COP 28 : le côté sombre de la finance du climat et de la transition énergétique<!-- --> | Atlantico.fr
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La COP 28 s'ouvre à Dubaï cette semaine, photo AFP
La COP 28 s'ouvre à Dubaï cette semaine, photo AFP
© Karim SAHIB / AFP

Atlantico Green

L’un des enjeux majeurs de la Conférence sur les changements climatiques porte sur l’aide accordée aux pays en développement pour faire face au défi de la transition énergétique comme aux nouveaux risques naturels. Le problème pour eux, c’est que rien ne vient gratuitement…

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Alors que la COP 28 s’est ouverte cette semaine à Dubaï, les aides financières apportées par les pays riches dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, à travers des fonds versés aux pays en voie de développement, pourraient-elles être mieux utilisées ? Ces projets de financement et ces sommes investies n’entrent-elles pas en concurrence avec les besoins réels des pays en développement ? Ces investissements ne sont-ils pas à fonds perdus ? Faudrait-il mieux les orienter et les adapter ?

Rémi Bourgeot : L’aide financière aux pays en développement pour la transition énergétique souffre d’une confusion plus prononcée encore que celle qui affecte la stratégie des pays développés. S’impose une vision très administrative de la transition, avec peu d’attention pour les objectifs réels et les technologies sous-jacentes. Ces financements sont, concrètement, souvent pris sur les budgets normalement alloués pour l’aide au développement. Cela pose problème aux pays en question car peu d’effort est fait pour construire une politique d’aide en faveur à la fois du développement et de la transition. Dans cette confusion, on se retrouve avec des paquets d’aide à la transition qui sont pris sur les budgets d’aide au développement et qui finissent de nouveau orientés vers des objectifs pour le moins éloignés de la transition, comme par exemple le financement d’aéroports.

On a par ailleurs annoncé à la COP émiratie la constitution d’un fonds de dédommagements aux pays les plus affectés par le dérèglement climatique avec un montant de départ d’un peu plus de 400 millions de dollars. Les Etats-Unis ont ensuite annoncé un ajout de 3 milliards aux 20 milliards du Green Climate Fund, qui soutient l’action climatique dans les pays développés. La question, laissée généralement en suspens, reste celle de la mise en place d’un modèle de développement qui permette la sortie de la pauvreté dans le respect de l’environnement. Les avancées sont faibles en la matière. La norme des pays en développement reste la centrale à charbon, dont l’utilisation continue à exploser. C’est ainsi qu’on ne se rapproche même pas, à l’échelle mondiale, des objectifs de l’accord de Paris. Selon l’ONU, les tendances actuelles nous mènent plutôt vers un réchauffement de 2,5 à 3 degrés d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle, contre les 1,5 degrés de l’Accord de Paris.

En se concentrant uniquement sur la transition énergétique, les pays riches n’imposent-ils pas au monde un hypothétique modèle de croissance verte qui n’a jamais fonctionné dans leur propre pays ?

La transition énergétique n’est pas le seul sujet environnemental mais elle est absolument cruciale. Elle est en proie à la plus grande confusion, justement parce que ce modèle de croissance verte émerge déjà de façon limitée et contradictoire dans les économies les plus matures, et très peu dans le monde émergent. C’est le grand paradoxe de la Chine. D’un côté, le pays positionne à la pointe de la production de tout ce qui sous-tend la transition énergétique, pour le meilleur comme pour le pire, notamment avec les batteries, les véhicules électriques, panneaux solaires, terres rares… Et dans le même temps, son modèle reste ultra-dépendant du charbon comme source d’énergie. L’Inde est moins avancée en termes de développement économique et affiche une dépendance encore plus marquée. On a ainsi une part croissante de l’économie mondiale, avec ces deux géants notamment, qui sont loin de suivre le même type de tendance à la décarbonation que les pays développés. Leurs dirigeants ne sont pas prêts à sacrifier l’émergence de classes moyennes biberonnés aux promesses du mode de vie américain, notamment sur le plan énergétique. 

Si les économies mûres se trouvent mieux positionnées pour réduire leurs émissions de façon significative, quand elles le veulent, encore faut-il aussi parvenir à mettre en œuvre une politique énergétique adaptée. On voit des développements notables dans le nucléaire dans de nombreux pays, après plusieurs décennies d’incertitude dont le point culminant aura probablement été la transition énergétique allemande et son recours au charbon.

Le sommet de la COP 28, organisé aux Emirats arabes unis, pourrait-il déboucher sur des solutions innovantes et des compromis pour mieux financer la sauvegarde de l’environnement sans léser les pays en voie de développement ?  

Les promesses de dons aux pays les plus vulnérables au changement climatique ne relève pas de la plus grande difficulté. Le nerf des négociations à venir consistera à déployer un modèle de développement qui ne repose pas sur l’explosion de l’émission de gaz à effet de serre. Nous n’y sommes simplement pas pour l’instant et on voit, plutôt une exacerbation des blocages des dernières années, dans le cadre quelque peu irréel de la COP du désert, avec ses 80,000 « délégués » et représentants, qui défendent effectivement les intérêts les plus divers.

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