Ce tableau des inégalités planétaires que révèle la carte de la pollution de l’air<!-- --> | Atlantico.fr
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Des touristes visitent le Taj Mahal au milieu du brouillard et d'un nuage de pollution à Agra.
Des touristes visitent le Taj Mahal au milieu du brouillard et d'un nuage de pollution à Agra.
©Pawan SHARMA / AFP

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Les pays les plus touchés par la pollution de l’air, liée aux particules fines, sont l’Inde, le Népal, le Pakistan et le Bangladesh.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Atlantico : L’Energy Policy Institute de l’Université de Chicago vient de publier un rapport sur la pollution de l’air, aux particules fines, pour l’ensemble de la planète. En quoi cette carte de la pollution de l’air dresse le tableau des inégalités planétaires ? Quels sont les pays les plus touchés et quels sont les principaux enseignements ?

Philippe Waechter : Le monde est très inégal au regard de la pollution de l’air. On en a l’intuition et le rapport de EPIC nous conforte dans celle-ci. Les pays développés sont relativement épargnés alors que d’autres sont pénalisés par une pollution de l’air très importante. Pour mesurer ces inégalités, les chercheurs de l’EPIC mesurent les pertes d’espérance de vie par rapport à la norme de pollution définie par l’Organisation Mondiale de la Santé. C’est une mesure objective facilitant la comparaison.

Parmi les résultats généraux, l’EPIC estime que la pollution de l’air dans le monde réduit l’espérance de vie de 2.3 années par rapport à la norme de l’OMS. Cela représente 17.8 milliards d’années qui pourraient être gagner si la pollution était dans l’étiage de la mesure de l’OMS. C’est considérable.

La distribution de cette pollution est très inégale puisque pour certaines régions de la péninsule indienne, les pertes d’espérance de vie sont supérieures à 5 années. L’Inde, le Népal, le Pakistan et le Bangladesh sont les quatre pays les plus pénalisés. Mais d’autres parties du monde comme l’Asie du Sud-Est, l’Afrique sub-saharienne (Nigeria) ou certaines régions de l’Amérique latine ont des pertes d’espérance de vie importantes. Pour l’ensemble de ces régions, ces pertes sont supérieures à 3 années d’espérance de vie soit bien au-delà de la moyenne mondiale. Pour l’Amérique du nord ou l’Europe de l’ouest, la situation est inverse avec des chiffres bien en-dessous de la moyenne.

Quelles solutions concrètes pourraient être appliquées dans les pays les plus touchés et pour réduire ces inégalités planétaires ?

Dans un pays comme la Chine, la réduction de la pollution de l’air a reflété une volonté politique forte. Depuis 2013, la pollution a été réduite de plus de 40%. Même si la perte d’espérance de vie en Chine est supérieure à la moyenne mondiale, la rupture est significative.

L’arbitrage entre développement économique et effet négatif de celui-ci par la hausse de la pollution est un choix complexe. Les pays de la péninsule indienne misent davantage sur le développement économique en espérant disposer à un moment de moyens suffisants pour effectivement s’attaquer à la pollution. On peut dire la même chose des autres régions citées plus haut pour lesquelles la pollution a des effets fortement pénalisants.

Cet arbitrage est beaucoup plus complexe que ce que l’on peut imaginer dans les pays développés. Ces pays sont très peuplés et il est absolument nécessaire de trouver les moyens d’améliorer le sort de chacun. Il y a une course folle entre l’amélioration du niveau de vie et développement industriel. Le premier est perçu comme étant conditionné au second. Mais comme il faut faire vite, la question de la pollution passe au second plan même si le coût associé en terme de santé publiqueest considérable mais il n’est pas visible immédiatement. Pour prendre une mesure de cet arbitrage, 59 % de la pollution mondiale supplémentaire depuis cette date vient d’Inde. Il faut se développer vite même avec des externalités négatives importantes.

La Chine a semble-t-il passé ce cap, l’Inde n’y est clairement pas encore. C’est ce qui fait la différence.

Sur un autre plan, on voit que les pays les plus pénalisés sont aussi ceux pour lesquels les mesures sont les plus rudimentaires ou les moins bien renseignées. Ce n’est pas très important dans l’immédiat donc on ne consacre pas beaucoup de ressources à mesurer un facteur négatif qui pourrait retarder la croissance et le basculement vers un environnement plus propre.

Au-delà de ces choix politiques essentielles, le moyen le plus évident pour réduire la pollution de l’air est de diminuer l’utilisation des énergies fossiles. Les gaz d’échappement, la fumée des usines, etc… sont associés à la combustion de ces énergies fossiles.

La situation est complexe et la discussion ancienne sur ce point. Les pays émergents ont longtemps évoqué leur droit au développement même si cela passe par l’utilisation intensive d’énergies fossiles face à des pays développés dont les émissions carbonées se réduisent mais qui ont contribué fortement à l’accumulation du stock de carbone dans le passé. C’est pour cela que la décision de moins polluer est avant tout politique.

L’Europe est-elle réellement à l’abri de ces enjeux ? Quelles mesures pourrions-nous prendre ou quelle stratégie devrions-nous adopter pour lutter plus efficacement contre la pollution de l’air en Europe ?

L’Europe de l’Ouest est mieux positionnée que l’Europe de l’Est qui est moins développé et pour lesquels la question du développement industriel reste prégnante. Cette discussion a pu être constatée lors des interrogations sur la place du charbon en Europe avec la Pologne voulant conserver des positions fortes.

La réduction de la pollution de l’air passe par la nécessité de suivre la trajectoire qui mène à la neutralité carbone en 2050. C’est la seule voie pouvant s’inscrire dans la durée.

Y a-t-il de l’espoir dans la lutte contre la pollution de l’air à l’échelle mondiale ? Est-il possible d’entrevoir des gains d’espérance de vie grâce à la réduction de la pollution ? De nouvelles méthodes de dépollution ou de nouvelles stratégies pour réduire drastiquement les émissions sont-elles à portée de main grâce à de nouvelles innovations dans de nombreux pays, y compris ceux qui sont les plus menacés et impactés par cette pollution de l’air ? Une action collective doit-elle être prise et sous quelle forme peut-elle intervenir ?

Le problème principale de la pollution est que cela reste principalement une cause nationale. Pourtant l’impact négatif sur la santé est équivalent à celui du tabac mais bien supérieur à celui de l’alcool ou du sida. Il n’y a pas de dynamique collective sur la pollution, pas de fonds internationaux récoltant d’importants capitaux. La pollution est d’une certaine Manière un sous produit du réchauffement climatique. Si ce dernier se stabilise par l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris alors il en sera de même pour la pollution. Cette vision ne peut être satisfaisante car les régions les plus polluées sont franchement pénalisées et cela dès maintenant.

Dans le cadre de COP27, un accord a été trouvé pour compenser les pays émergents qui se trouvent désavantagés. C’est le fond perte et dommage. On pourrait l’utiliser, au moins en partie, pour lutter contre la pollution. Ce ne serait pas suffisant mais ce serait un support fort pour les gouvernements locaux qui finalement seuls décident. Cette forme de solidarité internationale serait bénéfique pour les pays subissant cette pollution mais ce serait aussi un facteur positif de santé publique pour le monde entier.

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