Il faut montrer les images du 7 octobre<!-- --> | Atlantico.fr
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Vue d'un kibboutz après les massacres du 7 octobre.
Vue d'un kibboutz après les massacres du 7 octobre.
©Thomas COEX / AFP

Voir pour comprendre

Quiconque pense avoir un avis à donner sur ce qui s’est passé le 7 octobre devrait savoir de quoi l’on parle exactement.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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J’ai changé d’avis au sujet des images du 7 octobre. Jusqu’à présent, je me disais qu’il n’était pas nécessaire de les montrer, que les gens avaient saisi la nature de ce déchaînement de violence hallucinée. Que ce serait de la curiosité malsaine et peut-être même la marque d’un grave manque de respect à l’égard des victimes et des familles.

Moi-même, je n’avais pas spécialement envie de les regarder.

Qui souhaiterait, après tout, voir son fils, sa mère ou son grand-père étripé ou décapité en boucle à la télé et sur les réseaux sociaux sous "prétexte" de "plaidoyer", pour reprendre le champ lexical de Mélenchon et d'Amnesty ? Qui souhaiterait voir ces images détournées en "mèmes" TikTok avant d’être moquées, contestées, salies, accusées d’être manufacturées sur ChatGPT ?

Pas grand monde je suppose. Pas grand monde j’espère.

Mais j’observe la transformation d’Israël et, bien au-delà désormais, des juifs eux-mêmes, qu’ils soient français, américains, javanais ou bulgares, en objets de détestation progressiste par essence, au côté du glyphosate, de l’accord du pluriel au masculin, des 4X4 diesel et de l’autoroute A69. Sur Twitter, je scrolle sans fin d’un arrachage de posters à l’effigie de bébés kidnappés à une manif de bourgeois-gentilhommes exigeant une "Palestine du fleuve à la mer" bien qu’infoutus de citer les noms du fleuve et de la mer en question. Sur Facebook, j’entends Greta "How Dare You" Thunberg évoquer un "linkage" entre Palestine et réchauffement climatique

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J’observe surtout la manière dont la dimension littéralement exceptionnelle de l’événement a été évacuée pour être instantanément remplacée, au moins sous nos latitudes, par le narratif fatigué du "nouvel épisode dans le conflit israélo-palestinien", avec ses clubs de supporters, ses récits de matches majeurs à travers l’histoire, ses rappels des points marqués et des erreurs d’arbitrage…

Business as usual, rien de neuf sous le soleil.

Je ne crois pourtant pas qu’il s’agisse de ça. Ou alors plus seulement. Il y a la guerre bien sûr, et le bourbier territorial et géopolitique dans lequel les deux voisins sont empêtrés depuis des décennies, mais aussi cette autre situation : un territoire, Gaza, intégralement débarrassé de ses "sionistes" en 2005, passé sous la coupe d’un Daesh levantin l’année suivante, et depuis lequel se sont élancés, il y a un peu plus d’un mois maintenant, une horde de massacreurs enthousiastes à peu près aussi préoccupés par la création d’un État palestinien qu’Al-Qaida n’est attachée à la souveraineté du Mali ou Boko Haram à l’indépendance du Nigéria.

Est-ce que montrer l’horreur crue, le sang, les corps démembrés, les têtes découpées à la bêche, ça sert vraiment à quelque chose ? Est-ce que ça peut suffire à édifier les Guiraud, les Corbyn, ou même les cuisinières influenceuses d’Instagram sur ce qui distingue "la branche armée d’un mouvement de libération" d’une bande de barbares saoulés de prêches et de captagon ? Je n’en sais rien mais ça se tente. Bernanos disait bien que le nazisme avait déshonoré l'antisémitisme...

Et si le 7 octobre n'est réellement qu'un "nouvel épisode" de quoi que ce soit, c'est à un autre feuilleton qu'il appartient.

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