique ! »

Cela sonne comme une insulte ? Dans la bouche d’un de mes clients cela l’était bien.

Mécontent d’avoir comme retour qu’il devait travailler plusieurs points pour pouvoir mieux accompagner ses équipes et gagner en performance, il a préféré se tourner vers l’accompagnement par un cabinet spécialisé en leaders « à haut potentiel intellectuel ».

Et miracle, le problème ne venait pas de lui mais de ses équipes et notamment d’un chef d’atelier au comportement « tellement neurotypique » et donc « incapable de comprendre » (2).

Ce n’est qu’une illustration d’une posture de « grands incompris » qui est problématique pour tout le monde, les surdoués (réels ou supposés) et les autres.

Dans la série, Morgane Alvaro, est peut-être surdouée mais c’est surtout une chieuse impulsive et malpolie. Lui donner comme excuse son intelligence ne l’aide en rien à avoir une vie plus épanouie. Au contraire cela l’enferme dans un personnage asocial et crée un fossé entre les surdoués et le reste de la population.

Un mythe qui a la vie dure

Cette « Légende noire » des surdoués a été décortiquée avec grand sérieux par Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives et Nicolas Gauvrit, mathématicien et statisticien (3). Cette légende est d’autant plus surprenante qu’un siècle de recherches sur l’intelligence générale a montré que les scores de QI montrent systématiquement « des corrélations positives avec la réussite scolaire, la performance dans l’emploi, avec les revenus, la santé, l’espérance de vie. Autrement dit, l’intelligence semble être de manière générale un facteur positif dans la vie des gens, quelques soit l’aspect de la vie considérée (4). »

Surdoués réels ou supposés...

De grandes entreprises ont par exemple favorisé la création de club interne de surdoués pour qu’ils puissent échanger entre eux sur leurs difficultés professionnelles. On y retrouve souvent mélangés des personnes ayant des troubles bien réels (Dyslexie, Déficit de l’attention, etc.) et des personnes se déclarant à haut potentiel et se sentant incomprises.

La plupart des regroupements de surdoués ne demande aucune preuve de douance pour pouvoir s’y inscrire. Club d’entreprise, groupe sur les réseaux sociaux, associations de parents d’enfants précoces… se reconnaître dans la description générale suffit (5).

En France nous n’avons pas comme dans d’autres pays de campagne systématique de test de la population pour identifier les personnes HPI. Les tests reconnus de QI étant payants (6), les Français passant les tests le font souvent suite à la recommandation de psychologues spécialisés.

L’immense majorité des surdoués français, elle s’ignore. Heureuse et sans problématique particulière, ces surdoués « invisibles », n’ont jamais éprouvés le besoin de passer un test.

Une souffrance bien réelle

Si l’intelligence n’est pas en cause, faut-il pour autant railler la souffrance décrite par certains ? Absolument pas. Difficulté à gérer une hypersensibilité, pensées foisonnantes, hyperactivité, sont autant d’éléments à prendre au sérieux.

Les difficultés décrites dans les articles parlant de la détresse des HPI sont liées à une autre cause. Qui elle n’a rien à voir avec un niveau de QI, et que l’on peut retrouver dans la population générale.

À l’origine des difficultés, souvent des talents non maitrisés

Nous sommes tous uniques (7), c’est un fait scientifiquement établi. Tant par notre physique que par nos traits de caractère, nos aptitudes naturelles.  

Nous possédons tous une combinaison unique de talents naturels qui est un des fondements de notre personnalité.

Cette unicité est incommensurable car il faudrait visiter des dizaines de milliers de planètes peuplées comme la terre pour avoir une chance de rencontrer quelqu'un avec la même personnalité.

Pourtant cette unicité est peu ou pas prise en compte dans la société française, que ce soit à l’école ou en entreprise, et nous sommes nombreux à ne pas avoir les clefs nous permettant de tirer le meilleur parti de nos talents naturels (8).

Souvent cela ne pose que peu ou pas de problème. Nos talents sont souvent faciles à maitriser et ne provoquent pas de grandes incompréhensions interpersonnelles.

Il en va autrement pour un petit nombre de talents, tout aussi intéressants et utiles que les autres, mais plus difficiles à maitriser quand on ne les a pas identifiés.

Par exemple le talent d’être à l’aise avec les problèmes et d’avoir une énergie créative pour les résoudre, le talent de savoir calculer des scénarios en situation complexe, le talent de ressentir les émotions des autres comme si c’était les siennes, le talent d’impulser le passage à l’action, etc

Ces aptitudes, comme tous les talents, peuvent être de grandes qualités si on les maitrise, comme de gros défauts si on les ignore.

Non maitrisés les talents de la liste ci-dessus donnent des gens râleurs, procrastinateurs, hyperémotifs, hyperactifs, etc

Quand un individu possède un ou deux de ces talents, souvent il s’en accommode sans difficulté, mais quand leur nombre devient élevé, cela peut devenir compliqué de fonctionner de façon fluide avec les autres. Et cela surdoué ou pas.

Nous avons tous de grands talents naturels qu’il convient comprendre et maitriser pour n’en garder que le bon côté.

Comprendre ce qui fait de chacun de nous à la fois un être humain comme les autres, et un être unique différent de tous les autres, est une piste prometteuse pour enfin mettre fin à la légende noire des surdoués.

(1)    Du nom de l’ouvrage de Franck Ramus et Nicolas Gauvrit publié en 2017 « La légende noire des surdoués » suivi en avril 2023 de l’article « La légende des Surdoués, suite et fin ».

(2)    Pour connaître ce chef d’atelier, il est humain et efficace, doué notamment d’un grand talent pour anticiper les risques et mettre en routine les éléments répétitifs pour gagner en performance. Un maillon précieux pour l’entreprise en question. L’histoire termine bien, il a conservé son poste et le « surdoué incompris » a depuis quitté l’entreprise.

(3)    Franck Ramus est chercheur en sciences cognitives et directeur de recherche au CNRS. Il dirige l'équipe « Développement cognitif et pathologie » au sein du laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique, rattaché à l'École normale supérieure de Paris, une grande partie de ses travaux peut être consultée sur son blog https://ramus-meninges.fr. Nicolas Gauvrit est un universitaire, mathématicien français spécialisé en sciences cognitives et en psychologie.

(4)    Pour retrouver l’intégralité des études se référer à l’article La pseudoscience des surdoués, publié le 3 février 2017 sur https://ramus-meninges.fr qui est la version intégrale d’un article publié dans la Recherche en mars 2017.

(5)    Il existe quelques associations pour lesquelles la qualité de membre est conditionnée à la réalisation d’un test de QI et l’obtention d’un score minimum. On peut citer Mensa ou la Triple Nine Society Voir exemple ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Mensa ou https://fr.wikipedia.org/wiki/Triple_Nine_Society ).

(6)    Seuls des psychologues habilités à les faire passer peuvent attester de résultats fiables. Il faut en général compter 350 euros pour un bilan.

(7)    « Nous sommes tous uniques », c’est par cette petite phrase écrite sur un immense mur blanc que commence l’exposition permanente du musée de l’Homme à Paris.

(8)    Un talent est une aptitude naturelle humaine à percevoir, agir, penser, influer, interagir, qui, appliquée de façon productive, procure du plaisir et de la performance. Chaque individu possède une combinaison unique de talents. Définition Anne WEBER 2013 (Évolution de celle de Markus Buckingham & Vosburgh de 2001 telle que citée dans l’ouvrage de Pierre-Michel Menger Le talent en débat).

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